De nombreuses banques internationales ont mis à jour leur politique charbon ces dernières semaines. Leur point commun pour la majorité d’entre elles : elles concernent uniquement la pointe émergée de l’iceberg, le financement direct aux projets de nouvelles centrales à charbon, mais pas la partie immergée, le financement indirect aux entreprises actives dans le charbon. Passage en revue des dernières annonces:

 

Absa Bank

La banque sud-africaine a annoncé le 16 avril la mise à jour de sa politique charbon. Celle-ci met un terme au financement de nouvelles centrales à charbon… à l’exception de “circonstances atténuantes” qu’elle ne décrit pas précisément. Absa Bank va donc moins loin que sa consoeure Nedbank qui a arrêté ce type de financement, sans exceptions. Et elle s’abstient surtout de toute restriction de ses financements aux entreprises du secteur, à commencer par les deux développeurs de centrales à charbon Eskom et First Quantum Minerals qu’elle a soutenu à hauteur de 1,6 milliard de dollars entre 2017 et septembre 2019.

 

Mizuho et SMBC

Le 15 avril, la banque japonaise Mizuho annonçait la mise à jour annuelle de sa politique charbon, avec là aussi la fin des financements de nouvelles centrales à charbon… à l’exception du remplacement d’anciennes centrales par de nouvelles dans les pays où elles sont “essentielles” pour l’approvisionnement en énergie. Ainsi que pour les projets déjà en cours de négociation, comme c’est le cas pour plusieurs projets en Asie du Sud-Est. En complément, Mizuho s’engage également à réduire de 50% son exposition aux centrales à charbon d’ici 2030 et à zéro d’ici 2050. Cette dernière date est 10 ans trop tard pour respecter l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris, mais surtout cet engagement ne couvre pas les financements d’entreprises du secteur du charbon, de loin les plus importants.

Une autre banque géante japonaise, SMBC, a également fait une annonce similaire le 16 avril mais avec cette fois de plus grosses exceptions puisqu’elle pourra toujours financer directement de nouvelles centrales à charbon ultra-supercritiques, en plus de celles déjà en cours de négociation.

L’absence d’exclusion stricte concernant les projets de centrales à charbon, et celle de toute restriction concernant les financements d’entreprises actives dans le secteur du charbon témoigne du retard préoccupant des banques japonaises sur leurs conseures occidentales. Mizuho et SMBC ont pourtant financé des dizaines de développeurs de centrales à charbon à hauteur respectivement de 31 et 19,2 milliards de dollars entre 2017 et septembre 2019, ce qui en fait les premier et troisième prêteurs au monde à ce type d’entreprises.

 

HSBC

La fin de la séquence ouverte au printemps 2018 concernant HSBC est la plus belle illustration de ce décalage. La banque britannique était la dernière grande banque européenne à ne pas avoir mis définitivement un terme à ses financements directs de nouvelles centrales à charbon, ayant laissé la porte ouverte à de tels projets en Indonésie, au Vietnam et au Bangladesh. Après deux ans de controverses, ce sont ces exceptions, qui concernaient les pays prévoyant parmi le plus de nouvelles centrales à charbon au monde et nécessitant des financements étrangers internationaux, que HSBC a officiellement annulé lors de son Assemblée Générale du 24 avril. Se contentant du minimum, sans faire la moindre annonce supplémentaire concernant ses financements aux entreprises actives dans le secteur du charbon comme l’ont fait récemment ses conseures Standard Chartered, RBS et Barclays, à quelques mois de la COP de Glasgow. HSBC a elle aussi financé des dizaines de développeurs de nouvelles centrales à charbon à hauteur de près de 8 milliards de dollars entre 2017 et septembre 2019.

 

Citi

Dans une dynamique très similaire, la banque américaine Citi a également mis un terme quelques jours plus tôt, le 20 avril juste avant son AG, aux exceptions de sa politique charbon concernant le financement direct de nouvelles centrales à charbon, y ajoutant l’exclusion des mines de charbon. La grosse différence avec HSBC, c’est que Citi n’a quasiment pas réalisé ce type de financement récemment puisqu’il faut remonter à 2013 pour trouver sa dernière transaction.

Contrairement aux banques mentionnées ci-dessus, la nouvelle politique charbon de Citi comporte également des restrictions concernant les entreprises minières de charbon thermique, mais celles-ci restent très faibles. Si le seuil retenu de 25% des revenus issus de la production de charbon est plutôt bon, c’est la démarche retenue qui pose problème. En effet, au lieu d’exclure immédiatement ces entreprises, Citi repousse l’échéance de 5 ans et s’engage en plus simplement à diminuer son exposition de 50% d’ici 2025, puis zéro en 2030. Cette mesure est problématique car cette diminution de l’exposition peut paradoxalement s’accompagner d’une hausse des flux de financements vers ces entreprises. Elle concerne en plus uniquement le secteur minier et pas le secteur de la production d’électricité, alors que Citi a dirigé plus de 14 milliards de dollars vers de très nombreux développeurs de centrales à charbon entre 2017 et septembre 2019.

 

Westpac

La dernière annonce date du 4 mai et concerne la banque australienne Westpac. Celle-ci adopte une approche similaire en s’engageant à réduire à zéro son exposition aux entreprises minières tirant plus de 25% de leurs revenus du charbon thermique d’ici 2030. Si la date limite retenue est la bonne, Westpac étant principalement active en Australie, un membre de l’OCDE, et relativement peu ailleurs dans le monde, cette approche est problématique. Elle ne peut en effet constituer qu’un premier pas vers une stratégie de sortie complète du charbon puisqu’elle omet toutes les entreprises sous le seuil de 25%, qui devraient également être concernées. Mais la faille la plus béante dans la politique de Westpac concerne l’absence d’engagement à arrêter complètement de financer directement les projets de mines et centrales à charbon, le tout premier pas vers la sortie du charbon.