La banque italienne Intesa SanPaolo vient d’adopter sa première politique charbon. Elle est la dernière grande banque européenne qui ne s’était pas dotée d’une telle politique. Si celle-ci va plus loin que la simple restriction des financements de projets charbon, elle contient de nombreuses failles qui la rendent très limitée dans son champ d’application. Décryptage.

Le point positif de cette politique est qu’elle exclut totalement le financement direct de nouvelles mines de charbon ou de nouvelles centrales à charbon, sans exceptions géographiques comme ont pu en adopter d’autres banques telles que HSBC, qui a renoncé à ces exceptions il y a quelques semaines.

Mais nous sommes en 2020, et les urgences climatiques et de santé publique sont plus présentes que jamais, donc les banques internationales sont surtout attendues sur leurs critères d’exclusion des entreprises du secteur du charbon. Les financements généraux aux entreprises constituent en effet l’essentiel des soutiens financiers, la partie immergée de l’iceberg, comparée aux financements de projets, qui en constitue la pointe seulement.

C’est là que le bât blesse. Car Intesa SanPaolo a trouvé de nombreuses failles pour réduire l’ambition de sa politique. La première d’entre elle consiste à limiter son application à certains prêts généraux. Les émissions d’actions et d’obligations en sont donc exclues, mais également le renouvellement ou l’extension de lignes de crédit, ce qui en fait un cas unique parmi les grandes banques internationales. Sans même parler des investissements dans les entreprises du secteur, qui ne seront pas impactés non plus, alors que la banque a investi plus de 230 millions de dollars dans des dizaines de développeurs de centrales à charbon, d’après les dernières données de Septembre 2019.

La grande banque italienne est aussi la première à introduire une différenciation dans ses critères d’exclusion d’entreprises productrices d’électricité entre celles basées dans les pays de l’OCDE et celles hors OCDE. Les premières ne peuvent pas bénéficier de soutiens si elles ont plus de 30% de leurs capacités de production d’électricité fondées sur le charbon et les secondes si ce seuil dépasse le seuil extrêmement faible de 50%. Seule la banque allemande Commerzbank différenciait jusque-là ses seuils d’exclusion entre les entreprises basées en Allemagne et celles en dehors. Si le critère relatif d’exclusion adopté par Intesa SanPaolo pour les entreprises basées dans l’OCDE est assez strict, il s’accompagne malheureusement d’exceptions qui laissent une grande marge de manoeuvre à la banque pour décider au cas par cas, à la tête du client. Le critère pour celles basées ailleurs reste notoirement insuffisant.

Par ailleurs, assez étrangement, aucun critère d’exclusion relatif n’est appliqué concernant les entreprises minières de charbon, alors que seules celles-ci sont concernées par l’exclusion des entreprises prévoyant de nouveaux projets de mines de charbon. Soit exactement le chemin inverse de celui réalisé par de nombreuses banques jusqu’à présent. Les 5 entreprises qui prévoient de nouvelles centrales à charbon et qu’Intesa a financé à hauteur de 2,6 milliards de dollars entre 2017 et septembre 2019 ne seront donc pas exclues à cause d’un tel critère.

Bon point, Intesa SanPaolo a par contre adopté un critère d’exclusion rare dans le milieu : celui de certains financements d’acquisition de centrales à charbon existantes, qui reste moins strict que celui adopté par les grandes banques françaises.

La banque italienne n’a en revanche pas adopté de date de sortie complète du secteur, ni de stratégie pour y parvenir, contrairement à de plus en plus de banques internationales. Il lui faudra donc revoir sa politique prochainement si elle ne veut pas rester à la traîne loin derrière nombre de ses concurrentes européennes.