Dans l’état actuel, la taxonomie verte, qui rassemblent les activités qui contribuent à la transition écologique et n’endommagent pas le climat et l’environnement, exclue le nucléaire et limite fortement le soutien au gaz. Pourtant, une procédure d’examen spécifique pourrait conduire à la réintégration du nucléaire et un seuil d’émission de CO2 plus élevé que prévu pourrait soutenir le développement gazier. Explications sur cet inquiétant tour de passe-passe.

Après deux années de travail, le groupe d’experts techniques (TEG) remettait son rapport final sur la taxonomie verte européenne. Sur la base de ce travail, le Parlement Européen a adopté la réglementation sur la taxonomie le 18 juin 2020. Pour que la taxonomie soit totalement opérationnelles, deux étapes supplémentaires sont nécessaires  :

  1. Pour les 2 premiers objectifs d’atténuation et d’adaptation au changement climatique, elle doit être traduite en actes délégués par la Commission d’ici fin 2020.
  2. Pour les 4 autres objectifs – utilisation durable et protection de l’eau & des ressources marines, transition vers une économie circulaire, réduction des déchets et le recyclage, prévention et contrôle de la pollution, et protection des écosystèmes -, elle doit être complétée par les travaux d’un nouveau groupe sur la finance durable (« platform on sustainable finance ») d’ici fin 2021.

Le TEG avait fixé un seuil maximal d’émission à 100g CO2/Kwh, ce qui rendait particulièrement difficile d’inclure les projets gaziers dans la nouvelle taxonomie. Il n’avait logiquement pu se prononcer sur « l’absence de préjudice » climatique (« do not harm ») du nucléaire et avait donc exclu celui-ci de la taxonomie.

Pourtant, sous la pression continue des lobbies, notamment français, la Commission souhaite que le nucléaire fasse l’objet d’une « expertise technique » complémentaire et pourrait adopter un seuil d’émission relevé permettant d’investir largement dans le gaz.

Contrairement au reste des activités, le nucléaire serait examiné par le centre de recherche de la Commission Européenne. A la suite de cet examen, il pourrait être inclus dans la taxonomie d’ici fin 2021. Cette procédure exceptionnelle soulève de nombreuses questions tant les pressions sont fortes pour voir le nucléaire rentrer dans les « activités vertes » européennes. De même, le fait que la Commission Européenne puisse passer outre les recommandations du TEG et favoriser les investissements gaziers soulève de vraies questions sur la cohérence stratégie climatique européenne. L’Europe doit s’efforcer de réduire sa dépendance aux énergies fossiles pour se passer de celles-ci dès 2040/2050.

L’inclusion du nucléaire et du gaz dans la taxonomie sera décidée hors de la scène publique, derrière les portes fermées des institutions européennes.

Au lieu de chercher à tout prix à protéger les géants du nucléaire et des énergies fossiles, les leaders européens devraient demander à la Commission de travailler immédiatement sur une taxonomie « brune » identifiant les activités incompatibles avec leurs objectifs climatiques.