L’investisseur tricolore La Française a mis en ligne vendredi dernier sur son site internet sa première politique de sortie du charbon. Il était parmi les ultimes acteurs financiers français de taille importante à ne pas avoir de telle politique dans le secteur. La politique adoptée contient l’essentiel des points importants à couvrir, mais elle reste largement perfectible.

1. Ce qui change

La Française a publié sur son site internet le 5 octobre sa nouvelle politique d’exclusions couvrant le secteur du charbon.

Celle-ci comprend notamment les mesures suivantes :

  • Exclusion des entreprises développant de nouveaux projets de mines ou centrales à charbon ;
  • Exclusion des entreprises tirant plus de 25% de leurs revenus ou de leur production d’électricité à partir du charbon ;
  • Engagement à sortir complètement du charbon d’ici 2030 dans l’UE et l’OCDE, et d’ici 2040 dans le reste du monde.

2. Notre analyse : mieux vaut tard que jamais

Avec 50 milliards d’euros d’encours sous gestion, La Française était jusqu’à présent un des deux derniers gestionnaires d’actifs français de taille importante à ne pas avoir de politique charbon, l’autre étant ODDO BHF AM. Cette politique vient donc combler un vide particulièrement criant.

Celle-ci comprend la plupart des éléments importants à trouver dans une bonne politique de sortie du secteur du charbon, mais elle est loin d’être parfaite.

La Française exclut par exemple la majorité des entreprises prévoyant encore, en 2020, de développer le secteur du charbon avec de nouveaux projets de mines ou centrales dans le monde, mais elle omet celles prévoyant de nouvelles infrastructures charbon. Celles-ci sont moins nombreuses mais peuvent avoir un rôle majeur dans l’ouverture de nouveaux gisements charbonniers ou de nouvelles centrales à charbon. Le cas du bassin de Galilée en Australie en est une belle illustration, où la construction de voies ferrées pourrait ouvrir à l’exploitation une véritable bombe climatique qui pourrait indirectement émettre autant de gaz à effet de serre que l’Allemagne. L’exclusion de ces entreprises devrait suivre sa propre logique quand elle indique qu’”il est urgent de ne pas soutenir des investissements qui figeraient des émissions de CO2 pour des dizaines d’années à venir”.

La Française exclut par ailleurs les entreprises les plus exposées au secteur du charbon, en utilisant un seuil d’exclusion de 25% des revenus ou de la production d’électricité tirée du charbon. Mais elle omet les gros acteurs du secteur diversifiés, comme BHP Billiton, Anglo American ou State Development and Investment Corporation (SDIC), qui sont sous ce seuil et ne sont exclus que par un seuil d’exclusion absolu et non relatif, absent de la nouvelle politique.

Enfin, la Française se fixe les bons objectifs de sortie complète du secteur, 2030 pour l’Europe et l’OCDE et 2040 pour le reste du monde, mais elle omet de demander aux entreprises restant en portefeuille d’adopter un plan de sortie du secteur selon les mêmes dates limites, basé sur la fermeture des actifs charbon et non leur vente.

La Française passe ainsi d’un score de 0 pour les 4 critères du Coal Policy Tool à 8 pour le critère des développeurs, 9 pour celui sur le seuil d’exclusion relatif, et 8 pour le dernier critère concernant la stratégie de sortie.

Scores de la Française dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente les scores de la politique charbon de la Française sur 5 critères du Coal Policy Tool

Ces notes représentent un progrès indéniable comparé à l’absence totale de politique, mais cette nouvelle politique reste loin des meilleures pratiques du secteur. Amundi exclut ainsi les entreprises prévoyant de nouvelles infrastructures charbon dans le monde et demande aux entreprise un plan de sortie du secteur d’ici 2030/2040. Crédit Mutuel AM exclut de son côté les entreprises tirant plus de 20% de leurs revenus/production d’électricité à partir du charbon, mais aussi celles produisant plus de 10Mt de charbon par an, ou ayant une capacité de production d’électricité de plus de 5GW basée sur le charbon.

3. Notre conclusion

La Française a rattrapé beaucoup de son retard accumulé, mais elle indique que sa “marche vers une sortie totale du charbon nécessitera des actualisations régulières de la politique d’exclusion”. Il ne lui suffira donc plus qu’à intégrer les améliorations décrites ci-dessus pour rejoindre le peloton de tête des institutions financières ayant une politique de sortie robuste du charbon. Elle indique par ailleurs être en réflexion concernant “l’extension progressive de l’exclusion du charbon à d’autres types d’énergies fossiles”, une étape effectivement incontournable et de plus en plus urgente. Pour éviter d’être à nouveau parmi les derniers de la classe, le plus tôt sera le mieux.

Pour aller plus loin