Carmignac, une société qui gère 34 milliards d’euros d’actifs, a adopté récemment une nouvelle version de sa politique charbon. La nouvelle politique fait d’importants progrès, mais plusieurs failles subsistent et l’investisseur manque l’occasion de transformer l’essai en adoptant directement une politique de sortie du charbon robuste.

1. Ce qui change

Carmignac excluait déjà les entreprises minières tirant plus de 10% de leurs revenus du charbon thermique. La société de gestion se dote de critères supplémentaires:

  • Les entreprises produisant plus de 20 Mt de charbon thermique par an sont aussi exclues;
  • Cependant, des exceptions sont possibles pour les entreprises ayant pris des engagements pour réduire la part de leurs activités liées au charbon thermique à moins de 10% de leurs revenus dans un délai de 2 ans.

Carmignac se dote aussi de critères d’exclusion des entreprises productrices d’électricité:

  • Qui ajoutent de nouvelles centrales à charbon;
  • Qui ne respecteraient pas une trajectoire de diminution de l’intensité carbone de leurs émissions selon un tableau précis dans le temps, avec toutefois de potentielles exceptions pour les entreprises prenant également des engagements de réduction puis de sortie du secteur.

2. Notre analyse: une occasion manquée

Carmignac faisait partie des acteurs de la place de Paris les plus en retard avant cette mise à jour.

Concernant le secteur minier, l’adoption d’un critère d’exclusion fondé sur la production absolue de charbon d’une entreprise est bienvenue. Malheureusement, Carmignac rate une opportunité pour immédiatement s’aligner sur le seuil de 10 MT retenu par la Global Coal Exit List et déjà adopté par des acteurs financiers comme Crédit Mutuel AM. De plus, des exceptions restent encore possibles pour les entreprises s’engageant à passer sous la barre des 10% dans un délai 2 ans, même si Carmignac a communiqué à Reclaim Finance ne pas en faire actuellement. La politique n’indique pas si ces exceptions pourraient s’appliquer uniquement aux entreprises au-dessus des 10% ou également à celles au-dessus des 20 Mt.

C’est surtout du côté du secteur de la production d’électricité que le bât blesse le plus. Carmignac ne prévoit d’exclure les entreprises tirant plus de 10% de leurs revenus ou production d’électricité du charbon que lorsqu’elles n’indiquent pas l’intensité carbone de leur mix énergétique et qu’elles ne peuvent donc être analysées en fonction de la trajectoire requise par Carmignac, ce qui est rare. Si l’approche de réduction de cette intensité dans le temps est intéressante, elle doit absolument être couplée avec une approche d’exclusion immédiate des acteurs les plus importants du secteur (au-dessus de 20% de production et au-dessus de 5 GW de capacité), comme le fait déjà Crédit Mutuel AM. Certaines exceptions restent possibles même avec cette approche, mais elles ne concernent qu’un seul acteur dans 2 fonds à ce jour d’après Carmignac.

Un ajout important de cette nouvelle version de la politique réside dans l’exclusion des développeurs de projets de mines ou de centrales à charbon, ces entreprises qui prévoient toujours d’étendre ce secteur au moment où doit débuter son rapide déclin.

Mais contrairement à Amundi par exemple, la nouvelle politique de Carmignac n’exclut toujours pas par ailleurs les développeurs d’infrastructures de charbon, un nombre limité d’entreprises mais pourtant déterminant dans l’ouverture de certains gisements miniers comme en Australie, ou qui risquent d’enfermer des pays dans la dépendance au charbon comme le Kenya ou le Bangladesh.

Un autre point positif et une amélioration de la politique réside dans l’adoption d’un engagement clair de sortie du secteur du charbon, à la fois des mines et des centrales, d’ici 2030. Un nouveau document publié sur le site de Carmignac le 17 novembre précise bien que cet engagement concerne toute entreprise ayant plus de 0% de ses activités liées au charbon. En revanche, contrairement à ce que font Amundi, OFI AM et d’autres, cet engagement ne comprend pas la demande explicite d’adoption de plan de sortie d’ici la même date pour les entreprises restant en portefeuille.

Scores de Carmignac dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente les scores de la politique charbon de Carmignac sur 5 critères du Coal Policy Tool

3. Notre conclusion

La nouvelle politique charbon de Carmignac inclut désormais des éléments importants comme l’exclusion des développeurs ou la date de sortie d’ici 2030. Mais en adoptant différentes stratégies concernant les secteurs des mines de charbon et de la production d’électricité à partir de charbon, Carmignac manque le coche et adopte une politique sectorielle qui reste lacunaire. C’est une occasion ratée de s’aligner sur les meilleures pratiques d’Amundi, ou d’OFI AM, tel que demandé par Bruno Le Maire lors du dernier Climate Finance Day. Il faudra rattraper cette erreur et corriger le tir le plus vite possible pour ne pas être rapidement dépassé par le peloton des acteurs de la place de Paris. Et passer à l’action concernant le pétrole et le gaz.

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