Scottish Widows a adopté le 9 novembre une première politique très limitée sur les énergies fossiles. La mutuelle d’assurances, initialement créée en 1815, est aujourd’hui l’un des plus grands fonds de pensions au Royaume-Uni et fait partie du groupe bancaire Lloyd’s. Elle devient le 14e acteur financier au Royaume-Uni à disposer d’une politique du charbon couverte par le Coal Policy Tool. Cette politique, qui comprend une partie sur les sables bitumineux, reste très incomplète sur le charbon car elle ne couvre que l’extraction du charbon et n’empêche pas l’expansion du secteur. Le point positif est que cette politique couvre la gestion passive – une pratique rare dans le secteur.

1. Quoi de nouveau ?

Scottish Widows a annoncé désormais exclure et se désinvestir des entreprises dont 10 % ou plus des revenus proviennent de l’extraction du charbon thermique ou des sables bitumineux.

2. Notre analyse : un premier pas timide

a. A propos du charbon

L’explication de l’approche choisie par l’assureur est intéressante et pertinente concernant le débat et la supposée tension entre engagement et désinvestissement. Dans le communiqué de presse de Scottish Widows, Maria Nazarova-Doyle, Head of Pensions Investments chez Scottish Widows, explique que « Nos exclusions se concentrent sur les entreprises qui, selon nous, présentent les risques d’investissement les plus forts en raison de la nature de leurs activités, risque qui ne peut être traité par l’engagement« . Si l’approche générale est la bonne, la mise en œuvre révèle des lacunes importantes.

Limiter l’application de la politique aux seules mines de charbon réduit considérablement son impact. Etendre le champ d’application pour couvrir également la production d’électricité est la prochaine étape logique pour Scottish Widows, qui devrait commencer par exclure tous les développeurs de nouvelles centrales à charbon ainsi que les plus gros producteurs d’électricité à partir du charbon ayant une capacité installée de plus de 5 GW.

En ce qui concerne l’extraction du charbon, le seuil d’exclusion de 10 % est strict mais reste insuffisant. Certaines entreprises en dessous de ce seuil prévoient de développer leurs activités d’extraction, comme Vale, tandis que d’autres, tout en figurant parmi les plus importants producteurs de charbon au niveau mondial, ont des revenus très diversifiés, comme Anglo American. En outre, selon la base de données utilisée, certains géants de l’industrie pourraient rester présents dans le portefeuille de Scottish Widows. C’est par exemple le cas de Glencore qui tire plus de 20% de ses revenus du charbon selon la GCEL mais moins de 5% selon Trucost.

La politique d’exclusion de l’assureur britannique ne fixe pas de date pour un retrait complet du secteur du charbon, et ne demande pas aux entreprises non exclues de faire de même d’ici 2030 en Europe/OCDE et 2040 dans le monde.

Le périmètre d’application de la politique est toutefois positif. L’assureur, qui gère 85 milliards de dollars d’actifs et compte près de 6 millions de clients, appliquera la politique aux fonds qu’il possède, à la plupart des fonds externes dans lesquels il investit et surtout aux fonds indiciels, ce qui est très rare dans le secteur.

Les scores de Scottish Widows dans le Coal Policy Tool

Ce tableau montre les scores de la politique charbon de Scottish Widows pour chacun des critères du Coal Policy Tool.

b. A propos du pétrole et le gaz

Les nouvelles mesures prises par Scottish Widows sur le pétrole et le gaz sont également très limitées. Si l’exclusion de 10 % adoptée est stricte, elle est à la traîne par rapport à Coutts, le gestionnaire d’actifs britannique, qui a adopté un seuil d’exclusion de 5%. Les deux principales lacunes de la politique sont les suivantes :

  • L’indicateur utilisé, les revenus, n’est pas le plus pertinent puisqu’il ne couvrira pas les majors pétrolières et gazières actives dans le secteur et dont la part dans les revenus est inférieure à ce seuil. Par conséquent, une approche utilisant la taille des réserves est plus pertinente et efficace.
  • Le secteur des sables bitumineux n’est qu’un petit sous-secteur du secteur pétrolier et gazier. La nouvelle politique ne couvre pas d’autres sous-secteurs tels que l’Arctique ou le pétrole et le gaz de schiste. Le bras financier de l’État français, la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC), a récemment adopté une politique avec un seuil de 10 % pour l’ensemble des revenus combinés de tous ces sous-secteurs.

Cette politique n’utilise pas une approche dynamique en excluant les développeurs de nouveaux projets pétroliers et gaziers, ou en s’engageant à réduire progressivement le seuil d’exclusion pour arriver à une sortie totale du secteur à une date fixe.

3. Notre conclusion

Scottish Widows rejoint le petit groupe de détenteurs d’actifs britanniques qui appliquent une telle politique, mais reste loin derrière Nest, le système national de régime de retraite, qui a adopté un seuil d’exclusion de 20 % couvrant la production d’électricité et pas uniquement l’extraction du charbon. Nest s’est également engagé à se retirer totalement du secteur du charbon d’ici 2030 et exige un plan de sortie à la même date pour les entreprises du charbon restant dans son portefeuille. Elle est encore plus éloignée d’autres acteurs financiers internationaux comme KLP en Norvège et ses seuils d’exclusion de 5 % et en valeur absolue, ou de la CDC en France sur le pétrole et le gaz.

Après cette première étape, Scottish Widows doit rapidement se mettre à niveau et adopter de nouvelles mesures afin d’avoir une politique de sortie du charbon de haute qualité, sans autre étape intermédiaire. Le temps est un facteur essentiel dans la lutte contre le changement climatique, et l’investisseur devra améliorer considérablement sa politique en matière de pétrole et de gaz pour s’aligner sur les objectifs climatiques de l’accord de Paris.

Pour aller plus loin :