Communiqué de presse
Paris, 22 mars 2022 – Alors que la guerre qui fait rage rappelle plus que jamais l’urgence de réduire la dépendance aux énergies fossiles, plus de 15 associations (1) révèlent que les plus gros acteurs financiers dans le monde n’ont toujours pas pris les mesures nécessaires pour ne plus soutenir l’expansion du secteur pétrolier et gazier mais en soutenir la sortie progressive. Elles lancent un nouvel outil d’analyse “Oil and Gas Policy Tracker” (2) qui permet de pointer du doigt les faiblesses des politiques des grandes banques, principaux assureurs et plus gros investisseurs au monde. Les ONG les appellent à adopter de toute urgence les mesures qui s’imposent pour tenir leurs propres promesses en matière climatique et limiter le réchauffement à 1,5°C.
L’outil évalue et note les politiques d’exclusion pétrole et gaz des 150 plus grandes institutions financières mondiales (60 banques, 30 assureurs et 60 investisseurs) (3). Une institution financière est bien notée dans l’outil à condition de respecter trois indicateurs clés : elle met fin à ses soutiens à tout nouveau projet pétrolier ou gazier ; à ses soutiens aux entreprises développant de nouveaux projets pétroliers et gaziers ; enfin, elle adopte un plan de sortie du pétrole et du gaz (4).
Actuellement, moins de la moitié de ces 150 institutions ont mis en place des politiques d’exclusion sur le pétrole et le gaz (6), alors que nombre d’entre elles se sont engagées à aligner leurs portefeuilles et activités avec une trajectoire 1,5°C en rejoignant la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ) (7).
Selon Clément Faul, analyste des politiques des acteurs financiers chez Reclaim Finance, “En passant au peigne fin les politiques des acteurs financiers, l’outil révèle très nettement le gouffre qui les sépare encore des objectifs climatiques internationaux et bien souvent de leurs propres promesses en la matière. En détectant les pratiques de greenwashing tout en récompensant les bonnes pratiques, nous espérons qu’il pousse tout le secteur de la finance à faire mieux. Plus de la moitié des poids lourds du secteur n’ont toujours pas adopté de politique pour restreindre leurs soutiens au pétrole et gaz. Et lorsqu’elles existent, les politiques ne sont pas assez robustes pour réellement réduire les flux financiers qui alimentent les énergies fossiles et leur développement. Dire qu’actuellement, il y a une grosse marge de progrès est un euphémisme. »
L’expansion pétro-gazière, un angle mort pour les acteurs financiers
L’Oil and Gas Policy Tracker (OGPT) pointe également les principales faiblesses des politiques existantes. A quelques exceptions près, les acteurs financiers font l’impasse sur et ne prennent aucune mesure contre l’expansion pétro-gazière, préalable indispensable pour s’aligner sur une trajectoire de réchauffement d’1,5°C (8).
- Seulement 9 institutions financières excluent tout soutien à tout nouveau projet de production de pétrole et gaz. Les autres se limitent à certains types de projets (sables bitumineux, forages en Arctique ou offshore ultra profond, ou pétrole et gaz de schiste).
- Seulement 5 institutions financières restreignent les soutiens aux entreprises développant des nouveaux projets pétroliers et gaziers. Les autres limitent leurs soutiens directs aux projets mais continuent de financer les entreprises qui les développent.
- Sur les 12 acteurs financiers français évalués dans l’OGPT (9), ils sont deux seulement à avoir ont pris des mesures contre l’expansion pétro-gazière : la Banque Postale, et dans une moindre mesure, Crédit Mutuel (10).
Pour Maxence Delaporte, chargé de campagne pétrole et gaz “La place financière française figure parmi les meilleurs élèves… d’une classe de cancres. A leur habitude, les français se sont emparés du sujet “pétrole et gaz” bien avant les autres. Mais contrairement à ce qu’ils ont sû faire pour le charbon, ils continuent de faire ici l’impasse sur des sujets majeurs comme l’expansion pétro-gazière. C’est pourtant LA priorité climatique, un préalable évident à l’alignement avec 1,5°C. S’ils entendent réellement devenir la place financière la plus avancée sur le climat au monde et donner le ton, il est impératif qu’ils cessent d’ignorer l’impact de leurs services financiers sur le climat et refusent de soutenir les entreprises qui ne renoncent pas à leurs projets de développement pétroliers et gaziers.”
Politiques à géométrie variable et régimes d’exception
L’OGPT révèle des politiques à géométrie variable et avec des régimes d’exception préoccupants. Par exemple :
- Alors que 66 acteurs financiers ont adopté des mesures d’exclusion sur un ou plusieurs secteurs pétro-gaziers non-conventionnels, seulement 14 institutions financières (dont Crédit Mutuel, la Banque Postale et AXA (11)) ont pris des engagements sur les énergies fossiles conventionnelles qui représentent pourtant 50% des plans d’expansion du secteur.
- De plus en plus de politiques font des exceptions pour les entreprises dotées de “plans crédibles de transition” ou “alignés avec 1,5°C”, sans jamais associer ces concepts à des lignes rouges sur le budget carbone ou l’expansion pétro-gazière. C’est par exemple le cas d’AXA dans sa politique pétrole et gaz, adoptée en octobre 2021 (12).
- Presque toutes les politiques sur le pétrole et gaz restreignent les soutiens au pétrole et gaz en Arctique (54 sur 66). Mais le périmètre géographique d’application est souvent trop limité. Seulement 8 acteurs, dont 5 acteurs français (13), ont adopté la définition de l’Arctique utilisée par l’AMAP, le groupe de travail du Conseil de l’Arctique chargé de surveiller la pollution et les changements climatiques.
Reclaim Finance prévoit d’étendre progressivement la portée du Oil and Gas Policy Tracker et d’y inclure 200 institutions financières internationales supplémentaires. D’ici l’Assemblée générale des Nations Unies en septembre, le Oil and Gas Policy Tracker, à l’instar du Coal Policy Tool (14), évaluera les politiques pétrolières et gazières de tous les membres importants de la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ).