Le 30 avril dernier, le nouveau groupe de travail sur les risques financiers climatiques (Task Force on Climate-related Financial Risks, TFCR) du Comité de Bâle a publié son premier document, un sondage sur les initiatives de ses membres concernant les risques financiers climatiques. L’enquête montre que ces risques sont désormais largement reconnus et acceptés comme partie intégrante des prérogatives des banques centrales et des autorités de supervision. Elle révèle également à quel point nous sommes encore loin d’une véritable intégration des risques liés au climat. Notre connaissance des impacts économiques et financiers du changement climatique et l’exemple de crise exogène de l’épidémie du Covid-19 soulignent pourtant la nécessité d’accélérer ce processus. Les banques centrales et les superviseurs financiers devraient adopter une approche de précaution, dont le premier acte serait de réduire les flux financiers dirigés vers les activités les plus polluantes.

Le TFCR a recueilli les réponses de 27 membres et observateurs – représentatifs de 23 juridictions financières – du Comité de Bale, dont plusieurs des banques centrales et des superviseurs financiers les plus puissants au monde. Leurs réponses montrent qu’ils reconnaissent le changement climatique comme étant une source de risques financiers et estiment qu’intégrer ces risques fait partie des prérogatives de leur mandat.

Si les membres et les observateurs du Comité Bale semblent être pleinement conscients de l’importance des risques liés au climat, les initiatives qu’ils ont prises ne leur permettent pas de les intégrer. Ils restent dans un processus de « construction des connaissances » et de « sensibilisation » :

  • 24 des répondants mènent des recherches sur le sujet.
  • 23 des répondants sensibilisent le public par le biais de conférences, de discours ou de publications.
  • 16 ont publié des lignes directrices.

Ainsi, le niveau de préparation des acteurs financiers est faible et les règles varient d’une juridiction financière à l’autre. Sur les 23 juridictions financières étudiées :

  • 18 juridictions ont questionné les banques sur les risques climatiques, un travail qui montre que leur gestion n’en est « qu’à un stade précoce de développement ».
  • 20 juridictions communiquent des informations sur les risques climatiques, la plupart sur la base du volontariat.

Plus important, la majorité des répondants n’ont pas encore pris en compte, ou envisagé de prendre en compte, l’atténuation des risques financiers climatiques dans les obligations de capital. En un mot, pour les banques centrales et les autorités de supervision, le climat reste du domaine du « potentiel travail futur ».

Si elles ne voient aucun obstacle juridique à l’intégration des risques climatiques, la lenteur du processus peut s’expliquer par quelques défis techniques (disponibilité des données, méthodologie, horizon temporel…) qui ne devraient néanmoins pas empêcher l’adoption de mesures nécessaires pour répondre aux nouveaux risques.

La nécessité de continuer à développer des connaissances et à sensibiliser ne signifie pas que les membres et observateurs du Comité de Bâle ne puissent pas commencer immédiatement à intégrer les risques liés au climat : ils doivent adopter une approche de précaution qui permette de réduire les flux financiers dirigés vers les actifs les plus polluants en utilisant les informations dont ils disposent déjà.

Afin de réduire les risques liés au climat, une sortie progressive des énergies fossiles est nécessaire : les banques centrales doivent exclure les actifs liés aux énergies fossiles des opérations de refinancement et des programmes de quantitative easing, tandis que les autorités de surveillance financière doivent en tenir compte pour ajuster les exigences prudentielles.

Le charbon, le pétrole et gaz non conventionnels et le développement de tous les combustibles fossiles sont particulièrement incompatibles avec les objectifs climatiques et augmentent les risques climatiques, y compris le risque « d’actifs échoués » (stranded assets), et devraient alors être les premiers visés. Le charbon est déjà en passe de devenir un « actif échoué », en raison de la fermeture de nombreuses centrales électriques pendant la crise du Covid-19 et de coûts d’exploitation plus élevés que jamais.

De plus, lorsque la crise actuelle s’apaisera, les banques centrales et les autorités de supervision devraient ajuster les coussins contra-cycliques (CCyB, countercyclical buffer) afin de prévoir le risque de chocs systémiques liés au climat.

La crise du Covid-19 ne devrait pas retarder l’adoption des mesures requises, elle devrait être considérée comme une opportunité de mieux comprendre comment une crise climatique peut affecter le monde financier. L’inaction serait une grande erreur de la part des banques centrales et des autorités de supervision, une erreur dont elle paieront dix fois le prix dans les années et décennies à venir.

Pour plus de détails, se référer à l’enquête TFCR.