Tout le monde dans le secteur financier connaît leurs noms : Mike Bloomberg et Mark Carney (1). Aujourd’hui, ces pontes de la finance climat président la Glasgow Financial Alliance for Net Zero (GFANZ), lancée il y a un an jour pour jour avec pour mission d’aligner la finance internationale avec les objectifs climatiques (2). Un an plus tard, dans une lettre adressée aux chefs de file du GFANZ, une cinquantaine d’associations sonnent l’alerte : les banques, assureurs et investisseurs membres n’ont toujours pas pris les mesures nécessaires pour réduire leurs soutiens au développement des énergies fossiles. Une large majorité peut encore soutenir les développeurs de charbon et seulement cinq poids lourds du GFANZ restreignent leurs soutiens aux développeurs de pétrole et gaz. C’est pourtant une des conditions sine qua none de l’atteinte de la neutralité carbone. Pour que le GFANZ ne devienne pas la plus grosse alliance synonyme de greenwashing, Reclaim Finance et les ONG appellent Carney et Bloomberg, à intervenir d’urgence pour muscler les règles du GFANZ.
Dans une lettre (3), Reclaim Finance, BankTrack, ReCommon, urgewald and Climate Action Network-International et 46 autres ONG de 19 pays, alertent les co-présidents du GFANZ, Mark Carney et Michael Bloomberg, sur les risques que le GFANZ soit à tout jamais qu’un outil de greenwashing. Car le tableau est assez sombre et offre de quoi s’alarmer. Avant de s’y pencher, rappelons un fait : l’Agence internationale de l’énergie n’accepte aucun nouveau projet de charbon ou de production pétrolière et gazière dans son scénario pour l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050 suivant une trajectoire 1,5°C (4).
Des soutiens à l’expansion du charbon
Or, seulement 60 des 240 principaux membres du GFANZ ont pris des mesures pour restreindre leurs soutiens aux entreprises développant de nouveaux projets de production et infrastructure charbon. Sur les 60, seulement 11 ont adopté des politiques robustes pour cesser tout services financiers à ces entreprises (5).
BlackRock, pourtant membre du comité de pilotage du GFANZ, demeure même le plus gros investisseur dans le charbon avec $34 milliards détenus dans des développeurs de charbon. Il n’est pas le seul à investir à rebours de ces engagements, puisque 6 des 8 plus gros détenteurs d’actions et d’obligations dans l’industrie du charbon (6) dans le monde sont membres du GFANZ.
Des soutiens à l’expansion pétro-gazière
Le bilan est encore plus mauvais sur le pétrole et le gaz. Parmi les 74 plus gros membres de GFANZ, seulement 5 s’engagent à restreindre leurs soutiens aux développeurs de pétrole et gaz (7). Parmi eux se trouvent la Banque Postale…mais ici encore, la cohérence manque puisque l’engagement n’est appliqué qu’au niveau de la banque et non de la gestion d’actifs. Quand La Banque Postale fait des promesses sur le climat, La Banque Postale AM continue, elle, d’investir dans TotalEnergies.
L’analyse des financements opérés ces derniers mois par les membres de GFANZ fait apparaitre l’hypocrisie comme un trait de caractère assez commun aux membres de l’alliance. En 2021, les 44 plus grosses banques de la Net Zero Banking Alliance (NZBA) ont fourni $143,6 milliards de soutiens aux 75 plus gros développeurs de pétrole et de gaz (8). Un mois après avoir rejoint la NZBA, JPMorgan Chase, Mizuho and Unicredit contribuaient à une opération financière de $580 millions de dollars pour Gazprom, le géant gazier russe et 2ème plus gros développeur au monde (9).
Malheureusement, rien en l’état permet d’espérer un changement. En effet, aucune alliance n’exige de ses membres la fin des soutiens à l’expansion des énergies fossiles et il serait illusoire de penser que les acteurs financiers vont individuellement cesser de faire l’autruche sans pression extérieure. Alors que le GFANZ fête son 1er anniversaire, il faut donc lui souhaiter une chose : que Carney et Bloomberg, qui ont su rassembler plus de 500 acteurs financiers sur la cause climatique, fassent le nécessaire pour cette fois les convaincre d’en finir avec le développement du charbon, du gaz et du pétrole.