Jeudi 4 février 2021 – Alors qu’un nombre croissant d’acteurs financiers exigent des entreprises de leurs portefeuilles d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050, le think tank sur le climat et l’énergie, Ember, publie aujourd’hui un rapport sans appel sur la stratégie climat d’Engie (1). Non seulement Engie tarde à publier un plan de fermeture de ses dernières centrales à charbon, mais son pari sur le gaz fait peser des risques lourds sur le climat et sur les actionnaires dans un contexte d’urgence climatique et de compétitivité croissante des énergies renouvelables.

« ENGIE a annoncé en 2016 qu’elle cesserait de produire de l’électricité à partir du charbon, mais elle n’a toujours pas de date de fermeture confirmée pour 70 % de ses centrales au charbon restantes. Et si ENGIE vise à ce que les sources renouvelables représentent 58 % de sa production d’électricité d’ici 2030, elle a également l’intention de convertir les centrales au charbon au gaz fossile et à la biomasse. Cette stratégie s’accompagne de risques financiers et environnementaux » explique Sarah Brown, analyste senior chez Ember.

Engie exploite toujours un total de 4 GW de capacité de charbon, 76 % se trouve en Amérique du Sud (Chile, Brésil et Pérou), 14 % au Maroc et 10 % au Portugal. Parmi ces centrales, 3 des centrales au charbon d’Engie au Chili – Andina, Hornitos et IEM -, en plus de celles du Brésil et du Maroc, n’ont toujours pas de date de fermeture précise. Dans une interview à France inter, Claire Waysand, directrice générale par interim et secrétaire générale du groupe Engie laissait entendre que les centrales chiliennes seraient reconverties au gaz ou à la biomasse (2).

Or, Ember avertit qu’aucune des deux options n’apporterait de gain positif pour le climat. Au contraire, le rapport rappelle l’incompatibilité de leur développement, à l’usage industriel pour la biomasse, avec les objectifs de l’Accord de Paris et pointe les risques spécifiques liés à un approvisionnement en gaz de schiste en provenance des Etats-Unis.

“ENGIE a-t-il récemment renoncé à importer du gaz de schiste en France pour en approvisionner ses centrales au Chili ? C’est une question cruciale à laquelle les actionnaires d’ENGIE sont en droit d’attendre des réponses. Si 23 acteurs financiers français attendent d’ENGIE comme de leurs autres clients actifs dans le secteur du charbon l’adoption d’un plan de sortie du charbon, ils sont aussi nombreux à s’être engagés à aligner leurs activités avec un objectif de neutralité carbone ou cohérent avec l’Accord de Paris (3). Leur propre objectif, déjà affaibli par le fait qu’ENGIE n’a qu’une stratégie 2°C (4), sera mis en échec si ENGIE ne fait pas de la sortie du charbon une opportunité pour se tourner vers les énergies renouvelables” commente Lucie Pinson, directrice générale de Reclaim Finance.

Les énergies renouvelables représentent aujourd’hui 27% du mix énergétique d’ENGIE, contre 54% de gaz. Or, même en Europe, ENGIE œuvre pour défendre le gaz au niveau des réglementations (5) et développer de nouvelles infrastructures gazières. C’est le cas de la centrale de Vado Ligure gérée par Tirreno Power détenu à 50% par ENGIE. Originellement 100% alimentée au charbon avant d’avoir une unité de 800 MW convertie au gaz en 2007 puis les unités au charbon fermées en raison de la violation des normes sanitaires, elle pourrait doubler sa capacité de production d’électricité à partir de gaz.

« Tirreno Power et ses dirigeants – dont certains Français – sont poursuivis devant le tribunal de Savone pour leur responsabilité dans le scandale environnemental et sanitaire lié à l’ancienne centrale au charbon. Il est tragique qu’Engie n’ait pas tiré la leçon de sa débâcle à Vado Ligure et mise désormais sur un passage au gaz indépendamment des nouveaux impacts sanitaires et environnementaux, sans parler de ceux liés au climat. C’est une véritable gifle au visage de ceux qui souffrent encore à Vado » déclare Antonio Tricarico, directeur de programme chez ReCommon.

Reclaim Finance appelle les acteurs financiers à se saisir du dossier au plus vite pour pousser ENGIE à publier au plus vite une feuille de route pour fermer ses actifs dans le charbon sans passer par la biomasse ou le gaz, et à l’inscrire dans une stratégie globale de transition vers un objectif de neutralité carbone cohérent avec une trajectoire 1,5°C. (6)

Contacts presse :

Angus Satow, chargé de presse de Reclaim Finance | angus@reclaimfinance.org | +447847754046

Lucie Pinson, directrice générale de Reclaim Finance | lucie@reclaimfinance.org | +33 6 79 54 37 15

Notes :

1. Lire le rapport d’Ember « Utilities beyond fossil fuels Evaluating the transition strategies of utility companies. Case study: ENGIE ».

2. Ecouter l’interview de Claire Waysand sur France inter dans l’émission spéciale “Climat Chaud Devant”, minutage 00:39:00-00:45:00.

3. Notamment des groupes AG2R La Mondiale, AXA, BNP Paribas, CNP Assurances, Caisse des Dépôts, Crédit Agricole/Amundi, Crédit Mutuel, Groupama, La Banque Postale AM, MACIF, MACSF, Natixis/Ostrum, OFI AM, Societe Générale/Lyxor AM. Voir le Coal Policy Tool français. Quand les banques françaises se sont engagées à s’aligner sur les objectifs de l’Accord de Paris, AXA, la Caisse des Dépôts et CNP Assurances font notamment partie de la Net-zero Asset Owner Alliance.

4. Engie a fait certifier son objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre par le SBTi (Science Based Targets Initiative). Cependant, cette accréditation fait référence à un objectif de 2°C. Non seulement cet objectif ne suffit pas à limiter les pires impacts du changement climatique, mais le SBTi a également cessé d’accepter les dossiers pour l’objectif de « 2°C » en 2019, en se concentrant sur les objectifs « bien en dessous de 2°C » et « 1,5°C ».

5. Voir le Registre de transparence de la Commission Européenne .

6. Lire la suite et notre analyse sur le chemin tumultueux d’Engie vers la décarbonisation