Prudential plc, le géant de l’assurance basé au Royaume-Uni mais qui se focalise sur les marchés asiatiques, a publié début mai 2021 une nouvelle politique charbon, dans le cadre de sa promesse de devenir un détenteur d’actifs « net-zéro» d’ici 2050. Cette première politique est un premier pas bienvenu pour Prudential plc, qui gère US$516 milliards d’actifs. Malheureusement, cette politique demeure insuffisante pour répondre à l’urgence climatique à laquelle nous faisons face, puisqu’elle ne consiste qu’en un simple rattrapage par rapport aux développements récents du secteur. Prudential plc devrait revoir ses plans et commencer par exclure d’urgence tous les développeurs de charbon de ses investissements.

1. Ce qui est nouveau

Prudential plc a annoncé son projet de décarboniser son portefeuille d’actifs pour le compte de ses compagnies d’assurance, avec comme nouvel objectif de devenir « zéro émission net » d’ici 2050.

Une des actions immédiatement mises en place dans le but de parvenir à tenir cet engagement au long-terme concerne le charbon :

  • Désinvestir tous les investissements des entreprises qui tirent plus de 30% de leurs revenus du charbon, les actions devant être entièrement cédées d’ici la fin de 2021 et les obligations d’ici à la fin de 2022.

Cette nouvelle mesure concerne un portefeuille d’une valeur de 128 milliards d’USD, d’après les chiffres datant de décembre 2020. Elle ne concerne pas les fonds en unité de compte et les actifs détenus par les entreprises en joint-venture, ainsi que les actifs détenus par Jackson Financial et certains fonds d’organismes de placement collectifs gérés en externe.

Prudential plc mentionne dans son communiqué de presse son intention de rejoindre la Net Zero Asset Owner Alliance et affirme vouloir « accélérer la transition vers une économie peu gourmande en charbon, en s’engageant auprès d’entreprises responsables pour 65% des émissions dans son portefeuille », mais Prudential plc ne détaille en rien la façon dont le géant compte concrètement s’y prendre.

2. Notre analyse: ce n’est qu’un début

L’exclusion des entreprises qui tirent plus de 30% de leur revenu du charbon mènera à l’exclusion de 529 entreprises de la Global Coal Exit List du champ d’investissement de Prudential PLC. Néanmoins, l’assureur pourra toujours investir dans 406 autres entreprises charbonnières.

Avec cette nouvelle politique, Prudential PLC s’alligne avec AXIS Capital ou encore Chubbs aux États-Unis, Munich Re en Allemagne ou QBE en Australie, qui ont toutes adopté un seuil d’exclusion faible de la même sorte au cours de ces dernières années. Mais la politique de Prudential PLC est encore plus limitée: elle utilise la part des revenus tirés du charbon, tandis que les autres assureurs utilisent la part de la production d’électricité à partir du charbon pour écarter certaines entreprises charbonnières. Cette dernière mesure est plus pertinente pour identifier l’impact réel des entreprises de charbon sur le climat.

Puisque Prudential PLC se concentre sur les marchés asiatiques, où le géant compte 20 millions de clients, l’entreprise aurait mieux fait de suivre l’exemple de AIA, qui a adopté une politique de sortie du charbon solide en mars dernier, qui comprend le désinvestissement de toutes les entreprises d’extraction et de production d’électricité à partir du charbon d’ici la fin de 2021 pour les actions et d’ici fin 2028 pour les obligations.

Mais le plus gros écart entre les politiques demeure l’absence d’exclusion des développeurs du charbon, alors que ces entreprises continuent de prévoir d’étendre l’industrie du charbon à l’échelle globale. 115 d’entre elles demeurent sous le seuil d’exclusion des 30%.

Prudential PLC devrait suivre l’exemple d’AXA, qui exclut déjà les entreprises qui planifient de nouveaux projets liés au charbon dans le monde. AXA s’est aussi engagée à sortir l’intégralité de son portefeuille du charbon d’ici 2030 en Europe et dans les pays membres de l’OCDE et d’ici 2040 à l’échelle mondiale ; un calendrier pertinent d’après les dernières données scientifiques de Climate Analytics. Prudential PLC doit prendre exemple sur cette approche et exiger des entreprises charbonnières dans lesquelles l’assureur a encore des investissements, qu’avant la fin 2022, des plans de sortie du charbon respectant ce même calendrier soient mis adoptés.

Une autre lacune de cette politique charbon concerne le champ d’application. Si 128 milliards d’USD d’investissements directs sont couverts, ce n’est pas le cas des actifs détenus dans des fonds en unités de compte, ce qui représente une lacune majeure. Il sera crucial pour l’investisseur britannique de couvrir ces actifs dans son approche, ce qu’AXA fait également déjà.

Score de Prudential plc dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente le score de la politique charbon de Prudential plc basé sur les 5 critères du Coal Policy Tool

3. Notre conclusion

Prudential plc rejoint le groupe croissant d’institutions financières qui s’engagent à aligner leur portefeuille d’investissement sur un objectif de zéro émission nette et une trajectoire de 1,5°C, mais ne parviennent même pas à cesser de soutenir l’expansion de la source d’énergie la plus sale, le charbon. C’est une occasion manquée pour Prudential plc, qui adopte une politique moins ambitieuse que son concurrent asiatique AIA. C’est une honte pour la prétention du Royaume-Uni à être un marché de la finance verte. Ce premier pas doit rapidement être suivi d’autres pour améliorer cette politique du charbon et l’aligner pleinement sur les objectifs climatiques de l’Accord de Paris, à commencer par l’exclusion immédiate de tous les développeurs de charbon. Prudential plc devra également commencer à s’attaquer au secteur du pétrole et du gaz si elle veut réellement « décarboner son portefeuille ».

Pour aller plus loin :