Paris, le 1 novembre 2021 – Une note contenant des propositions (1) pour l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxonomie a été envoyée à la Commission le vendredi 29 octobre 2021. Selon plusieurs sources (2), la France a joué un rôle central dans sa rédaction et s’est alliée avec les pays européens les moins enclins à agir sur le climat. La Commission, les autres Etats membres et le Parlement européen doivent rejeter ces propositions s’ils veulent garantir la crédibilité de la taxonomie (3) et de la stratégie finance durable de l’Union européenne.

La France aux manettes

La journaliste Anne Hubert du site d’information Contexte a twitté que le document en question est l’œuvre de « la France et d’un certain nombre d’autres pays de l’UE » qui tentent de « forcer la main de la Commission européenne ».

Des soupçons pesaient déjà sur le rôle de la France. En septembre l’ambassadeur français en République Tchèque saluait sur twitter l’alliance franco-tchèque et son travail en faveur de l’inclusion du gaz et du nucléaire dans la taxonomie.

Des propositions incompatibles avec les objectifs climatiques européens

Si ce travail de sape aboutit, l’Europe se dotera d’une « taxonomie verte » en trompe l’œil qui bloquerait – au lieu d’aider – l’alignement des flux financiers avec les objectifs de l’Accord de Paris, selon l’ONG Reclaim Finance.

Dans ce cas, de nombreux investisseurs, institutionnels ou particuliers, refuseront d’accorder leur confiance à des produits alignés avec la taxonomie. Le groupe d’investisseurs « UN Principles for Responsible Investment » (UN PRI) a déjà alerté sur les « risques de ternir la confiance des investisseurs ». La pratique bien établie dans le marché des obligations vertes est de n’y inclure ni énergies fossiles ni nucléaire. Le label Greenfin français – comme plusieurs autres labels environnementaux internationaux – exclut le nucléaire.

Alors qu’il devient crucial de mobiliser l’épargne des citoyens européens pour financer la transition, les allemands, mais aussi les français, sont en majorité opposées au développement du nucléaire. La taxonomie est une pièce centrale de la stratégie finance durable de l’Union Européenne. Sa décrédibilisation et son caractère non scientifique ruineraient l’efficacité des autres outils financiers qui s’y référeraient. En qualifiant de durable des activités telles que le gaz -une énergie fossile (4) – la taxonomie deviendrait un outil de greenwashing alors même qu’elle visait à limiter ces risques.

“Alors que le plus important sommet climat de la décennie va débuter, la France manigance pour intégrer le gaz fossile et le nucléaire dans la taxonomie, faisant primer son industrie nucléaire sur l’urgence climatique. Nous condamnons fermement ce travail de sape qui, s’il aboutit, signera l’arrêt de mort d’une pièce maitresse de la stratégie finance durable de l’Union Européenne. Ces agissements détruisent la réputation que la France s’est bâtie il y a 6 ans en matière climatique avec la COP21. Sur le plus long terme, à quelques mois de la Présidence française de l’Union européenne, ils n’augurent rien de bon quant à la capacité de la France à décarboner la finance pour en faire un outil au service des objectifs climatiques européens et internationaux. ” commente Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance.

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Notes :

  1. Les critères pour l’inclusion du gaz proposés dans cette note sont encore plus faibles que ceux envisagés par la Commission il y a quelques mois. Ainsi, le seuil d’émissions proposé pour le gaz est ainsi supérieur aux émissions actuelles des centrales à gaz récentes et à l’intensité carbone moyenne de la production d’électricité européenne. Le document qui avait fuité en mars 2021 avait déjà suscité de fortes critiques de la part des scientifiques, des institutions financières et de la société civile et les propositions n’avaient pas été retenues suite au tollé provoqué. Les nouvelles propositions pourraient être volontairement plus conservatrices afin de forcer un compromis similaire aux propositions de mars. Les nouvelles propositions sont analysées par WWF dans son communiqué de presse.
  2. La source de la note n’a pas encore pu être confirmée officiellement cependant plusieurs sources lient celle-ci à la France. Cette hypothèse est crédible dans la mesure où le travail de la France au côté de plusieurs pays – dont la Pologne et la République Tchèque – champions du gaz est désormais avéré et où le gouvernement a déjà répondu officiellement être favorable à une inclusion du gaz « scientifiquement établie ».
  3. Reclaim Finance revient en détail sur les différentes tentatives pour l’inclusion du gaz et du nucléaire à la taxonomie et explique pourquoi celles-ci ne sont pas conformes à la science dans son rapport publié en juillet 2021.
  4. Les propositions formulées pour l’inclusion du gaz pourraient empêcher le secteur énergétique européen de se décarboner à une vitesse compatible avec l’Accord de Paris et d’atteindre la neutralité carbon d’ici 2035 comme le demande l’AIE. Elles favoriseraient aussi des importations gazières déjà tendues et couteuses tant environnementalement qu’économiquement.