Communiqué de presse 

Paris, le 21 septembre 2022 – Dopée par les prix du gaz qui dépassaient la barre des €300 par Mwh en août 2022 (1), l’inflation européenne atteint chaque mois un nouveau sommet (2). Alors que l’hiver s’annonce très difficile, les dirigeants européens peinent à protéger les ménages et à sortir d’une crise qui s’inscrit dans la durée (3). Pourtant responsable de contenir l’inflation au sein de l’Eurosystème, la Banque centrale européenne (BCE) échoue pour l’instant à leur venir en aide. Face à ce constat, un rapport de Reclaim Finance ouvre une nouvelle voie pour répondre à la crise en proposant une intervention forte de la BCE en faveur d’une transition énergétique verte au sein de l’Union européenne.

Alors que la BCE vient d’annoncer une nouvelle hausse des taux (4), continuant ainsi de suivre une stratégie qui n’a pas suffi à contenir l’inflation européenne, Reclaim Finance appelle la banque centrale à bien diagnostiquer les sources de la crise pour mieux y répondre.

Dans son rapport, intitulé « Managing inflation by supercharging a clean energy transition” (5), l’ONG revient sur les trois types d’inflations mentionnées par l’influente membre du directoire de la BCE Isabel Schnabel (“fossilflation”, “climateflation” and “greenflation” (6)). En démontrant que la dépendance aux énergies fossiles et l’intensification du changement climatique peuvent fortement contribuer à l’inflation et la rendre de plus en plus difficile à contrôler, elle incite la BCE à soutenir une transition énergétique européenne pour respecter son mandat principal de stabilité des prix.

“La traditionnelle boîte à outils de la BCE n’est pas adaptée aux inflations liées au climat. Les hausses de taux ne changent fondamentalement rien ni à l’inflation causée par des inondations qui coupent les approvisionnements et détruisent les récoltes, ni à celle alimentée par la hausse des prix du pétrole et du gaz. La BCE doit s’attaquer aux causes – et pas uniquement aux symptômes – de ces inflations. Elle peut le faire en soutenant une transition énergétique européenne, qui participe à la lutte contre le réchauffement planétaire tout en coupant le lien entre inflation et prix des énergies fossiles.”, déclare Paul Schreiber, chargé de campagne Supervision des institutions financières.

L’appel de Reclaim Finance fait écho, d’une part, aux préoccupations des Européens et Français qui peinent à affronter l’inflation et soutiennent une réponse par la transition énergétique (7) et, d’autre part, aux propos du directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) qui demande de répondre à la crise énergétique et économique en investissant massivement dans les énergies propres et l’efficacité énergétique (8).

Reclaim Finance propose à la BCE trois mesures essentielles pour soutenir la transition énergétique européenne :

  • Couper tout soutien – via les achats d’actifs et l’acceptation en tant que collatéraux – aux entreprises fondamentalement incompatibles avec la limitation du réchauffement climatique à 1.5°C, dont celles qui développent de nouveaux projets de charbon, pétrole et gaz ou qui ne disposent pas de plan de sortie du charbon (9) ;
  • Mettre en place des facilités de financements vertes permettant l’octroi massif de prêts à la rénovation énergétique (10) ;
  • Se coordonner avec la Banque européenne d’investissement et la Commission européenne pour financer les programmes européens favorisant une transition juste

(11).

« Qu’attend la BCE ? Alors que les Européens peinent à affronter la montée des prix et que les Etats s’empressent tant bien que mal de trouver des solutions communes, la BCE peut rapidement lancer des facilités de financements permettant l’octroi de prêts à taux zéro pour la rénovation énergétique partout dans l’UE. Plusieurs grandes banques centrales appliquent déjà des mesures comparables (12) et Christine Lagarde avait déclaré être ouverte à la proposition il y a quelques mois déjà (13)… Il faut passer à l’action ! » conclut Paul Schreiber.

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Notes :

  1. Fin août 2022, les prix du gaz sur le marché européen on atteint un niveau historique de €343 par megawatt heure, soit plus de deux fois le niveau de la fin juillet 2022 et sept fois celui d’un an auparavant.
  2. L’inflation européenne n’a cessé de dépasser son niveau record depuis l’introduction de l’euro en 2021 et 2022 (voir partie 1.2 du rapport). Elle atteignait 8.9% en juillet 2022, avec des niveaux bien plus élevés dans certains pays, comme 23.2% en Estonie.
  3. Les pays européens ont adopté une batterie de mesures différentes afin de protéger les ménages sans pour autant réussir à proposer des mesures apportant une réponse durable à la crise. Au-delà de ces réponses variées, une réponse européenne commune est en train d’être discutée et devrait conduire à l’adoption d’une taxe sur les « superprofits » permettant de financer des mesures de soutien aux plus vulnérables. D’autres mesures – comme la fixation d’une limite aux prix du gaz ou encore une réforme du marché de l’électricité – sont discutées mais ne font pas consensus. Malgré ces mesures et les hausses de taux déjà décidées par la
    BCE, les prévisions d’inflation restent élevées sur plusieurs années.
  4. La BCE a décidé d’augmenter les directeurs de 75 points de base (0.75%) le 8 septembre.
  5. Voir le rapport complet ici.
  6. Ces différentes inflations sont identifiées par Isabel Schnabel dans son discours “A new age of energy inflation: climateflation, fossilflation and greenflation” en mars 2022. Elles sont définies brièvement dans le résumé exécutif du rapport.
  7. Un sondage conduit en France, en Allemagne, en Pologne et au Royaume-Uni par Moreincommon montre que la majorité des ménages peine à affronter la crise actuelle. Il révèle aussi un important soutien pour la transition énergétique et des risques majeurs de perturbations sociales en cas d’inaction.
  8. Fatih Birol – directeur de l’AIE – a notamment mis l’accent sur la nécessité de répondre à la crise en investissant dans les énergies propres lors du récent sommet du G20 ou encore dans une tribune cosignée avec le ministre du climat norvégien. Par ailleurs, l’AIE et l’OCDE ont récemment dénoncé le recours massif aux subventions aux énergies fossiles en 2021.
  9. Voir partie 3.1 du rapport.
  10. Voir partie 3.2 du rapport. Cette proposition a été étayée dans plusieurs rapport de l’ONG Positive Money Europe et est aussi une des demandes clefs de la campagne « Unlock » qui rassemble ONGs environnementales et spécialisées sur la rénovation des bâtiments.
  11. Voir partie 3.3 du rapport.
  12. Bien qu’elles soient pour l’instant limitées et mal ciblées, des facilités de financements des activités contribuant à l’atteinte des objectifs climatiques ont été mises en place au Japon ou en Chine.
  13. Christine Lagarde s’est notamment déclarée ouverte à la proposition d’une facilité de refinancement verte en juin 2022.