vers une électricité 100% renouvelable

La finance doit accélérer la fermeture des centrales fossiles au profit des renouvelables

Afin de limiter le réchauffement à 1,5°C, la production mondiale d’électricité doit être entièrement décarbonée d’ici 2040 selon les conclusions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Les pays européens et de l’OCDE ont la responsabilité d’ouvrir la voie en construisant des systèmes électriques neutres en carbone d’ici 2035. Malheureusement, quand bien même les énergies renouvelables constituent une solution mature, rapidement déployable et compétitive, d’innombrables projets de centrales à charbon et à gaz empêchent cette transformation et menacent d’aggraver la crise climatique.

La décarbonation de la production d’électricité, en Europe comme dans le reste du monde, ne saurait se faire sans la mobilisation des acteurs financiers. Pour répondre pleinement à leurs engagements climat et limiter le réchauffement à 1,5°, ils doivent urgemment refuser de perpétuer un modèle électrique dépendant des énergies fossiles et embrasser pleinement la révolution des renouvelables en accompagnant leur plein développement.

L’électricité, angle mort des acteurs financiers

Un secteur de l’électricité entièrement décarboné est la base essentielle d’un système énergétique net zéro.
Agence internationale de l’énergie, 2022

De US$ 1,3 trilliards aujourd’hui à US$ 4,2 trilliards en 2030, les financements pour accompagner la transformation des systèmes électriques doivent impérativement monter en flèche d’après l’AIE. Dans son scénario Net Zero Emissions by 2050 (NZE), pour chaque dollar investi dans les énergies fossiles en 2030, neuf doivent l’être dans ce que l’AIE définit comme des “énergies propres” (à savoir les énergies renouvelables, les systèmes de stockage et le réseau électrique, mais aussi les centrales nucléaires et fossiles avec des systèmes de captage, stockage et valorisation du carbone).

Malheureusement, les engagements pris par les banques, les assureurs et les investisseurs pour accompagner les énergies renouvelables restent disparates et trop faibles pour développer un secteur de l’électricité décarboné. De plus, si de grands progrès ont été fait, particulièrement en Europe sur le charbon, la plupart des acteurs financiers n’ont aucune politique en place pour cesser d’alimenter le développement de nouveaux projets de centrales à gaz et au contraire pousser les entreprises à planifier et engager la fermeture de leurs infrastructures déjà en opération dans le charbon et le gaz.

Un sursaut de la part des acteurs financiers est d’autant plus urgent que de nombreux nouveaux projets de centrales à gaz pourraient voir le jour et verrouiller l’émission de plusieurs milliards de tonnes de gaz à effet de serre (GES) d’ici 2035. Alors que les émissions liées à la production d’électricité ont atteint un record en 2021, les projets gaziers prévus et en construction menacent d’augmenter de 38% les capacités gazières mondiales en opération. En Europe, les projets représentent une augmentation de 29% de celles-ci, contribuant au développement de plus de 60 GW d’actifs échoués entre 2026 et 2035.

Accélérer la sortie du gaz fossile au profit des énergies renouvelables

Le scénario NZE de l’AIE indique que la consommation mondiale de gaz pour la production d’électricité doit baisser de 25% en 2030 par rapport à 2021 et que le monde doit complètement décarboner son électricité d’ici 2040 au plus tard. En Europe comme dans les autres pays développés, la transformation doit être plus rapide de manière à atteindre une électricité décarbonée dès 2035. A l’inverse, l’AIE indique que la part du solaire photovoltaïque et de l’éolien dans la production mondiale d’électricité passera de 10 % en 2021 à 40 % en 2030 et à 70 % en 2050.

Production mondiale d’énergie renouvelable par technologie dans le
scénario NZE de l’AIE entre 2010 et 2030

A noter que l’AIE mise dans son scénario NZE sur le développement important de technologies qui ne sont pas encore matures, et/ou qui ont déjà montré des limites importantes, tels que les systèmes de captage, stockage et valorisation du carbone (CCUS), et sur des solutions qui peuvent avoir des impacts environnementaux majeurs, notamment la biomasse. Les objectifs de déploiement des énergies renouvelables indiqués dans le scénario NZE doivent donc être compris comme un objectif minimal à atteindre. 

En savoir plus sur la manière dont le scénario NZE de l’AIE minimise le développement des énergies renouvelables via l’intégration d’énergies faussement durables ou risquées.

La bonne nouvelle est qu’une décarbonation totale du secteur de l’électricité est non seulement possible, mais elle générerait des bénéfices climatiques, sanitaires, socio-économiques et financiers. 

Le gaz fossile : une source d’énergie dangereuse

Les centrales à gaz constituent la principale source d’émissions du secteur de l’électricité européen en 2020

2800 décès prématurés et 15 000 cas de troubles respiratoires liés à la pollution générée par les centrales à gaz en Europe en 2019.

Les renouvelables : une source d’énergie verte, fiable et pérenne

Les sources d’énergie renouvelables sont disponibles dans tous les pays, et leur potentiel n’a simplement pas encore été pleinement exploité.

En 2022, les énergies éolienne et solaire ont généré un cinquième de l’électricité de l’UE (22 %), dépassant pour la première fois le gaz fossile (20 %) et restant au-dessus de l’énergie du charbon (16 %).

La transition du système électrique européen actuel vers un système reposant majoritairement sur les énergies éolienne et solaire permettrait à l’Europe d’économiser plus de 1000 milliards d’euros d’ici 2035.

ENGIE, un manque d’ambition face au changement climatique

Depuis l’Accord de Paris, ENGIE a vendu 16 de ces centrales à charbon, soit 60% de la réduction totale de sa capacité de production au charbon. Dernière vente en date, celle de la centrale brésilienne de Pampa Sul en septembre 2022. Malheureusement, le groupe français a aussi converti plusieurs actifs charbon à la biomasse ou au gaz fossile.

Désormais, ENGIE doit entamer une fermeture ordonnée de ses actifs gaziers, ou au moins une mise en réserve, à l’horizon 2035 en Europe et 2040 dans le reste du monde. L’entreprise en est loin, avec plus de 4,5 GW de capacités additionnelles prévues. En parallèle, l’entreprise a récemment signé ou étendu trois nouveaux contrats d’approvisionnement de gaz naturel liquéfié (GNL) en provenance des Etats-Unis (principalement du gaz de schiste) courant au-delà de 2040.

Si ENGIE justifie ces développements gaziers par une future conversion à l’hydrogène vert ou encore au biométhane, il s’agit actuellement de technologies encore trop peu matures, et dont le potentiel développement est bien plus hasardeux que celui des énergies renouvelables. En 2021, le biogaz et le biométhane ne représentaient que 1% de la production de gaz mondialement, l’hydrogène vert ne représentant quant à lui que 0,5% de la production d’hydrogène, soit environ 0,03% de la production mondiale de gaz.

Malgré le potentiel hautement hypothétique des gaz renouvelables, ENGIE prévoit une décarbonation complète de ses actifs gaziers d’ici 2045 grâce à ceux-ci, ainsi qu’un recours aux dispositifs de capture et stockage de CO2. Avec 31 GW de capacités renouvelables (éolien, solaire et hydroélectrique) en 2020, le groupe doit revoir à la hausse ses projets renouvelables pour atteindre son objectif de 80 GW en 2030. En attendant, ENGIE s’aligne uniquement sur une trajectoire well below 2°C …

Les acteurs financiers doivent soutenir une électricité 100% renouvelable

La première responsabilité des acteurs financiers est de ne plus accorder de soutiens directs à la construction de nouvelles centrales fossiles ou non soutenables.

Au contraire, ils doivent adopter des engagements ambitieux de soutien aux énergies renouvelables, notamment à l’éolien et au solaire.

Mais au-delà des projets, les acteurs financiers et en particulier les investisseurs ont un rôle clé à jouer afin d’obtenir des plans de transition détaillés, crédibles et transparents de la part des entreprises productrices d’électricité.

Afin d’être crédibles dans leur dialogue avec les entreprises productrices d’électricité, les acteurs financiers doivent s’engager eux-mêmes sur des objectifs de sortie du gaz – et du charbon pour ceux qui ne l’ont pas déjà fait – et demander aux entreprises de leurs portefeuilles d’en faire de même. Car il nous faut organiser la fermeture des actifs fossiles, les acteurs financiers doivent suspendre au plus vite leurs soutiens en direction des entreprises qui continueraient d’en développer.

Ensuite, il leur faut exiger des entreprises des objectifs ambitieux en termes de déploiement de l’éolien et du solaire, ainsi que la publication d’un plan climat complet permettant d’évaluer les objectifs de décarbonation et les mesures prises pour les atteindre à l’aune d’un scénario 1,5°C crédible.