Maîtriser l’inflation en soutenant la transition énergétique

Le rôle de la Banque centrale européenne

La flambée des prix de l’énergie qui a débuté en 2021 a lieu alors que le monde sort difficilement de la pandémie du Covid-19 et fait face à des évènements météorologiques extrêmes dûs au changement climatique. L’aggravation du changement climatique et la hausse des prix de l’énergie peuvent toutes deux amplifier considérablement la pauvreté et les inégalités. Dans le cadre de son mandat de stabilité des prix, la Banque centrale européenne (BCE) a un rôle important à jouer : gérer l’inflation en soutenant une transition énergétique verte au sein de l’Union européenne (UE).

LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET lES ÉNERGIES FOSSILES IMPACTENT L’INFLATION

D’une part, le changement climatique impacte l’inflation (« climateflation ») en raison de ses phénomènes météorologiques extrêmes. Source de perturbations des récoltes, les incendies, inondations et autres évènements climatiques extrêmes peuvent déclencher des chocs d’approvisionnements, faire grimper les prix des aliments et ainsi contribuer à l’instabilité des prix.

D’autre part, notre dépendance aux énergies fossiles – principale cause du réchauffement climatique – peut également aggraver l’inflation (« fossilflation »). Les niveaux d’inflation actuels, historiquement élevés, sont directement dûs à la hausse des prix des combustibles fossiles qui augmente les factures d’énergie des ménages et rend plus chers d’autres produits et services.

Ces inflations liées au climat et aux énergies fossiles touchent plus particulièrement les ménages les plus pauvres.

MAÎTRISER L’INFLATION VIA LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

L’énergie verte est durable, rentable et fiable. Le remplacement des énergies fossiles par des énergies renouvelables pourrait faire baisser considérablement la facture énergétique et réduire l’instabilité des prix de l’énergie, tout en contribuant à la sécurité énergétique.  Si la transition énergétique peut entraîner une augmentation à court terme des prix de l’énergie (« greenflation« ) – notamment en raison de difficultés d’approvisionnement de certains matériaux – cet impact serait très limité par rapport aux perturbations actuelles liées aux combustibles fossiles et pourrait être atténué dans le cadre d’une transition planifiée et progressive.

En effet, une action climatique anticipée et décisive permettrait d’obtenir les meilleurs résultats macroéconomiques et aiderait à gérer l’inflation, tandis qu’une transition retardée ou manquée aggraverait l’inflation avec des prix de l’énergie beaucoup plus importants et instables.

LE RÔLE DE LA BCE : soutenir LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Le mandat principal de la BCE est d’assurer la « stabilité des prix », c’est-à-dire de maintenir l’inflation autour de 2 % d’après les banques centrales.

Si la BCE doit également contribuer aux objectifs climatiques de l’UE, elle ne peut le faire que d’une manière compatible avec sa mission d’assurer la stabilité des prix.  Étant donné que l’inflation liée au climat pourrait empêcher la BCE d’atteindre son objectif de stabilité des prix, la seule façon de gérer l’inflation liée au climat est de passer à une énergie propre.  Par conséquent, la BCE doit contribuer de manière proactive à la transition vers une énergie propre. Soutenir la transition énergétique propre de l’UE permettrait de remplir le mandat secondaire de la BCE et d’éviter certains des effets secondaires négatifs de la politique monétaire actuelle sur l’activité économique et la dette publique.

Stopper les soutiens indirects aux entreprises les plus polluantes.

La BCE peut aligner ses opérations sur les objectifs climatiques de l’UE via la décarbonation de ses achats d’actifs et ses garanties. La fin des soutiens indirects aux entreprises les plus polluantes, notamment l’exclusion des développeurs de projets d’énergies fossiles de ses achats d’actifs et de son cadre de garanties, est une condition préalable au soutien d’une transition énergétique verte dans l’UE.

Lancer un mécanisme de prêt écologique pour la rénovation des bâtiments.

La BCE peut débloquer des financements verts massifs. Elle a déjà accordé un taux préférentiel sur certaines opérations de refinancement à condition que les banques atteignent un certain volume de prêts et peut utiliser un processus similaire pour orienter des prêts sans intérêt ou à taux réduit vers la rénovation des bâtiments. Ces nouveaux prêts permettraient de lutter contre la pauvreté énergétique et réduire la consommation d’énergie.

Collaborer avec la Banque européenne d’investissement et la Commission européenne

En cas d’accord politique, la BCE pourrait se coordonner avec la Banque européenne d’investissement et/ou la Commission européenne pour aider à financer les programmes d’énergie propre de l’UE en soutenant l’émission de dette par des achats d’actifs. Cette coordination pourrait contribuer de manière significative à combler le déficit de financement des énergies propres de l’UE.

Face à l’urgence climatique et la crise inflationniste, ce rapport présente le rôle que la BCE devrait jouer dès maintenant pour remplir son mandat primaire de stabilité des prix tout en soutenant les objectifs climatiques de l’UE qui font partie de son mandat secondaire.

Explorant les trois types d’inflation liés au climat identifiés par Isabel Schnabel, membre du conseil d’administration de la BCE, dans un récent discours, il montre pourquoi et comment la BCE est en mesure de maîtriser l’inflation en soutenant de manière proactive une transition énergétique verte au sein de l’UE.