Avec au moins 620 € milliards supplémentaires par an devant être investis en Europe d’ici 2030 pour atteindre les objectifs climatiques, toutes les institutions financières doivent réfléchir à la manière dont elles peuvent soutenir cet objectif. En tant qu’acteurs clés du secteur financier, les banques centrales ont également un rôle à jouer. En régulant la masse monétaire et en supervisant les banques, elles influencent le pouvoir d’achat, la dette et la stabilité financière.
Les banques centrales doivent contribuer à la transition écologique du secteur financier. Non seulement parce qu’elles ont la responsabilité morale de le faire, mais aussi parce que leurs mandats les y obligent. En effet, le changement climatique et la dépendance aux énergies fossiles ont un impact significatif sur la stabilité des prix (i.e le contrôle de l’inflation).
LE CHANGEMENT CLIMATIQUE ET lES ÉNERGIES FOSSILES IMPACTENT L’INFLATION
La Banque centrale européenne (BCE) travaille avec les 20 banques centrales nationales de l’Eurosystème pour assurer la stabilité des prix. La BCE doit également soutenir les politiques de l’Union européenne (UE), y compris ses objectifs climatiques, tant que cela ne compromet pas cette stabilité des prix.
En 2021, la BCE adoptait ses premières mesures liées au climat. Depuis, elle n’a pourtant pas encore aligné l’ensemble de ses opérations sur les objectifs climatiques de l’UE. Pour y parvenir, elle doit à la fois cesser de soutenir les entreprises allant à l’encontre de la transition – notamment en excluant les développeurs d’énergies fossiles de ses achats d’actifs et de son cadre de garanties – et mettre en place des mesures favorisant la transition de l’UE en encourageant les investissements soutenables.
CESSER DE SOUTENIR LES GRANDS POLLUEURS
La BCE soutient actuellement des entreprises à fortes émissions, y compris des développeurs d’énergies fossiles, par divers mécanismes. Cela est notamment dû à l’accent mis sur les risques financiers à court terme, au détriment de l’impact climatique, ainsi qu’à la non-intégration des conséquences négatives des activités économiques.
Lorsque la BCE décide quels actifs sont éligibles en tant que garanties pour les crédits accordés aux banques commerciales (appelés « collatéral ») et sous quelles conditions, elle favorise aujourd’hui les entreprises fortement émettrices. En effet, certains actifs d’entreprises fossiles sont considérés comme peu risqués, permettant ainsi aux banques d’accéder à plus de liquidités qu’en déposant des actifs plus verts.
Malgré les annonces faites par la BCE pour corriger ce problème, son incapacité à mettre en œuvre les mesures promises est préoccupante. La BCE devrait exclure les actifs liés aux entreprises à fortes émissions et pleinement intégrer l’impact climatique des entreprises lors de l’évaluation de l’ensemble des actifs éligibles.
Plus d’informations sur le collatéral de politique monétaire.
En 2022, la BCE a annoncé une politique visant à favoriser les entreprises ayant une meilleure performance climatique lors de l’achat d’actifs ou “assouplissement quantitatif”. Non seulement cette politique n’a pas conduit à l’exclusion des développeurs d’énergies fossiles, mais elle est également devenue obsolète à la mi-2023 avec la fin de ces achats.
Plutôt que d’attendre une réduction naturelle de ses portefeuilles monétaires, via l’arrivée à échéance des titres détenus, la BCE doit activement se débarrasser des actifs liés aux entreprises développant de nouveaux projets d’énergies fossiles. Dans le futur, si elle reprend ses achats d’actifs, elle devra éviter ces actifs et privilégier ceux issus d’entreprises soutenables.
Plus d’informations sur la stratégie de décarbonation de la BCE.
CONTRIBUER À LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE
Au-delà de la réduction de son soutien aux grands pollueurs, la BCE devrait également s’efforcer de contribuer activement à la transition de l’UE. Elle pourrait y parvenir en s’appuyant sur son principal outil de politique monétaire : les taux d’intérêt.
Les taux d’intérêt influencent l’ensemble de l’économie en déterminant le coût du crédit pour les particuliers, les entreprises et les gouvernements. À ce titre, ils jouent un rôle clé dans notre capacité à financer la transition vers des énergies soutenables.

Avec le retour d’une inflation élevée en 2021, la BCE a relevé ses taux d’intérêt à des niveaux inédits depuis des décennies. Bien que ces taux aient significativement baissé depuis cette période, ils restent élevés, rendant la transition écologique de l’UE plus coûteuse. En conséquence, ils découragent l’investissement dans des solutions climatiques comme les énergies soutenables et la rénovation des bâtiments.
A moyen et long terme, cette situation va à l’encontre du mandat de la BCE, car le changement climatique et notre dépendance aux énergies fossiles rendent les prix plus volatils, ce qui peut accentuer l’inflation et accroître le risque d’instabilité financière.
Des taux d’intérêt différenciés pourraient offrir une solution en permettant à la banque de lutter contre l’inflation à court terme tout en finançant la transition énergétique et écologique indispensable à plus long terme.
Plus d’informations sur les taux différenciés.
Que disent les experts et les organisations de la société civile à ce sujet ?
En janvier 2025, plus de 60 organisations de la société civile et experts ont écrit une lettre ouverte au Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne, son organe décisionnel. Ils ont appelé à ce que la révision de la stratégie de politique monétaire introduise des mesures pour verdir la politique monétaire.
Les mesures recommandées par cette coalition sont détaillées dans un manifeste signé par 41 organisations de la société civile.