Mettre fin à l’expansion dévastatrice du GNL2024-12-18T10:06:22+01:00

Mettre fin à l’expansion dévastatrice du GNL

Les acteurs financiers doivent cesser de soutenir le déploiement du GNL

Le gaz naturel liquéfié (GNL) occupe le devant de la scène ces dernières années. À la suite de l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 et de la hausse des prix du gaz qui l’a accompagnée, ce combustible fossile a été présenté par l’industrie pétrolière et gazière comme la principale solution pour poursuivre l’approvisionnement en gaz tout en répondant à l’impératif de sécurité énergétique. Les marchés ont ainsi été inondés ces dernières années par des volumes croissants de GNL, alimentés par les exportations des États-Unis, de l’Australie et du Qatar. Les terminaux d’exportation et d’importation de GNL se sont multipliés et les développeurs de GNL prévoient d’en construire un grand nombre. 

Si ces terminaux voient le jour, ils anéantiront tout espoir de limiter l’augmentation de la température planétaire à 1,5°. En effet, étant donné que les terminaux de GNL ont une durée de vie de plusieurs décennies, ils entraineront une trajectoire d’émissions de gaz à effet de serre incompatible avec tous les scénarios 1,5°. Le scénario « Net Zero Emissions by 2050 (NZE) » de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) souligne depuis 2022 que de nouvelles infrastructures d’exportation de GNL ne sont pas nécessaires dans un scénario climatique respectant une trajectoire à 1,5°C et que les capacités opérationnelles d’exportation de GNL sont suffisantes pour répondre à la demande actuelle et future. De plus, les projets de terminaux de GNL ont des conséquences dévastatrices pour les communautés et les écosystèmes. 

Un nombre conséquent de projets de terminaux de GNL ne pourraient voir le jour sans le soutien des institutions financières. Les banques et les investisseurs doivent immédiatement adopter des politiques d’exclusion robustes pour mettre fin à leur soutien financier aux développeurs de GNL et aux nouveaux projets de GNL. 

Le GNL, une fausse solution aux conséquences dramatiques

S’ils voient le jour, les 63 projets de terminaux d’exportation prévus pourraient contribuer à l’émission de plus de

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de dioxyde de carbone équivalent (CO2e) d’ici 2030.

D’ici 2030, les développeurs de GNL prévoient 156 nouveaux projets de terminaux de GNL (93 projets de terminaux d’importation et 63 projets de terminaux d’exportation) qui risquent d’enfermer le monde dans une dépendance de long terme aux énergies fossiles. S’ils voient le jour, les 63 projets de terminaux d’exportation prévus pourraient contribuer à l’émission de plus de 10 gigatonnes (Gt) de dioxyde de carbone équivalent (CO2e) d’ici 2030, selon notre analyse. Ce chiffre inclut plus de 150 millions de tonnes (Mt) de fuites de méthane d’ici 2030, et correspond aux émissions du secteur énergétique des États-Unis pendant plus de deux ans. Ces impacts climatiques sont légèrement inférieurs à ceux de l’ensemble des centrales à charbon en activité dans le monde, dont les émissions annuelles s’élèvent à 12 Gt de CO2e.

Le processus de liquéfaction est très énergivore, consommant environ 10 % du gaz fossile traité. D’autres étapes du processus contribuent également à l’empreinte carbone du GNL, des émissions de gaz à effet de serre survenant aussi lors du transport, du stockage, de la regazéification et de l’utilisation finale. 

Un autre aspect significatif du traitement du GNL est le niveau élevé d’émissions de méthane (CH4) associées. Le GNL est composé de méthane, un gaz à effet de serre plus de 80 fois plus puissant que le CO2 sur 20 ans. Des fuites de méthane peuvent se produire tout au long de la chaîne de valeur du GNL. Bien que le GNL soit souvent présenté comme une alternative au charbon, ces fuites annulent les « bénéfices climatiques » du gaz fossile vantés par l’industrie et peuvent même aggraver la situation. 

Même si le NZE 2024 du « World Energy Outlook » de l’AIE a réitéré qu’aucun nouveau champ gazier ne devrait entrer en production, le développement des infrastructures de GNL intensifie l’expansion du gaz fossile en reliant les champs gaziers à des marchés éloignés et en créant de nouvelles dépendances au gaz. Une fois qu’un terminal est construit, de nouveaux champs gaziers pourraient entrer en production pour maintenir son taux d’utilisation, malgré la nécessité de mettre un terme à l’expansion du gaz en cessant son extraction. Avec des infrastructures gazières de long terme connectées aux champs gaziers pour l’exportation, et des réseaux de distribution en croissance pour l’importation, les installations de GNL mènent le secteur énergétique vers une dépendance de long terme aux énergies fossiles. 

Cependant, le pic prévu de la demande de gaz d’ici 2030 et la montée en puissance des énergies renouvelables et de l’électrification pourraient faire des nouveaux investissements dans le pétrole et le gaz des actifs obsolètes dans un avenir proche. En Europe, trois quarts de la capacité d’importation de GNL pourrait être inutilisée d’ici 2030.

En Europe

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de la capacité d’importation de GNL pourrait être inutilisée d’ici 2030.

Les institutions financières menacent le climat et les communautés à travers l’expansion du GNL

De plus, le développement des infrastructures de GNL débouche souvent sur des violations de droits, tels que des déplacements forcés et la perte de moyens de subsistance. Les terminaux d’exportation de GNL présentent aussi des risques pour la santé des communautés, tels que des niveaux élevés de pollution de l’air causée par des particules fines (PM2,5) et de l’ozone (O3), un polluant nuisible pour la santé humaine, les écosystèmes et les cultures. Les installations de traitement et de stockage du GNL sont également associées à des pollutions de l’eau et à des risque d’explosion, tandis que les gazoducs peuvent être responsables de dangereuses fuites de gaz. L’expansion du GNL affecte également de manière dramatique les écosystèmes et la biodiversité.

Les banques et les investisseurs injectent des milliards dans l’expansion du GNL

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milliards d’euros accordés à l’expansion du GNL par 400 banques dans le monde entre 2021 et 2023.

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milliards de dollars d’exposition aux plus grands développeurs de GNL pour leur expansion GNL par les 400 investisseurs les plus exposés en mai 2024.

Selon l’analyse de Reclaim Finance, les 400 plus grandes banques soutenant l’expansion du GNL ont fourni 213 milliards de dollars aux développeurs de GNL et à leurs nouveaux projets entre 2021 et 2023. Les 400 investisseurs que nous avons évalués – en continuant à soutenir les développeurs de GNL sans exiger la fin de son expansion – portent une part de responsabilité dans le boom du GNL à travers leurs 252 milliards de dollars d’exposition à l’expansion du GNL en mai 2024.

Les banques américaines sont en première ligne de ce soutien : elles sont responsables de 24 % du financement global alloué au développement du GNL (JP Morgan, Bank of America et Citi figurent ainsi parmi les 10 premières banques). Les banques japonaises les suivent avec 14 % du total, Mitsubishi UFJ Financial Group occupant la première place du classement, et Mizuho et SMBC figurant parmi les cinq premières banques mondiales pour les financements qu’elles ont octroyé à l’expansion du GNL entre 2021 et 2023, suivies par les banques chinoises et canadiennes.

Les banques françaises, espagnoles, britanniques, allemandes, italiennes, néerlandaises et suisses ont collectivement contribué à 27 % du financement global au récent boom du GNL. Plusieurs banques européennes telles que Santander, ING, Crédit Agricole, Deutsche Bank, HSBC, Intesa Sanpaolo et BPCE figurent parmi les 30 premières banques mondiales en termes de soutien à l’expansion du GNL entre 2021 et 2023.

En mai 2024, les investisseurs américains représentaient 71 % des investissements dans l’expansion du GNL, BlackRock, Vanguard et State Street étant en tête. Les investisseurs canadiens les suivent, mais à une distance considérable, détenant 6 % de l’exposition totale des investisseurs.

Le soutien des banques à l’expansion du GNL s’intensifie : les financements octroyés ont ainsi augmenté de 25 % entre 2021 et 2023. Pas moins de 1 453 transactions ont été réalisées entre les banques et les développeurs de GNL pour soutenir l’expansion du GNL en 2023 seulement, contredisant directement le scénario NZE et sa conclusion, pourtant claire et répétée, selon laquelle aucune nouvelle infrastructure d’exportation de GNL n’est nécessaire.

Et il n’y a aucun signe de tarissement du soutien des banques et des investisseurs au secteur du GNL dans un avenir proche. De fait, bien que 26 des 30 premières banques et 14 des 30 plus grands investisseurs soutenant l’expansion du GNL aient promis d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050, aucun d’entre eux n’a adopté d’engagement visant à mettre fin à tous les services financiers liés au GNL. Seuls sept acteurs parmi les 30 premières banques et 30 premiers investisseurs abordent le GNL dans leurs politiques sectorielles, et aucun d’entre eux ne le fait efficacement. Les sept banques qui ont adopté des restrictions sur le GNL sont toutes européennes : ING, Barclays, BNP Paribas, BPCE, Crédit Agricole, HSBC et Société Générale. Aucune de ces politiques ne couvre le financement des entreprises, elles ne concernent que le financement des projets de terminaux d’exportation de GNL, et de façon insuffisante, ne permettant pas de réellement infléchir le soutien des banques à l’expansion du GNL.

Pour plus d’informations sur le rôle des institutions financières des pays suivants dans l’expansion du GNL, voir les briefings pays :

Les institutions financières doivent cesser de soutenir les développeurs de GNL

Un nombre important de projets de terminaux de GNL ne pourraient voir le jour sans le soutien des institutions financières. Les banques et les investisseurs doivent immédiatement adopter des politiques d’exclusion robustes pour mettre fin à leur soutien financier aux projets d’expansion des développeurs de GNL et à leurs nouveaux projets.

Les banques et les investisseurs devraient exiger des développeurs de terminaux d’importation de GNL qu’ils adoptent des plans de transition compatibles avec un scénario 1,5°, sans ou avec un faible dépassement, incluant l’absence de nouveaux terminaux d’importation de GNL et reposant sur des émissions négatives minimales, comme le scénario NZE de l’AIE.

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