BNP Paribas dit non aux obligations pour le secteur pétro-gazier

Paris, le 14 mai 2024 : A l’occasion de son assemblée générale, BNP Paribas est revenue sur ses soutiens au secteur pétrolier et gazier. Elle a indiqué s’abstenir de participer à certains types de financements non fléchés – les émissions d’obligations – pour les entreprises du secteur. Reclaim Finance salue cette évolution dans un contexte de réduction des financements de la banque aux grandes entreprises du secteur et appelle BNP Paribas à formaliser cette approche en inscrivant cette règle dans sa politique climat et à l’étendre aux autres services financiers susceptibles de contribuer à l’expansion pétro-gazière.  

Dans ses réponses aux questions écrites posées à l’occasion de son assemblée générale, BNP Paribas indique : « nous [nous] abstenons de participer aux émissions obligataires conventionnelles du secteur pétrolier et gazier » (1). Une évolution récente, confirmée pendant son assemblée générale ce mardi, et rapportée également devant la Commission d’enquête du Sénat sur TotalEnergies le 6 mai dernier. Jean-Laurent Bonnafé, Directeur général du groupe BNP Paribas, affirmait s’être « retiré de ces émissions conventionnelles parce qu’on nous disait « mais vous voyez bien que c’est de l’argent général et ça peut financer tout et son contraire » (2).

On ne peut que saluer la transformation en cours au sein de BNP Paribas et noter la différence avec les autres banques françaises, Crédit Agricole, Société Générale et BPCE. Cette annonce est d’autant plus importante que BNP Paribas est historiquement très engagée dans le financement aux majors pétrolières et gazières (3). Mais il faut noter qu’il ne s’agit pas d’un engagement ferme à ne plus accorder ce type de soutien, et que la banque laisse aussi la porte ouverte à d’autres types de financements, tels que les prêts, qui pourraient aussi contribuer à l’expansion des énergies fossiles. Le prêt à la major italienne Eni en décembre 2023 (4), après plusieurs mois sans soutenir les grandes entreprises pétro-gazière, montre qu’il reste encore du chemin à faire pour que BNP Paribas soit entièrement cohérente avec ses engagements climat.

Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance

BNP Paribas ne dit pas appliquer l’approche suivie pour les obligations aux prêts généraux octroyés aux entreprises du secteur pétrolier et gazier, quand bien même ils sont non fléchés et peuvent, pour reprendre les termes de Jean-Laurent Bonnafé, financer « tout et son contraire ». La banque indique toutefois que les prêts généraux qu’elle accorde représentent une infime part de l’ensemble des prêts octroyés au secteur en 2023 (5) et rappelle que ses prêts sont soumis comme les obligations à des cibles de baisse d’exposition au secteur ambitieuses. Autrement dit, ces prêts devraient aussi être amenés à disparaître, mais la participation au prêt accordé à l’entreprise italienne Eni en décembre dernier démontre qu’ils restent possibles.

Par ailleurs, une zone grise demeure concernant les sustainability-linked bonds (SLB), des obligations non fléchées associées à des objectifs climat souvent très superficiels. Ces obligations ne sont pas des obligations conventionnelles (6) et semblent donc pouvoir toujours être soutenues par la banque, quand bien même elles soutiennent l’intégralité des activités des entreprises, y compris leur expansion pétro-gazière.

Un point d’attention demeure concernant les entreprises concernées par la position de BNP Paribas sur les obligations au secteur pétro-gazier, position en vigueur depuis mi-février 2023 selon la banque. Trois transactions obligataires à des entreprises « impliquées dans l’exploration-production pétro-gazière » (7) ont pourtant été réalisées par la banque après mars 2023. Cela pourrait s’expliquer – mais pas se justifier – par le fait que ces entreprises sont classifiées comme opérant dans le secteur industriel (The Abu Dhabi National Energy Company et KOGAS) ou sont des entreprises intégrées avec une relativement faible activité dans la production pétro-gazière (Orlen).

Enfin, si la banque a cessé en 2023 les financements dédiés aux nouveaux champs pétroliers et gaziers, elle s’autorise toujours à financer directement les nouveaux terminaux de gaz naturel liquéfié, pourtant tout aussi incompatibles avec une trajectoire 1,5°C d’après les conclusions des scientifiques du GIEC et les projections de l’Agence internationale de l’énergie.

Contacts :

Notes :

  1. Réponse à une question posée par les Amis de la Terre France à l’occasion de l’assemblée générale de BNP Paribas ce 14 mai.
  2. L’audition de Jean-Laurent Bonnafé du lundi 6 mai 2024 est disponible ici
  3. Sur la période 2019-2023, BNP Paribas était le premier soutien financier de BP, Shell et TotalEnergies et troisième soutien d’Eni.
  4. En décembre 2023, BNP Paribas a contribué à un prêt, un sustainability-linked loan, de 3 milliards US$ à l’entreprise italienne Eni.
  5. La banque se réfère aux  classements Dealogic qui indique que la part de marché crédit syndiqué aux acteurs du secteur pétro-gazier de BNP Paribas a été de 0,3% en 2023.
  6. Sont aussi toujours autorisées les obligations fléchées dites “vertes” destinées au financement de projets spécifiques portés par les entreprises pétro-gazières.
  7. Réponse à une question posée par les Amis de la Terre France à l’occasion de l’assemblée générale de BNP Paribas ce 14 mai.

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2024-05-14T15:56:23+02:00