Alors qu’un millier de salariés interpellait récemment Amundi, filiale du groupe Crédit Agricole, sur l’impact climatique de leur épargne salariale, [1] Reclaim Finance dresse le bilan des votes du gestionnaire d’actifs aux assemblées générales de 2024 des principales entreprises pétro-gazières européennes. Le constat est implacable : Amundi refuse de faire de l’expansion fossile un motif de sanction systématique de la stratégie de ces entreprises, et vote notamment en faveur de toutes les résolutions portées par TotalEnergies, la première entreprise privée à développer le plus de nouveaux projets de production de pétrole et de gaz. [2] Il est urgent qu’Amundi renforce ses pratiques de vote, en sanctionnant les développeurs fossiles de manière systématique, et en liant sans ambiguïté ses votes à des raisons climatiques, afin de répondre aux appels des scientifiques et de ses propres clients.
Avec plus de 2 000 milliards d’euros d’encours sous gestion, Amundi est le plus gros gestionnaire d’actifs européen et un investisseur important des entreprises pétro-gazières comme TotalEnergies, dont il est le premier actionnaire. [3] Ses votes aux assemblées générales font donc l’objet d’une attention croissante. En mai 2024, 1200 salariés d’entreprises diverses appelaient Amundi, leur gestionnaire d’épargne salariale, à « voter dès les assemblées générales de 2024 contre les plans climat de ces entreprises et contre le renouvellement des membres de leur conseil d’administration qui les ont promus ». Reclaim Finance a analysé les votes du gestionnaire d’actifs aux assemblées générales de 2024 des six plus grandes entreprises pétro-gazières européennes.
La nécessité de sanctionner les stratégies climaticides des développeurs pétro-gaziers
Alors que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et l’Agence internationale de l’énergie (AIE) sont unanimes sur l’incompatibilité de l’expansion fossile avec un scénario 1,5°C crédible, 96% des entreprises opérant dans l’exploration et la production pétro-gazière continuent pourtant de développer de nouveaux champs pétroliers et gaziers. [4] Les grandes entreprises du secteur, telles que TotalEnergies, Shell ou BP ne font pas exception : aucune ne dispose d’un plan climat permettant de suivre une trajectoire 1,5°C robuste. Plus inquiétant encore, Shell, BP et TotalEnergies ont même revu à la baisse leur ambition climatique en 2023. [5]
Alors que ces entreprises font l’objet d’un dialogue actionnarial avec Amundi depuis plusieurs années, et ne répondent toujours pas aux exigences de la science climatique, il est désormais urgent que le gestionnaire d’actifs intensifie ses actions d’engagement auprès de ces entreprises, notamment via les votes en assemblée générale.
Des pratiques de votes incohérentes, qui soutiennent encore l’expansion fossile
En 2024, les votes d’Amundi échouent une fois de plus à sanctionner clairement l’expansion fossile des entreprises pétro-gazières.
Le gestionnaire d’actifs a ainsi soutenu le renouvellement d’une majorité d’administrateurs sortants chez Shell et BP, et l’ensemble de ceux de TotalEnergies, alors même que ceux-ci sont responsables des plans climaticides poursuivis par ces entreprises. Amundi a également voté pour une résolution relative à la gestion de l’entreprise par le conseil d’administration de Repsol. Par ailleurs, l’investisseur a approuvé tous les comptes financiers des entreprises pétro-gazières analysées, alors qu’ils n’intègrent pas correctement les risques liés au changement climatique [6] et que certains de leurs actifs risquent de devenir des actifs échoués [7].
Réélection des administrateurs sortants (incluant le président) | POUR 3 sur 3 administrateurs sortants | POUR 5 sur 10 administrateurs sortants | POUR 8 sur 12 administrateurs sortants | N.A. | N.A. | N.A. |
Réélection du président du conseil d’administration | POUR | CONTRE | CONTRE | N.A. | N.A. | N.A. |
Approbation de la gestion du conseil d’administration | N.A. | N.A. | N.A. | N.A. | POUR | N.A. |
Approbation de la rémunération des dirigeants | POUR | CONTRE | CONTRE | POUR | CONTRE | CONTRE |
Approbation des comptes financiers | POUR | POUR | POUR | POUR | POUR | POUR |
Say on Climate | POUR | N.A. | CONTRE | N.A. | ABSTENTION | N.A. |
Résolution climatique actionnariale | N.A. | N.A. | POUR | N.A. | N.A. | Mixte (CONTRE la résolution 14, POUR la résolution 15) |
En rouge, Amundi n’a pas voté en faveur du climat. En vert, Amundi a bien voté en faveur du climat.
« N.A. » signifie que l’entreprise n’a pas présenté ce type de résolution en assemblée générale cette année.
Source : Site internet d’Amundi [8]
Les votes d’Amundi sont également marqués par une incohérence d’une entreprise à l’autre. TotalEnergies, dont il est le premier actionnaire [9], apparait particulièrement intouchable. Amundi a voté en faveur de l’ensemble des résolutions portées par la major pétro-gazière française, y compris celle sur sa stratégie climatique alors qu’elle a pourtant reculé de 10 points par rapport à l’année dernière en rassemblant 79,72% des votes favorables. Par ailleurs, le gestionnaire d’actifs a ainsi voté contre le plan de transition énergétique de Shell, mais s’est abstenu sur la résolution équivalente de Repsol et a voté en faveur de celle de TotalEnergies, bien qu’aucune de ces entreprises n’ait une stratégie leur permettant de suivre une trajectoire 1,5°C avec peu de dépassement et un faible recours aux émissions négatives.
Une ambiguïté sur les motivations des votes d’opposition
Si l’on écarte TotalEnergies, Amundi s’est toutefois bien opposé à certaines résolutions stratégiques permettant en théorie de sanctionner les responsables de stratégies néfastes pour le climat. Le gestionnaire d’actifs a notamment voté contre la réélection des présidents des conseils d’administration de Shell et BP, et la rémunération des dirigeants de plusieurs entreprises pétro-gazières.
Cependant, l’investisseur n’a publié aucune justification pour ces votes, générant une ambiguïté sur leurs motivations, qui pourraient être fondées sur des enjeux de gouvernance et non des questions climatiques. [10] A l’inverse, certains investisseurs établissent publiquement un lien clair entre votes d’opposition à des résolutions stratégiques et plans climatiques inadéquats. [11] Amundi doit prendre exemple sur ces initiatives pour réellement sanctionner l’expansion fossile, en cohérence avec la science climatique.
A l’heure de l’urgence climatique, il est essentiel qu’Amundi revoie en profondeur ses pratiques de vote. Le gestionnaire d’actifs doit se doter de critères climatiques systématiques dont le non-respect entraine automatiquement un vote contre certaines résolutions clairement identifiées (en priorité, la réélection des administrateurs, la rémunération, et les comptes financiers). La poursuite de l’expansion fossile doit être une ligne rouge.