UniSuper, cinquième plus grand fonds de pension australien, a adopté une première politique fossile après des mois de campagne menée par Market Forces. Bien qu’il s’agisse du fonds de pension des universitaires, scientifiques et chercheurs australiens, qui pour beaucoup travaillent sur le changement climatique, la nouvelle politique d’UniSuper emploie des termes ambitieux mais reste assez faible en réalité puisqu’elle ne couvre que le secteur de l’extraction du charbon, et reste vague en ce qui concerne le pétrole et le gaz.

1. Ce qui change

UniSuper a publié le 14 septembre une nouvelle page sur son site web intitulée « Un chemin durable vers 2050 », détaillant certaines mesures climatiques, dont les suivantes :

  • L’exclusion des entreprises qui tirent plus de 10 % de leurs revenus de l’extraction du charbon thermique
  • L’engagement de faire en sorte que 100 % des entreprises de son portefeuille aient des engagements opérationnels alignés sur l’Accord de Paris d’ici à la fin de 2021
  • L’engagement d’atteindre un niveau d’émissions de carbone absolu nul dans son portefeuille d’investissement d’ici 2050, conformément à l’Accord de Paris

2. Notre analyse

a. Charbon : de grosses lacunes

Le seul engagement concret dans l’annonce d’UniSuper réside dans l’exclusion des sociétés minières qui tirent plus de 10 % de leurs revenus du charbon thermique. UniSuper devient le troisième fonds de pension australien à adopter un tel seuil d’exclusion uniquement pour la production du charbon. Il s’aligne sur HESTA, qui a adopté un seuil d’exclusion de 15 % en 2018, et sur First State Super, qui a adopté le même seuil de 10 % plus tôt cette année.

Il suit et reproduit malheureusement la même faille géante dans sa politique : il ignore purement et simplement le secteur de la production d’électricité à partir de charbon, soit plus de la moitié de l’industrie. La Global Coal Exit List, la base de données la plus complète des entreprises charbonnières au niveau mondial gérée par nos partenaires allemands Urgewald, contient en effet 237 entreprises minières, mais aussi 361 entreprises de production d’électricité à partir du charbon qui ne seront pas touchées par cette nouvelle politique.

C’est pourquoi le score d’UniSuper sur le Coal Policy Tool ne change que sur un seul des quatre critères, celui du seuil d’exclusion relatif, de 0 à 2, en raison de sa couverture très partielle de l’industrie charbonnière.

Les scores d’UniSuper dans le Coal Policy Tool

Ce tableau montre les scores de la politique charbonnière d’UniSuper sur 5 critères du Coal Policy Tool.

UniSuper devrait au minimum s’aligner sur son homologue NEST, fonds de pension britannique, qui a adopté un seuil d’exclusion de 20 % s’appliquant non seulement à l’extraction du charbon mais aussi au secteur de la production d’électricité à partir de charbon en juin, plus tôt cette année. Il a également adopté une obligation pour les entreprises restantes en portefeuille d’adopter un plan de sortie du secteur du charbon d’ici 2030, et un engagement à abaisser son seuil d’exclusion au fil du temps.

⇒ Pour avoir une politique globale sur le charbon, UniSuper doit couvrir le secteur de la production d’électricité à partir du charbon, exclure tous les développeurs de charbon, adopter certains seuils d’exclusion absolus et une stratégie globale de retrait progressif du charbon d’ici 2030 dans les pays membres de l’OCDE et 2040 dans le monde entier.

b. Energies fossiles : trop vague

UniSuper n’a pris aucun engagement concernant le pétrole et le gaz. Toutefois, elle a pris un engagement qui devrait impliquer une révision de sa stratégie d’investissement dans le secteur pétrolier et gazier.

UniSuper s’est engagée à ce que son portefeuille d’investissement ne produise aucune émission absolue de carbone d’ici 2050, et à ce que 100 % des entreprises de son portefeuille aient des engagements alignés sur ceux de Paris d’ici fin 2021. Toutefois, le système ne mentionne pas ce que signifie « engagements alignés sur Paris »… Cela laisse un risque très important étant donné les incertitudes déjà mentionnées concernant ses autres engagements. En effet, le détenteur d’actifs « suppose » simplement que l’économie sera suffisamment décarbonisée d’ici 2050 pour qu’il puisse constituer un portefeuille aux émissions nulles à ce moment-là. Il visera également une réduction absolue des émissions au niveau du portefeuille d’ici 2030, mais uniquement « lorsque cela sera pratique », sans donner de détails sur ce qu’il considère comme « pratique ».

⇒ Le test décisif pour évaluer la crédibilité à court terme des nouveaux engagements d’UniSuper sera de savoir si le fonds de pension continue à investir dans des entreprises qui prévoient encore d’étendre l’industrie des combustibles fossiles, ce qui est le signal le plus clair qu’une telle stratégie n’est pas alignée sur Paris, comme l’explique le rapport récemment publié « Principes pour des institutions financières alignées sur Paris ».

En plus d’arrêter cette expansion, UniSuper doit également se désengager des entreprises qui détiennent plus de 15 % de leurs réserves dans les sables bitumineux, le pétrole et le gaz de schiste, et/ou dans l’extraction dans l’Arctique et en eaux profondes, et s’engager à se retirer progressivement des secteurs du pétrole et du gaz au plus tard en 2040 dans les pays de l’OCDE et en 2050 ailleurs.

3. Notre conclusion

En tant que fonds de pension des universitaires, scientifiques et chercheurs australiens, UniSuper aurait pu créer un précédent en Australie en matière de sortie des combustibles fossiles. Avec plus de 60 milliards d’USD d’actifs sous gestion, le fonds était idéalement placé pour prendre la tête et établir les meilleures pratiques du secteur afin de pousser les autres acteurs financiers. Malheureusement, ses dernières annonces se révèlent être un exemple malheureux de ce que les autres investisseurs devraient éviter à l’avenir : de nombreux engagements généraux et vagues soulevant beaucoup de questions, et peu d’engagements très concrets.

S’il est fondamentalement bon de s’engager à un alignement d’ici 2050 et d’avoir un objectif à moyen terme d’ici 2030, ces mesures ne sont pas suffisantes en elles-mêmes pour avoir un impact concret immédiat dans le monde réel. En ne mettant sur la liste noire que les entreprises d’extraction du charbon et même pas les développeurs, UniSuper est très loin d’atteindre cet objectif. Il pourrait grandement améliorer sa politique en utilisant la bonne définition des « engagements opérationnels alignés sur Paris », en désinvestissant immédiatement des entreprises qui prévoient encore de développer l’industrie des combustibles fossiles, et en exigeant des autres qu’elles adoptent d’ici à la fin de 2021 des plans d’élimination progressive des combustibles fossiles avec des échéances précises alignées sur les objectifs de l’Accord de Paris.

Pour aller plus loin