13 octobre 2020 – L’Agence Internationale de l’Energie (AIE) publie aujourd’hui l’édition 2020 de son très influent World Energy Outlook (WEO). Critiquée depuis plusieurs années pour son refus de produire un scénario aligné avec les objectifs de l’Accord de Paris (1), l’Agence y inclut pour la première fois une ébauche de scénario visant la neutralité carbone en 2050 – le « NZE2050 » -. Pourtant, malgré son ambition d’être la championne d’une relance économique durable, l’AIE s’arrête au milieu du gué : le NZE2050 est un scénario incomplet, limité à 10 ans et qui continue à ménager les énergies fossiles en misant sur le déploiement de technologies incertaines.

L’AIE publie pour la première fois les contours d’un nouveau scénario qui vise une réduction des émissions compatible avec l’Accord de Paris et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050.

Le NZE2050 réduit les émissions de CO2 d’ici 2030 de 24% par rapport au scénario le plus ambitieux de l’AIE, le Sustainable Development Scenario, reconnaissant ainsi que ce scénario présenté précédemment comme compatible avec l’Accord de Paris ne l’est pas (2). La portée du NZE2050 reste toutefois très limitée dans la mesure où il s’arrête en 2030 et ne fournit pas les mêmes données détaillées que les autres scénarios. Les scénarios STEPS (business as usual) et SDS sont mentionnés respectivement 667 et 489 fois dans le WEO contre 212 fois pour le NZE250 (3).

« L’AIE sait qu’elle est confrontée à une crise existentielle et qu’elle doit redoubler d’efforts en matière de climat. Malheureusement, un début de scénario compatible avec 1,5°C dans un document dominé par le « business as usual » ne suffit pas. C’est un premier pas utile, mais tant que l’objectif des 1,5ºC ne sera pas au centre de tous ses outils et rapports, l’AIE continuera de protéger les intérêts de l’industrie fossile et d’être un frein à l’action pour le climat. Si Fatih Birol veut être un champion crédible du climat, l’AIE doit préparer un vrai scénario 1,5°C à 2050 qui devra être au centre de son WEO 2021” commente Romain Ioualalen, chargé de campagne senior pour Oil Change International.

Enfin, si l’AIE mentionne les difficultés réelles d’une trajectoire 1,5°C, elle fait l’impasse sur les coûts des dérèglements climatiques et mise sur le déploiement de technologies incertaines. Ce dernier biais, présenté comme un des 5 grands pièges vidant les scénarios climatiques de leur crédibilité dans une note publiée la semaine dernière par Reclaim Finance (4), concerne tous les scénarios présents dans le WEO, y compris le NZE2050. Il permet au NZE2050 d’émettre 18% de CO2 de plus d’ici 2030 (3.6 Gt) qu’un scénario 1.5°C sans émissions négatives.

« Si l’AIE reconnaît enfin l’incompatibilité de ses précédents scénarios avec l’Accord de Paris, elle joue encore une fois au moins disant climatique en établissant une ébauche de scénario 1,5°C qui minimise les efforts à faire en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre et ménage les intérêts des industriels des énergies fossiles. Ce choix n’est pas étonnant au regard de ses liens avec ces secteurs et les nombreuses zones d’ombre qui entourent son fonctionnement (5). Mais il appelle les acteurs financiers à la plus grande prudence. AXA, la CDC et tous ceux qui se sont engagés à atteindre la neutralité carbone n’atteindront leur objectif qu’en faisant plus que ce que conseille l’AIE » conclut Lucie Pinson, fondatrice et directrice générale de Reclaim Finance.

Contacts :

  • Lucie Pinson, Fondatrice et Directrice Générale, Reclaim Finance, 06 79 54 37 15, lucie@reclaimfinance.org
  • Paul Schreiber, Chargé de la supervision des institutions financières, Reclaim Finance, paul@reclaimfinance.org
  • Romain Ioualalen, Chargé de campagne senior, Oil Change International, 06 59 10 42 31, romain@priceofoil.org