La Caisse des Dépôts et des Consignations vient d’annoncer de nouvelles mesures concernant ses financements aux secteurs des énergies fossiles à l’occasion du Climate Finance Day. Reclaim Finance salue les efforts menés sur les pétrole et gaz non conventionnels mais pointe la faiblesse de l’ambition concernant les majors pétrolières et gazières et dénonce l’absence de ligne rouge concernant les entreprises qui développent de nouvelles réserves, y compris dans les secteurs les plus risqués, tels que les pétrole et gaz de schiste et en Arctique.

1. Une opportunité ratée pour en finir avec le charbon

  • La CDC complète sa politique charbon en y ajoutant des critères d’exclusion absolus, en plus de son critère relatif existant de 10%. Si le seuil de 10 Mt pour les minières est le bon, celui de 10 GW concernant les entreprises productrices d’électricité reste trop élevé.
  • Par ailleurs, si la CDC précise son exclusion des entreprises qui prévoient de nouvelles centrales à charbon, elle pourrait toujours soutenir des entreprises qui développent de nouvelles mines et d’infrastructures de charbon, lesquelles peuvent pourtant jouer un rôle majeur dans l’ouverture de nouveaux gisements charbonniers ou dans l’entrée de pays entiers dans le cercle vicieux de la dépendance au charbon, comme le Kenya ou le Bangladesh. C’est donc une opportunité ratée pour s’aligner avec les meilleures pratiques comme celles de AXA, BNP Paribas ou le Crédit Agricole.
  • Mais c’est concernant la qualité de la stratégie globale de sortie du secteur que le bât blesse le plus : si la CDC mentionne les bonnes dates de sortie du secteur,
    • elle ne s’engage pas elle-même à sortir du charbon et ses demandes de sortie progressive ne s’appliquent qu’aux entreprises investies ;
    • la demande de plan de sortie ne couvre que les producteurs d’électricité et surtout n’est pas accompagnée d’une menace d’exclusion en cas d’échec ;
    • cette évolution reste donc loin derrière la liste grandissante des acteurs financiers s’engageant eux à réduire à zéro leur exposition au charbon et/ou à exclure les entreprises qui n’auraient pas adopté de plan de sortie vers fin 2021 : Amundi, BNP Paribas, AXA, La Banque Postale AM ou CNP Assurances pour n’en citer que quelques uns.
  • La CDC rate donc vraiment l’occasion de franchir le cap et d’adopter enfin une politique de sortie robuste du secteur du charbon. Elle devra donc rapidement rectifier le tir.

Les scores de la Caisse des Dépôts dans le Coal Policy Tool

2. La CDC refuse d’acter l’arrêt du développement du gaz et du pétrole

La CDC rejoint notamment OFI Asset Management et BNP Paribas avec des exclusions sur les pétrole et gaz non conventionnels.

  • Mais la CDC est allée beaucoup plus loin que les autres, y compris que BNP Paribas, en excluant les entreprises tirant plus de 10% de leurs revenus cumulés d’activités dans les pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux et ressources issues de la zone arctique, sur toute leur chaine de valeur, et non seulement l’extraction des fossiles.
  • Cependant, comme de nombreux acteurs, elle ne précise pas sa définition de la zone Arctique. La protection des écosystèmes en Arctique l’oblige à utiliser la définition CAFF du conseil sur l’Arctique.
  • Si des centaines d’entreprises sont potentiellement couvertes, la CDC se garde toutefois d’indiquer le montant de son désinvestissement correspondant aux entreprises concernées en portefeuille.
  • Par ailleurs, les majors pétrolières et gazières comme Total pourraient ne pas être couvertes et la CDC pourra donc continuer de les soutenir, même si elles développent de nouveaux projets pétroliers et gaziers, y compris dans les secteurs qu’elle identifie pourtant comme les plus risqués, tels que les pétrole et gaz de schiste et les projets situés en Arctique.

La CDC exclut aussi tous les projets d’infrastructures pétrolières greenfield.

  • Cette mesure ne couvre pas les infrastructures gazières alors que les scientifiques sont clairs sur le fait que pour limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C d’ici la fin du siècle, il faut arrêter dès aujourd’hui d’exploiter toute nouvelle réserve d’hydrocarbures et de développer toute nouvelle infrastructure polluante.

Enfin, la CDC demande aux entreprises du secteur de publication d’un plan de transition clair et crédible

  • Concernant la démarche d’engagement envers les entreprises du secteur, la CDC demande aux entreprises pétrolières et gazières la publication d’un plan de transition clair et crédible, avec des objectifs de réduction absolue de leurs émissions, ce qui est une bonne chose. Cependant, elle ne se donne pas les moyens de cette ambition, en refusant de brandir la menace de l’exclusion et du désinvestissement, et en refusant également d’aborder les sujets qui fâchent comme celui de l’expansion continue du secteur et des nouveaux projets pétroliers et gaziers toujours prévus.

3. Conclusion

Si la CDC a bien identifié les enjeux qui se posent sur le secteur des hydrocarbures, les mesures proposées sont bien loin de répondre à l’urgence climatique. C’est d’autant plus critiquable que c’est une institution financière publique, qui devrait à ce titre montrer la marche à suivre à tous les acteurs financiers.

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