Lloyd’s of London a annoncé début décembre que ses agents se verront demander de ne plus assurer à partir du 1er janvier 2022 de nouveaux projets de mines et centrales à charbon, de sables bitumineux et d’exploration en Arctique. Le plus gros marché de l’assurance avait déjà adopté des mesures minimalistes de désinvestissement du charbon mais refusait jusqu’à présent de proscrire certaines activités de son marché. La rupture opérée doit être saluée mais les mesures annoncées sont très insuffisantes pour permettre un alignement du marché qui représentait en 2018 40% des primes liées au secteur de l’énergie avec une trajectoire 1,5°C.

1. Ce qui est nouveau

Dans son rapport ESG, Lloyd’s of London demande à ses agents :

  • ne plus assurer de nouvelles centrales et mines de charbon ;
  • ne plus assurer l’exploration en Arctique ;
  • ne pas renouveler, après le premier janvier 2030, les lignes d’assurance existantes pour des projets de mines et centrales à charbon, projets de sables bitumineux et l’exploration en Arctique ;
  • ne pas renouveler, après le premier janvier 2030, les lignes d’assurance existantes pour des entreprises qui génèrent plus de 30% de leurs revenus de la production ou production d’électricité à partir de charbon, des sables bitumineux, ou d’activités d’exploration en Arctique.

Lloyd’s of London entend développer des lignes directrices pour aider les agents opérant dans son marché à appliquer ses mesures à partir du premier janvier 2022.

Concernant ses investissements, Lloyd’s of London annonce que les participants du marché du Lloyd’s et la Lloyd’s Corporation n’investiront plus à partir du 1er janvier 2022 et désinvestiront d’ici fin 2025 des entreprises qui génèrent plus de 30% de leurs revenus de la production ou production d’électricité à partir de charbon, des sables bitumineux, ou d’activités d’exploration en Arctique.

2. Notre analyse sur le charbon

C’est un énorme saut en avant de la part du marché qui a jusque-là nié sa responsabilité dans les choix de couvertures fournies par les agents opérant sur son marché. Lloyd’s restait le dernier gros acteur de l’assurance d’Europe occidentale à autoriser sans réserve la couverture de nouveaux projets charbon.

Toutefois, si la politique de Lloyd’s ne couvre pas les projets d’infrastructures charbon telles que les voies ferrées ou terminaux d’exportation, sa faiblesse majeure est de ne prendre effet qu’au 1er janvier 2022. Repousser encore d’un an l’arrêt des soutiens directs à de nouveaux projets charbon est inadmissible face à l’urgence climatique et à l’incompatibilité connue depuis 2015 de chacun d’entre eux avec une trajectoire 1,5°C ou même 2°C.

Dans la même veine, l’exclusion des entreprises est bien trop faible et tardive. Les meilleures pratiques, par exemple la politique d’AXA, consistent à mettre immédiatement un terme aux couvertures d’assurance aux entreprises qui prévoient de nouveaux projets charbon ainsi qu’aux entreprises exposées à plus de 30% au charbon. Exclure ces dernières entreprises en 2030 uniquement sera bien trop tardif pour assurer une sortie du secteur d’ici cette même date dans les pays de l’OCDE et européens et d’ici 2040 dans le reste du monde.

Concernant les investissements, les critères annoncés s’appliqueront à tous les agents et au Lloyd’s, ce qui est un vrai progrès alors que la politique adoptée par Lloyd’s en 2018 ne s’appliquait au fond central, soit une toute petite partie des actifs. Les critères de 2018 restent toutefois bien plus ambitieux avec des exclusions des plus gros producteurs miniers et d’électricité à partir de charbon. Lloyd’s devrait immédiatement revoir sa politique afin de s’aligner a minima sur les critères de 2018 et d’y ajouter une exclusion des entreprises qui développent de nouveaux projets charbon. Par ailleurs, il est indispensable de se doter d’une stratégie de sortie totale du charbon.

3. Notre analyse sur le pétrole et le gaz

Si les critères adoptés sur le charbon sont insuffisants, ceux sur le pétrole et le gaz sont lacunaires.

Lloyd’s ne précise pas quels types de projets de sables bitumineux sont exclus. Les meilleures pratiques impliquent d’exclure les projets de production mais aussi ceux de transport. En l’absence de précisions, il est fort probable que seuls les premiers sont couverts. Concernant les activités en Arctique, Lloyd’s n’exclut que l’exploration et aucune activité de production. Face à la fonte des glaces et à l’impérieuse nécessité de baisser de 4% et de 3% la production annuelle de pétrole et de gaz d’ici 2030, cela est inadmissible.

Dans l’absolu, le seuil d’exclusion des entreprises fixé à 30% de revenus est bien trop élevé, qu’il soit appliqué d’ici 2022 pour les investissements ou 2030 pour les activités de souscription. Dans le cas de l’Arctique, l’exploration ne devant pas générer de revenus, l’impact des mesures adoptées au niveau des entreprises, autant au niveau de la souscription que de l’investissement, est très incertain.

Enfin, Lloyd’s ne précise pas comment il définit l’Arctique.

Reclaim Finance est dans l’attente de précisions de la part du Lloyd’s.

4. Conclusion

Les mesures annoncées marquent une rupture bienvenue avec le refus appuyé du Lloyd’s à proscrire certaines activités de son marché. Elles restent toutefois en deça de ce que requiert l’urgence climatique et doivent être revues au plus vite pour garantir l’arrêt de tous soutiens à l’expansion du charbon, des sables bitumineux et des forages en Arctique. Dès 2021, Lloyd’s devra aussi s’atteler aux autres secteurs des énergies fossiles, à commencer par les gaz et pétrole de schiste.

Les scores de l’assureur The Lloyd’s market dans le Coal Policy Tool

Ce tableau montre les scores de la politique charbon du Lloyd’s market pour chacun des critères du Coal Policy Tool.

Les scores de l’investisseur The Corporation of Lloyd’s dans le Coal Policy Tool

Ce tableau montre les scores de la politique charbon de The Corporation of Lloyd’s pour chacun des critères du Coal Policy Tool.

Pour aller plus loin :