La Financière de l’Echiquier (LFDE), l’une des principales sociétés de gestion de portefeuille entrepreneuriales en France avec plus de 12 milliards d’euros d’encours, s’est dotée en février 2021 d’une politique charbon ambitieuse, dont l’objectif est d’exclure progressivement le charbon thermique de ses investissements d’ici 2030. Cette politique comprend tous les éléments d’une politique robuste de sortie du secteur, et même si des dérogations restent possibles, le nombre d’exception est très faible. LFDE devient ainsi le 19ème acteur financier français à se doter d’une politique robuste de sortie du charbon

1. Ce qui change

Alors que sa dernière politique charbon publiée en 2018 ne concernait que les entreprises impliquées dans l’extraction de charbon thermique avec un seuil d’exclusion à 5% du chiffre d’affaires, LFDE s’engage dorénavant à ne plus investir :

  1. Dans les entreprises développant de nouveaux projets ou des projets d’extension impliquant l’utilisation de charbon thermique sur toute la chaîne de valeur (mines, centrales, infrastructures de transport) ;
  2. Dans les entreprises réalisant plus de 20 % de leur chiffre d’affaires dans les activités liées au charbon thermique (exploration, transport, logistique, ingénierie, opérations, etc.) ;
  3. Dans les entreprises dont la production de charbon thermique dépasse 10 MT par an ;
  4. Dans les entreprises dont la production d’électricité à base de charbon thermique, ou à défaut, la capacité installée, excède 20% de leur mix énergétique, ou dont la puissance installée des centrales au charbon thermique dépasse 5 GW ;
  5. Et enfin dans les entreprises activement impliquées dans le lobbying en faveur du charbon thermique, ralentissant ou bloquant les efforts en matière d’une sortie du secteur d’ici 2030 au plus tard.

LFDE s’engage à baisser ces seuils progressivement dans le temps pour une sortie totale du secteur d’ici 2030 partout dans le monde.

2. Notre analyse : une politique robuste

LFDE complète les mesures annoncées en 2018 avec tous les éléments essentiels à une bonne politique de sortie du secteur du charbon.

En ce qui concerne le financement des entreprises du secteur charbon, les engagements pris par LFDE restent très insuffisants pour plusieurs raisons :

  • Tout d’abord, l’exclusion immédiate de toutes les entreprises qui prévoient de nouveaux projets dans le charbon ou des extensions de projets existantssans dérogation possible – est une mesure indispensable à tout acteur financier désireux d’aligner ses pratiques avec l’objectif de 1,5°C. LFDE se hisse donc sur ce point au niveau des très bonnes pratiques d’acteurs tels qu’Ostrum AM ou OFI AM. Pour aller encore plus loin, LFDE pourrait engager les entreprises qui, comme General Electric, vendent les équipements nécessaires à de nouveaux projets charbon, afin de les pousser à y mettre un terme.
  • Les seuils relatifs (20% du chiffres d’affaires ou du mix énergétique) et absolus (10MT en extraction, 5GW en puissance installée) appliqués par LFDE sont ambitieux. Ensemble, ils correspondent aux meilleures pratiques du secteur, et même si LFDE donne la possibilité aux entreprises d’y déroger sous certaines conditions (voir ci-dessous), l’investisseur s’aligne sur Crédit Mutuel. LFDE s’engage par ailleurs à réviser et à baisser ces seuils d’exclusion de manière progressive pour viser une sortie totale du secteur d’ici 2030.

De plus, LFDE prend note des recommandations de l’ACPR et de l’AMF en précisant la base de données utilisées pour guider l’application des mesures prises, à savoir la Global Coal Exit List de l’ONG Urgewald : un gage de qualité.

Par ailleurs, LFDE prend l’engagement de stopper les investissements dans les entreprises activement impliquées dans le lobbying en faveur du charbon thermique, ou ralentissant ou bloquant les efforts en matière d’une sortie du secteur d’ici 2030 au plus tard. Les indicateurs retenus pour qualifier plus amplement ce lobbying pro-charbon seront ici primordiaux. Mais cette mesure mérite plus largement d’être soulignée et encouragée. Elle pourrait notamment couvrir le recours à l’Energy Charter Treaty pour contrer ou exiger des compensations pharaoniques à une sortie du charbon.

Toutefois, l’impact de cette politique pourrait être limité.

D’après les données financières de la Global Coal Exit List, La Financière de l’Echiquier n’était à juin 2020 investi que dans 4 entreprises, à hauteur de 63 millions de dollars. LFDE possédait notamment – à hauteur de 51 millions de dollars – des actions d’Albioma, producteur d’énergie renouvelable, mais qui possède des centrales charbon représentant plus de 20% de son mix énergétique.

Or non seulement LFDE est peu exposé, mais elle se réserve la possibilité de déroger à la majorité des critères d’exclusion. LFDE mènera alors une démarche d’engagement actionnarial rapprochée, a/ pour les entreprises ayant pris des engagements publics sérieux et crédibles » de sortie du charbon avec un plan détaillé de sortie du secteur par actif, ou b/ pour les entreprises ayant une démarche constructive sur les enjeux climatiques mais dont les engagements publics sont insuffisants. Dans ce cas, l’investissement est conditionné à la mise en place d’une gouvernance et d’une stratégie climatique alignées avec les standards de LFDE, et LFDE réévaluera annuellement les objectifs fixés/atteints. Si la première raison semble justifiée, nous invitons LFDE à préciser publiquement sa définition d’une “démarche constructive sur les enjeux climatiques”, le résultat des analyses en cours, et le nombre d’exceptions finalement retenues.

De manière générale, Reclaim Finance invite LFDE à exiger de toutes les entreprises du secteur charbon l’adoption d’ici fin 2021 d’un plan de sortie du charbon conforme à ses propres objectifs.

Enfin, cette nouvelle politique s’appliquera rapidement à l’ensemble des OPC ouverts dont la gestion est assurée par LFDE, soit à 85% des actifs sous gestion, et sera appliquée par défaut aux nouveaux fonds dédiés et mandats. Concernant les fonds dédiés et mandats existants non-ISR (les fonds ISR excluent déjà les énergies fossiles), qui représentent un encours de 1,2 milliards d’euros, soit 9,5% des actifs sous gestion, LFDE s’engage à proposer systématiquement à ses clients une mise en conformité vis-à-vis de cette politique charbon. Nous invitons LFDE à annoncer un calendrier détaillé de mise en conformité et à ne pas renouveler ses contrats avec des clients réfractaires à toute exclusion charbon.

Les scores de La Financière de l’Échiquier dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente les scores de la politique charbon de La Financière de l’Échiquier sur 4 critères du Coal Policy Tool

3. Notre Conclusion

LFDE fait une entrée remarquée dans le Coal Policy Tool avec la mise à jour de sa politique charbonS’appuyant sur les recommandations des ONG et du rapport ACPR et AMF, cette « politique d’exclusion renforcée » du charbon thermique visant l’arrêt total du financement de ce secteur d’ici 2030, devient l’une des meilleures pratiques de la Place de Paris. Bien que des exceptions à cette politique soient possiblesLFDE s’engage à faire annuellement un bilan de sa politique charbon et des exceptions retenues. LFDE se place ainsi au niveau d’Ostrum AM et du Crédit Mutuel AM, ce qui renforce encore la pression sur les derniers acteurs financiers français dépourvus d’une politique charbon robustenotamment BNP Paribas AM et Natixis IM. 

Pour aller plus loin :