Le jour de l’assemblée générale de Mizuho, nous faisons le point sur les progrès réalisés jusqu’à présent par les trois grandes banques japonaises en matière de charbon, en couvrant également MUFG et SMBC. Les trois mégabanques ont mis à jour leur politique charbon au cours des derniers mois, mais elles sont encore loin d’être alignées sur les objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Les politiques d’exclusion ne s’appliquent qu’au financement de projets de charbon (et avec trop d’exceptions) et permettent encore aux trois banques de soutenir les entreprises charbonnières et leurs plans d’expansion par le biais du financement des entreprises.

Exclusion du financement direct de projets uniquement

Les trois banques ont toutes arrêté le financement de nouvelles centrales au charbon « en principe », mais avec des « exceptions » plus ou moins importantes. Bien que ces exceptions diminuent à chaque mise à jour de leur politique, Mizuho, MUFG et SMBC autorisent toujours potentiellement le financement direct de nouvelles centrales au charbon, refusant de rejoindre les 49 banques et assureurs qui se sont engagés à ne participer à « aucune nouvelle mine et centrale à charbon » dans le monde.

Concernant les centrales à charbon :

  • Dans sa dernière mise à jour de la politique publiée le 13 mai, Mizuho fait encore de la place aux nouveaux projets « essentiels à la stabilité de l’approvisionnement énergétique du pays concerné et [lors] du remplacement d’une centrale électrique existante. »
  • MUFG a supprimé certaines exceptions, mais la politique mise à jour le 26 avril souligne que le captage et le stockage du carbone ou la combustion mixte « peuvent être considérés sur une base individuelle ».
  • La politique de SMBC, mise à jour le 12 mai, ne comporte aucune exception écrite. Ce serait un signe prometteur si la banque n’avait pas déclaré aux ONG japonaises qu’elle appliquerait des exceptions similaires à celles de MUFG. Pas si prometteur.

Sur le front des mines de charbon, Mizuho est la première des trois banques à exclure désormais le financement direct de nouvelles mines de charbon, mais elle permet toujours le financement de mines de charbon existantes « qui contribuent à la stabilité de l’approvisionnement en énergie dans les pays qui ont des politiques alignées sur l’Accord de Paris. »

Toujours en soutien de l’expansion du charbon

Plus inquiétant encore, l’essentiel du problème du charbon n’est pas abordé, car la plupart des financements accordés par les grandes banques japonaises à ce secteur passe par des financements généraux indirects aux entreprises charbonnières plutôt que par des financements directs à des projets spécifiques. Comme les politiques d’exclusion du charbon ne s’appliquent pas au financement des entreprises, les trois banques peuvent toujours soutenir activement l’industrie du charbon et ses promoteurs, malgré les urgences climatiques et sanitaires.

Mizuho, MUFG et SMBC se sont classées respectivement deuxième, troisième et sixième dans le dernier classement des banques commerciales finançant les entreprises de la Global Coal Exit List (GCEL), publié en février dernier. Avec respectivement 39 milliards de dollars, 36 milliards de dollars et 32 milliards de dollars fournis à des dizaines de sociétés charbonnières dans le monde entre octobre 2018 et octobre 2020, ces trois grandes banques jouent un rôle crucial dans le soutien à l’industrie du charbon dans le monde.

En fait, elles permettent de nouveaux développements du charbon en soutenant les entreprises qui prévoient de développer l’industrie du charbon dans le monde. Sur la période 2018-2020 retracée dans les dernières données financières publiées :

  • Mizuho a fourni 24 Md$ à 37 développeurs de charbon, dont des entreprises telles que China Huadian, qui prévoit encore plus de 15 GW de nouvelles capacités de production d’électricité au charbon en Asie et en Afrique ;
  • MUFG a fourni 23 milliards de dollars à 30 développeurs de charbon, dont Power Finance Corporation, qui prévoit encore 12 GW de nouvelles capacités de production d’électricité au charbon en Inde ;
  • SMBC a fourni 27 milliards de dollars à 36 développeurs de charbon, dont PLN, une société qui prévoit 10 GW de centrales au charbon en Indonésie.

Ces chiffres frappants soulignent la nécessité urgente pour ces acteurs financiers mondiaux de rattraper nombre de leurs homologues européens, qui ont adopté des politiques charbonnières solides couvrant à la fois le financement de projets et le financement d’entreprises. Nous ne pouvons qu’exhorter les banques japonaises à suivre l’exemple de la banque française Crédit Agricole : sa politique exclut tous les promoteurs de projets de charbon et les entreprises tirant plus de 25% de leurs revenus du charbon thermique. Le Crédit Agricole s’est également engagé – au niveau du financement des’entreprises – à éliminer progressivement le charbon dans l’OCDE d’ici 2030 et dans le monde entier d’ici 2040, une condition obligatoire pour que toute politique relative au charbon soit conforme aux objectifs climatiques de l’Accord de Paris. Cet engagement est beaucoup plus fort que les promesses actuelles de Mizuho, MUFG et de SMBC de supprimer progressivement leur portefeuille de financement de projets d’énergie au charbon d’ici 2040, ou que l’analyse des risques de transition pour les énergies fossiles que Mizuho mentionne dans sa dernière politique.

Sous pression croissante pour s’aligner sur l’accord de Paris sur le climat

La mobilisation visant les trois grandes banques japonaises prend de l’ampleur de toutes parts. MUFG est visée pour la première fois cette année par une résolution d’actionnaires lors de son AG le 29 juin, lui demandant « d’adopter et de divulguer un plan pour aligner ses financements et ses investissements sur l’accord de Paris sur le climat », avec des actions ciblées de groupes activistes à travers le monde ces derniers jours. Cette action fait suite à la toute première résolution liée au climat déposée auprès d’une institution financière au Japon avec Mizuho l’année dernière, qui a recueilli le soutien de 34,5 % des investisseurs. SMBC a également été ciblée publiquement récemment pour sa demande de devenir une banque accréditée auprès du Fonds mondial pour le climat. Et les trois banques sont confrontées à une pétition mondiale en cours visant à mettre fin à la finance fossile.

Il est grand temps que ces trois banques cessent d’adopter des mesures « trop faibles, trop tard » et fassent plutôt preuve de leadership en adoptant des politiques robustes en matière de charbon avant la COP26 à Glasgow si elles veulent devenir crédibles sur le climat.

Notes :

Crédit photo : 350.org Japan