Alors que TotalEnergies publiait ce matin des résultats financiers records pour le premier trimestre 2022, l’entreprise en a profité pour annoncer sa décision de rejeter une résolution déposée par des actionnaires en vue de l’assemblée générale du 25 mai prochain, lui demandant de se fixer des cibles climatiques alignées sur l’Accord de Paris. Fondée sur des arguments irrecevables, cette décision montre que TotalEnergies ne prend au sérieux ni le dialogue actionnarial, ni l’urgence climatique. Reclaim Finance appelle les actionnaires de l’entreprise à voter contre le faux plan climat sur lequel TotalEnergies les consultera lors de l’AG du 25 mai prochain.

Une des rares majors à rejeter toute résolution climatique actionnariale…

Après le retrait il y a quelques jours – par les actionnaires – d’une première résolution qui demandait à TotalEnergies un « Say on Climate » crédible et complet (1), le rejet d’une seconde résolution par la major française signifie qu’aucune résolution climatique d’initiative actionnariale ne sera débattue lors de l’AG de l’entreprise le 25 mai prochain.

Cette situation contraste défavorablement avec la plupart des pairs de TotalEnergies. En effet, au moins sept majors pétrolières verront leur AG débattre de résolutions climatiques actionnariales cette année : BP, Shell, Equinor, Chevron, Exxon, Philipps66 et ConocoPhilipps.

… sur la base d’arguments fallacieux

En motivant en partie sa décision de rejet de la résolution par « des échanges constructifs avec un certain nombre d’actionnaires » et ses « nouveaux engagements, dans le cadre de sa volonté de transparence » (2), TotalEnergies confond délibérément les sujets. En effet, la résolution rejetée aujourd’hui portait sur le niveau d’ambition des cibles climatiques de la major. A l’inverse, les nouveaux engagements de TotalEnergies – qui n’ont pas été pris spontanément par l’entreprise mais obtenus grâce au dépôt d’une autre résolution actionnariale – portent sur la structure et la complétude de son plan climat. Les deux sujets sont donc très différents et TotalEnergies ne peut pas se prévaloir d’avancées – incomplètes – sur la transparence pour rejeter une résolution qui a trait au niveau d’ambition de son plan climat.

L’entreprise argue également du vote déjà prévu sur son plan climat pour rejeter la résolution actionnariale. Or ce plan est manifestement incompatible avec l’Accord de Paris, et a fortiori avec l’objectif de limitation du réchauffement à 1,5°C. Il rend donc la résolution rejetée aujourd’hui d’autant plus nécessaire et pertinente.

Le dernier argument de l’entreprise (la résolution empièterait sur les compétences stratégiques du conseil d’administration) renvoie à l’inaction des autorités publiques pour favoriser la démocratie actionnariale. Alors que l’AMF et l’ACPR ont appelé à une « clarification juridique » et que le candidat Macron a promis de lier la rémunération des dirigeants à leur action climatique, il est urgent d’aménager la loi pour confirmer définitivement la légitimité des actionnaires à déposer des résolutions climatiques, et pour faciliter ces dépôts.

La décision de TotalEnergies de rejeter cette résolution climatique illustre à la fois la fébrilité de l’entreprise sur ces enjeux et l’attitude hypocrite de la major française vis-à-vis de l’ « engagement actionnarial ». L’entreprise accepte, voire valorise le dialogue avec ses actionnaires lorsqu’elle en maîtrise les termes mais le censure et l’étouffe lorsque les sujets portés ne lui conviennent pas. Face à l’attitude bloquante et peu constructive de la major, les investisseurs engagés pour le climat n’auront d’autre choix que de voter contre le faux plan climat présenté par l’entreprise lors de son AG du 25 mai prochain.

Notes :

  1. Voir les nouveaux engagements de l’entreprise et le communiqué de presse des investisseurs annonçant le retrait de leur résolution.
  2. Voir le communiqué de presse de TotalEnergies annonçant sa décision de rejeter la résolution.
  1.