Paris, jeudi 24 mars 2022 – TotalEnergies a publié ce jour son “Sustainability and Climate Progress Report 2022” qui sera soumis au vote consultatif de ses actionnaires lors de son Assemblée Générale du 25 mai. Si TotalEnergies annonce des mesures supplémentaires, aucune ne vise une baisse significative de ses émissions de gaz à effet de serre et son plan climat reste fondamentalement incompatible avec une trajectoire limitant le réchauffement à 1.5°C. Reclaim Finance appelle les actionnaires de TotalEnergies à s’y opposer et à exiger de la major des objectifs plus précis, complets et ambitieux. 

Pour Guillaume Pottier, chargé de campagne Engagement : “TotalEnergies multiplie les engagements à géométrie variable pour mieux masquer l’absence complète d’objectifs sérieux et quantifiés lui permettant de s’aligner rapidement sur une trajectoire à 1,5°C. Alors que l’actualité nous rappelle l’urgence à sortir du gaz, la major mise sur son développement massif. En plein déni  de réalité ou indifférence face à l’urgence climatique, TotalEnergies prévoit une baisse insignifiante de ses émissions réelles : bien en deçà de 10% alors que la science recommande une baisse de 50% d’ici 2030.  »

« Les investisseurs ne doivent pas se laisser berner par ces effets rhétoriques et exiger des cibles complètes et précises sur la baisse de l’ensemble des émissions, exprimées en valeur absolue, dès 2025. En l’état actuel, les actionnaires réellement soucieux de la transition climatique de l’entreprise ne pourront que s’opposer à ce plan à la fois incomplet et peu ambitieux.” 

Les cibles de décarbonation 

  • TotalEnergies réitère son engagement à émettre moins en 2030 qu’en 2015, en précisant qu’en 2030 ses émissions scope 3 seront inférieures à 400 MtCO2 contre 410 MtCO2 en 2015, soit un niveau d’émissions identique à celui de 2020 et 2021.Cela correspondrait à une baisse de seulement 2,5% sur 15 ans.
  • TotalEnergies annonce une baisse des émissions de scope 3 sur le pétrole de 30% d’ici 2030. Cet objectif est à prendre avec des pincettes étant donné qu’en parallèle, Total prévoit une augmentation de sa production de gaz. Sur la période 2015-2021, la baisse d’émissions observée sur le pétrole a été quasiment compensée par la hausse des émissions sur le gaz (qui ont quasiment doublé sur la période). Baisser les émissions sur le pétrole ne permet donc pas de baisser significativement les émissions du groupe (voir point 1). Par ailleurs, la production de pétrole de TotalEnergies devrait même augmenter d’ici 2025 pour revenir à des niveaux proches de ceux de 2019 et au-dessus de ceux de 2021 d’ici 2030 (1,4 Mb/d).
  • TotalEnergies annonce un objectif ambitieux pour réduire ses émissions de méthane de 80% entre 2021 et 2030, aligné avec les recommandations de l’AIE et les objectifs européens. Cependant, cet effort est à relativiser car les émissions concernées représentent moins de 1% des émissions totales indiquées par TotalEnergies. 
  • Au total, sur la totalité des émissions scope 1, 2 et 3, TotalEnergies prévoit une baisse comprise entre 5,8% et 6,7% entre 2015 et 2030. 

La trajectoire d’investissement et de production au regard du scénario NZE

  • TotalEnergies n’annonce pas de changement dans sa stratégie d’investissement. Plus de 70% des CAPEX prévus par TotalEnergies sont encore dédiés aux énergies fossiles jusqu’en 2030.
  • TotalEnergies mise massivement sur le développement du gaz (+ 50% de production de 2015 à 2030 et doublement des ventes entre 2019 et 2030) et n’hésite pas à mettre en avant le développement de GNL “bas carbone” avec une production qui devrait bondir de 22% d’ici 2025. Le gaz contribue pour un tiers de la réduction de l’intensité carbone prévue par l’entreprise d’ici 2030 (- 20%), démontrant qu’une réduction de l’intensité carbone peut cacher une dépendance continue aux énergies fossiles aux antipodes d’une trajectoire climatique de 1.5°C. Il tient aussi une place prépondérante dans la stratégie de l’entreprise en matière de production d’électricité – où les centrales à gaz sont décrites comme faisant partie intégrante de la transition vers les énergies propres – et d’hydrogène – avec une volonté de devenir un leader de la production de ce carburant en privilégiant le développement de l’hydrogène bleu à court terme.
  • TotalEnergies essaye de minimiser sa capacité à réduire ses émissions. TotalEnergies reconnaît le caractère normatif du scénario net zéro de l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) pour atteindre la neutralité carbone mais refuse de s’aligner sur ces principales conclusions, et donc de renoncer à  ses projets d’investissement dans de nouveaux puits pétroliers et gaziers. Pour rappel, TotalEnergies figure parmi les 10 plus gros développeurs d’hydrocarbures au monde selon la Global Oil and Gas Exit List publiée en octobre 2021. L’entreprise souligne que la trajectoire AIE ne correspond pas à l’évolution actuelle de la demande en énergie fossile et aux projections “business as usual”. Elle prend d’ailleurs soin d’indiquer dans tout son document qu’elle atteindra la neutralité carbone d’ici 2050 sur son scope 3 “avec la société” (“Together with society”), rejetant ainsi la responsabilité de la transition sur ses clients.
  • TotalEnergies prévoit un rôle croissant pour la capture et le stockage de CO2 et la compensation carbone. D’ici 2030, elle prévoit de capturer 10 Mt par an via des solutions technologiques et 5 Mt via des solutions naturelles. Par la suite, elle souhaite commercialiser des services de compensation et utiliser du CO2 capturé pour produire des nouveaux carburants aériens. Elle pourrait aussi déployer de la capture de CO2 sur ces centrales à gaz. Au total, d’ici 2050, la capture de CO2 représenteraient 110 Mt par an, soit plus de 25% de ses émissions de CO2 en 2020/2021 (447 Mt). De plus, jusqu’à 45% de ce volume (25-50 Mt) serait dû à la fabrication de carburant à partir du CO2 capturé qui “éviterait” des émissions.

Par ailleurs, TotalEnergies revendique un lobbying qui pourrait retarder l’action climatique. L’entreprise indique qu’elle sélectionne et évalue l’action de ses organisations partenaires – notamment les groupes professionnels et d’intérêt – afin de promouvoir le « rôle du gaz” comme “énergie de transition” et le développement de mécanismes de compensation carbone. Ces deux options contribuent fortement à retarder la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Pour aller plus loin :

  • Lire notre analyse détaillée du contenu du plan climat de TotalEnergies, assortie de recommandations pour les investisseurs.
  • Reclaim Finance met à disposition des banques, investisseurs et assureurs des briefings analysant plus précisément les stratégies et ambitions climat de TotalEnergies (en cours de mise à ajour à la suite des récentes annonces), Shell, BP, Eni. L’étude peut être retrouvée sur la page Major Failure.

Contact presse :

  • Anaïs Lehnert, Responsable Communication, anais@reclaimfinance.org, +33670085898