Le think tank philippin Center for Energy, Ecology, and Development (CEED) alerte dans un nouveau rapport (1) sur les risques sociaux, environnementaux et climatiques liés au fort développement gazier en Asie du Sud-Est (2). Reclaim Finance, qui relaie ce rapport, se joint à CEED dans son appel aux acteurs financiers à ne pas apporter leurs soutiens à l’expansion gazière. Les banques françaises figurent parmi les institutions financières les plus impliquées, avec $9,8 milliards dans le secteur gazier de la région (3) depuis 2016, à rebours de leurs engagements à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.
Un boom gazier en Asie du Sud Est
Après une explosion de la consommation de charbon dans la décennie passée (4), les pays du sud-est asiatique connaissent aujourd’hui un boom gazier. La construction de terminaux d’importation de gaz naturel liquéfié et de centrales à gaz risque d’enfermer la zone dans une dépendance aux énergies fossiles et écarte toute chance de transition. Les développements gaziers aggraveront la vulnérabilité d’une région déjà en première ligne des conséquences du changement climatique, en plus de contribuer à des pollutions immédiates. De nombreux développements gaziers dans la région ont lieu dans le Triangle de Corail, une zone riche en biodiversité surnommée “l’Amazonie des océans”.
BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale et Natixis sont toutes présentes dans la région
Depuis 2016, 123 institutions financières ont apporté $33,4 milliards au gaz fossile en Asie du Sud-Est. BNP Paribas en premier lieu figure à la huitième place des plus grands soutiens mondiaux au gaz dans la région, avec $6,6 milliards de financements, dont $3,9 milliards pour les développements gaziers midstream à travers des soutiens aux nouveaux pipelines et terminaux de gaz naturel liquéfiés. Avec $4,5 milliards financés dont $3,7 milliards dans le midstream, Crédit Agricole figure également parmi les 10 plus gros soutiens à l’expansion gazière midstream de la région. Société Générale et Natixis sont également impliqués avec $2,9 et $2 milliards dans le secteur gazier de la zone respectivement. En soutenant les projets gaziers et les entreprises qui les développent (5), les banques françaises enferment la région dans un futur carboné, et contredisent leurs propres engagements sur le climat.
30 des institutions financières épinglées dans le rapport sont membres des alliances net zéro GFANZ (6) et se sont ainsi engagées à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 suivant une trajectoire +1,5°C. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) trace comme ligne rouge dans son scénario Net Zero la fin du développement de nouveaux champs pétroliers et gaziers pour limiter le réchauffement à +1,5°C. L’AIE alerte aussi sur les risques liés à de nouveaux terminaux de gaz naturels liquéfiés, qui ne sont pas nécessaires et devraient représenter des actifs échoués (“stranded assets”) dans les années à venir, quand les scientifiques du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ont aussi indiqué dans leur dernier rapport ceux liés à toute nouvelle infrastructure émettrice (7). D’après une étude réalisée avec des données économiques et financières dans sept pays d’Asie, l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA) estime que 62% des terminaux LNG, et 66% des centrales à gaz ne sont pas viables.(8)
Evolution de la demande de GNL selon différents scénarios de l’AIE, et futurs approvisionnements issus de projets sanctionnés.