Décarbonation de l’électricité : les banques doivent passer à la vitesse supérieure

Copublié avec Les Amis de la Terre France, Sierra Club, Réseau Action Climat France, Beyond Fossil Fuels, Rainforest Action Network, Make My Money Matter

Paris, le 24 octobre 2023 – Un nouvel outil lancé aujourd’hui par une dizaine d’ONG, dont Reclaim Finance, révèle que les grandes banques mondiales n’ont pas encore adopté les mesures nécessaires pour soutenir la décarbonation de l’électricité (1). Si les banques françaises se démarquent avec des premières cibles de financements, elles laissent la porte ouverte au financement de fausses solutions au nom de la transition et continuent de soutenir l’expansion des énergies fossiles. Alors que les financements annuels à la transition énergétique doivent être multipliés par 2,5 d’ici 2030 pour atteindre la neutralité carbone en 2050, selon l’Agence internationale de l’énergie (2), les ONG appellent  les banques à augmenter massivement leur soutien à la production et distribution d’électricité soutenable et à cesser immédiatement de soutenir l’expansion fossile. 

Si 2/3 des banques évaluées ont adopté une cible de décarbonation pour le secteur de l’électricité (3) en se référant au scénario Net Zero Emissions de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), ce même scénario indique qu’augmenter massivement les investissements dans la production et la distribution d’électricité soutenable est crucial.  

Cependant, aucune banque n’a pris les mesures nécessaires en ce sens, selon le  Sustainable Power Policy Tracker. Ce nouvel outil, qui a pour objectif d’encourager les banques à s’engager à financer l’électricité soutenable, les note selon quatre critères :

  • la qualité de leur définition de l’électricité soutenable (4) ; 
  • l’adoption de cibles de financements spécifiques pour produire une électricité soutenable ; 
  • leur engagement à matérialiser leurs financements en de nouvelles capacités installées d’électricité soutenable ; 
  • un reporting transparent des activités en lien avec l’électricité soutenable. 

Sortir des énergies fossiles ne pourra se faire sans le développement massif d’un approvisionnement en électricité soutenable. Cette bascule nécessite que les banques réorientent leurs financements, encore alloués à l’expansion des fossiles, et ce sans passer par la case « fausse solution ». Les banques françaises ne sont pas les pires mais sont encore très loin d’afficher de bonnes notes sur ces deux tableaux. Dans un contexte d’urgence climatique, elles doivent donc rapidement passer à la vitesse supérieure, faire le deuil de leurs anciennes passions fossiles pour se tourner vers les solutions soutenables.

Rémi Hermant, analyste politiques sectorielles à Reclaim Finance

D’après l’évaluation faite par ce nouvel outil, seules 8 banques ont fixé une cible de financement pour l’approvisionnement en électricité soutenable (5). Aucune des banques évaluées n’a exclu de son périmètre de financement les fausses solutions, comme les technologies en lien avec les énergies fossiles ou la biomasse. De plus, aucune des banques n’a pris d’engagement satisfaisant à financer de nouvelles capacités installées d’électricité soutenable et toutes ont un reporting très limité.  

Parmi les banques évaluées, six sont françaises  : BNP Paribas,  BPCE/Natixis, Crédit Agricole (6), Crédit Mutuel, La Banque Postale et Société Générale. Toutes, à l’exception du Crédit Mutuel, font partie des seules banques au monde à avoir une cible de financement pour l’approvisionnement en électricité soutenable. Mais aucune de ces banques ne se distingue sur les autres critères.  Par ailleurs, alors que les financements à la transition demeurent bien en-deça des besoins, les grandes banques françaises continuent d’alimenter l’expansion fossile depuis l’Accord de Paris (7). Aucune d’entre elles, à l’exception de La Banque Postale, ne s’est engagée contre l’expansion du pétrole et du gaz (8).  

Toutes les ONG, dont Reclaim Finance, encouragent les banques à adopter des politiques de soutien à la production d’électricité à partir d’énergies soutenables et à atteindre d’ici 2030 le ratio de financement à l’énergie de 6:1 (six dollars dans l’approvisionnement en électricité soutenable pour un dollar dans les énergies fossiles). Elles appellent les banques à réorienter leurs financements vers la transition au lieu de continuer à soutenir l’expansion des énergies fossiles.  

Contacts :

Notes :

  1. Les 60 banques analysées dans le Sustainable Power Policy Tracker sont les plus grandes banques mondiales identifiées dans le rapport Banking on Climate Chaos 2023 (cependant, suite à la fusion du Crédit Suisse et d’UBS, seules 59 sont aujourd’hui en activité). Les banques sont notées sur cinq points, 0 correspondant à la note la plus basse et 5 à la meilleure. Cet outil est lancé avec le soutien de Beyond Fossil Fuels, Sierra Club, Bank on Our Future, Rainforest Action Network, ShareAction, les Amis de la Terre France, Réseau Action Climat France, WWF, Make My Money Matter, Banktrack, ReCommon, FinanceWatch.
  2. Agence internationale de l’énergie, Net Zero Roadmap: A Global Pathway to Keep the 1.5 °C Goal in Reach
  3. La Banque Postale n’en fait pas partie parmi les banques françaises.
  4. Le terme “énergies soutenables” met l’accent sur la durabilité à long terme de l’utilisation des ressources énergétiques pour permettre une transition énergétique rapide et juste et limiter le réchauffement global sous 1,5°C. Parmi ces sources : l’énergie solaire, éolienne, mini-hydraulique ou encore géothermique. Cela ne comprend pas la technologie CCUS (Captage, stockage, transport et valorisation du CO2), l’énergie nucléaire, les centrales au biogaz / biomasse, certaines centrales hydro-électriques et l’hydrogène si celui-ci n’est pas produit directement à partir d’une énergie soutenable.
  5. Les huit banques qui se sont fixé des objectifs sont les suivantes : BNP Paribas, BPCE/Natixis, Crédit Agricole, La Banque Postale, Société Générale, DZ Bank, ING et Rabobank. Parmi les Françaises, le Crédit Mutuel n’en fait pas partie.
  6. Le Crédit Agricole a annoncé lancer une nouvelle filière baptisée Crédit Agricole Transitions & Énergies le 12 octobre 2023. Des discussions sont en cours avec la banque pour éclaircir ces annonces et évaluer leur impact.
  7. En 2022, les trois principaux soutiens européens des principaux développeurs d’énergies fossiles étaient le Crédit Agricole (US$ 6,1 milliards), BNP Paribas (US$ 5,5 milliards) et la Société Générale (US$ 3,4 milliards) (Source : Banking on Climate Chaos 2023)
  8. L’outil Oil and Gas Policy Tracker évalue les politiques des banques françaises contre l’expansion du pétrole et du gaz. L’outil Coal Policy Tracker évalue les politiques contre l’expansion du charbon.

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2023-11-22T15:54:04+01:00