Paris, 16 novembre 2023 – Qui a aidé les grandes entreprises de l’industrie fossile à lever des milliards d’euros en 2023 grâce à l’émission d’obligations ? C’est ce que révèle Reclaim Finance dans un nouveau briefing qui identifie les banques et investisseurs derrière les 5 pires transactions de l’année (1). Des obligations d’une valeur totale de US$12 milliards permises notamment grace au soutien de BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale ou BPCE/Natixis. Le briefing met en lumière le paradis financier que constitue le marché obligataire pour les entreprises développant de nouveaux projets fossiles (2). Reclaim Finance appelle les banques et investisseurs à restreindre immédiatement leurs soutiens à ces entreprises, notamment à travers les obligations qui leur permettent de financer l’expansion fossile.
Cinq obligations – les plus importantes de 2023 – ont été passées à la loupe dans ce nouveau rapport. Elles ont été émises par des entreprises à l’avant-garde de l’expansion fossile : BP, Conoco Phillips, Duke Energy, Eni et Greensaif Pipelines Bidco (3). Cette nouvelle analyse montre que les grandes banques et les investisseurs américains, européens et asiatiques participent toujours au financement de nouveaux projets d’énergies fossiles en profitant d’un marché obligataire opaque (4).
Alors que les banques rendent rarement compte de leur participation à l’émission d’obligations, se cachant derrière un rôle d’intermédiaire (5), le briefing révèle que BNP Paribas, Société Générale et Crédit Agricole se retrouvent chacune derrière deux de ces cinq transactions massives et BCPE/Natixis derrière l’une d’entre elles. Ces banques ont notamment facilité l’émission en février d’une obligation d’une valeur de US$3 milliards pour GreenSaif Pipelines, structure liée au géant pétro-gazier Saudi Aramco (6).
Parmi les investisseurs ayant acheté certaines de ces obligations massives, on retrouve les français BNP Paribas, BPCE/Natixis, et Crédit Agricole, qui ont également des activités de gestion d’actifs (7). BNP Paribas et Crédit Agricole ont notamment investi dans l’obligation d’une valeur de US$2,12 milliards émise par l’entreprise italienne Eni, dont la stratégie climat est loin d’être alignée avec l’objectif de limiter le réchauffement à 1,5°C (8). Plus préoccupant encore : cette obligation est catégorisée en partie comme une obligation «sustainability-linked», une obligation liée à des objectifs de développement durable, alors même qu’Eni est l’un des plus gros développeurs européens (9).
Le marché des obligations est devenue une porte dérobée pour les développeurs d’énergies fossiles à la recherche de liquidités. Banques et investisseurs ferment les yeux sur les activités financées par les nouvelles obligations, alors que ces obligations sont les vaches à lait cachées du financement de nouveaux projets d’énergies fossiles qui nous enferment dans des émissions de carbone toujours plus importantes.
Lara Cuvelier, chargée de campagne Investissements soutenables chez Reclaim Finance
De telles nouvelles transactions toxiques sont totalement anachroniques en 2023, alors que les dérèglements climatiques provoquent déjà chaque jour des impacts dramatiques et irréversibles. La politique et les pratiques de BNP Paribas sont criantes en la matière. La première banque française fait mine de reconnaître cet enjeu urgent de l’expansion en actant la fin de ses financements directs aux projets pétro-gaziers. Mais il est temps qu’elle s’attèle au véritable cœur du problème : ses soutiens massifs et continus aux entreprises qui les portent.
Lorette Philippot, chargée de campagne Finance privée aux Amis de la Terre France
Pourtant, la majorité des banques et investisseurs identifiés derrières les pires obligations d’énergies fossiles en 2023 s’est engagée à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 en limitant le réchauffement à 1,5°C. L’Agence internationale de l’énergie a récemment confirmé prévoir la fin de nouveaux projets fossiles dans son scénario Net Zero Emissions visant cet objectif climatique.
Reclaim Finance appelle les banques et les investisseurs à mettre en place des politiques sectorielles solides qui limitent leur soutien aux entreprises du secteur des énergies fossiles, en commençant par ne plus participer à l’émission d’obligations, dédiées à des projets ou non, pour des entreprises développant de nouveaux projets fossiles.