Avant un vote crucial ce matin des ambassadeurs des pays de l’Union européenne, la France tente à nouveau de saboter l’adoption de la directive européenne sur le devoir de vigilance. A la dernière minute, la France pose aux négociateurs une exigence impossible à satisfaire qui remet en cause l’accord de compromis, résultat de plusieurs années de travail difficile par les Etats membres, le Parlement européen et la Commission.
Alors que les négociations en trilogue s’étaient terminées en décembre, ce compromis devait être ratifié par le Conseil mais le vote a déjà été reporté ces dernières semaines en raison du retrait du soutien de l’Allemagne.
Las, lors d’un énième coup de théâtre le 27 février, la France met encore plus en péril l’adoption du texte en exigeant de modifier le périmètre de la directive et d’en exclure plus de 80% des entreprises concernées ; une demande d’abord introduite par Bruno Le Maire en personne, lors d’un voyage en catimini à Bruxelles. Le 20 février, il demandait en effet un entretien seul à seul avec le ministre de l’économie belge, dont le pays assure la présidence du Conseil, et formulait pour la première fois la demande de révision des seuils. Selon plusieurs sources, cette demande est devenue la position officielle de la France hier soir [1].
Inspirée de la loi française de 2017, cette directive imposerait aux grandes entreprises opérant sur le marché européen de prévenir les violations des droits humains et la pollution de l’environnement dans leurs chaînes de valeur.
Le texte de compromis prévoit une application aux entreprises de plus de 500 salariés ; mais la France exige à la dernière minute de remonter ce seuil au niveau de la loi française sur le devoir de vigilance, déjà en vigueur, fixé à 5 000 salariés, exemptant ainsi quelque 14 000 entreprises opérant sur le territoire européen. Le niveau des seuils en France a pourtant été considéré comme trop élevé par l’évaluation de cette loi commanditée par le gouvernement français en 2020, qui recommandait donc de les abaisser, ainsi que par un rapport d’information de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale co-rédigé par une députée de la majorité présidentielle [2].
A noter également : ce volte-face français entre en contradiction totale avec toutes les demandes issues de la société civile, des syndicats, des associations, d’innombrables représentants d’entreprises et d’investisseurs, d’autorités financières, d’autorités religieuses et de nombreuses instances internationales.
Les membres de la coalition européenne pour le devoir de vigilance demandent le maintien du seuil sur lequel les pays européens se sont accordés, et que la France s’est engagée encore récemment à appuyer politiquement lors de l’audition du ministre des Affaires étrangères, M. Stéphane Séjourné, à l’Assemblée Nationale le 14 février.
Nous appelons le Président de la République, M. Emmanuel Macron, à défendre la position historique de la France dans ces négociations cruciales pour la protection des droits humains et de l’environnement, en assurant à ses partenaires européens le maintien d’une position française stable permettant l’adoption de cette directive.