Il y a tout juste un an, la Place financière de Paris s’engageait à ce que ses membres se dotent d’une stratégie de sortie du charbon d’ici mi 2020. On a fait le bilan et le compte n’y est pas.

Sortir du charbon thermique dans les prochaines années conditionne nos chances de limiter le réchauffement de la planète sous le seuil de 1,5°C. Cela ne suffira pas mais nous sommes certains d’échouer si nous ne fermons pas 78% de la capacité de production d’électricité à partir de charbon d’ici 2030 et les 22% restants d’ici 2040.

Le 2 juillet 2019, la Place financière de Paris a appelé ses membres à adopter d’ici mi 2020 une stratégie pour se désengager complètement du charbon. Si les modalités de sortie sont laissées aux choix de chaque assureur, banque et investisseur, il est évident qu’il faut juger la tenue de leur engagement sur la qualité des politiques et leur capacité à soutenir activement la fermeture des plus de 6700 unités de production de charbon en opération dans le monde.

Reclaim Finance a, avec ses partenaires, établit une liste de 5 critères que les acteurs financiers doivent adopter pour répondre à cet objectif et nous avons passé au crible la trentaine de politiques adoptées par les banques, assureurs et sociétés de gestion françaises. Notre analyse est réunie sur le Coal Policy Tool. Le verdict est clair: si une dizaine d’acteurs financiers a tenu promesse, la Place de Paris dans son ensemble échoue, à l’image de Société Générale.

Société Générale rate sa sortie du charbon

A un jour de l’échéance du 2 juillet 2020, Société générale a annoncé de nouvelles mesures pour expliquer comment elle comptait atteindre ses objectifs de sortie du charbon. C’est la 5ème révision de sa politique, mais le compte n’y est toujours pas.

Sans rentrer dans le détail, sa politique n’a aucune demande en direction des entreprises exposées à moins de 25% au charbon et qui ne développerait pas de nouveaux projets charbon. Non seulement nous allons trouver des gros acteurs du charbon parmi elles, mais ne pas exiger de ces entreprises l’adoption d’un plan de fermeture de leurs mines, centrales et autres infrastructures liées au charbon garantit dès maintenant que Société Générale s’apprête à rater sa sortie et ne soutiendra pas activement le passage aux renouvelables.

Gare au greenwahing

Or, dans son communiqué du 2 juillet 2020, la branche verte de la place financière de Paris a écrit “Les grandes banques françaises sont désormais toutes dotées d’une politique volontariste de sortie du charbon ». Ne trompons pas l’auditoire: avoir une politique de sortie du charbon implique de viser “0 charbon” et non “moins de charbon” d’ici 2030/2040. Or Société Générale va continuer d’accorder des soutiens à des entreprises qui ne tentent pas même d’atteindre cet objectif.

Mais devant l’échec collectif de la place à s’autoréguler, Finance for Tomorrow s’arrange avec la réalité et réécrit l’histoire en indiquant que l’engagement de 2019 était d’avoir une politique de sortie du charbon d’ici « fin 2020 », alors que l’engagement était d’en avoir d’ici « mi 2020 ».

Quantité ne rime pas avec qualité

Dans la même veine, la place va être tentée de substituer à l’engagement d’avoir des politiques de “sortie” du charbon l’objectif d’avoir des politiques “d’exclusion” liées au charbon. Certainement, le second scénario serait à l’avantage des acteurs financiers puisque tous les principaux acteurs sauf deux – ODDO BHF AM et La Française – ont déjà une politique sur le charbon.

Mais comme indiqué ci-dessus, 10 acteurs seulement ont pour l’instant une politique assez robuste pour en soutenir la sortie. BNP Paribas nous a beaucoup habitué aux effets d’annonces, mais les premiers éléments de sa politique charbon annoncés la semaine dernière laissent penser que la banque pourrait devenir le 11ème de la liste.

La Place dans son ensemble a tout intérêt à viser des politiques de qualité. Après tout, si 10 acteurs, dont des poids lourds comme AXA ou Crédit Agricole/Amundi, ont su adopter de bonnes politiques, ce n’est pas demander l’impossible que de pousser les retardataires à les rejoindre. Paris a l’opportunité d’embarquer les autres places financières et d’établir un exemple à suivre au niveau international…..en tout cas sur le charbon puisque tout reste à faire sur le gaz et le pétrole et les autres secteurs ultra polluants de l’économie. S’arranger avec la réalité lors des événements finance et climat de la fin d’année afin de faire valoir des politiques insuffisantes risquerait de jeter le discrédit sur l’ensemble des politiques.