Aviva Investors a annoncé cette semaine qu’il envisageait potentiellement de se séparer de 30 des plus grandes entreprises pétrolières, gazières et minières du monde. Après plusieurs années d’hésitation sur le sujet, le gestionnaire d’actifs a finalement reconnu la nécessité de combiner des politiques d’engagement avec une menace de désinvestissement limité dans le temps. Mais en regardant les détails de la nouvelle politique climatique d’Aviva, on constate l’absence de toute nouvelle stratégie de sortie progressive du charbon, ou de politique sur les entreprises qui développent encore des nouveaux projets d’énergies fossiles

Pourquoi Aviva Investors continue à se dérober à ses responsabilités

En laissant aux entreprises des secteurs du pétrole, du gaz, des métaux et des mines jusqu’à trois ans pour rédiger des plans « net zero » et intégrer les risques climatiques dans leurs stratégies, Aviva Investors retarde une fois de plus les désinvestissements les plus urgents nécessaires à la réalisation des objectifs climatiques.

  • Même si le dialogue avec les entreprises est un outil crucial à utiliser par les investisseurs, il ne peut pas être la seule solution. Les investisseurs doivent utiliser un large éventail de solutions afin de s’adapter aux profils variés des entreprises en ce qui concerne la transition énergétique. Il est essentiel d’établir des priorités pour obtenir un engagement efficace et c’est une perte de temps et d’énergie que de dialoguer avec les entreprises qui développent encore de nouveaux projets dans les secteurs les plus risqués des énergies fossiles tels que le charbon et les pétroles et gaz non conventionnels. Ces entreprises ne montrent pas d’intérêt pour s’inscrire dans une démarche de transition et menacent nos chances de rester sur une trajectoire de 1,5°C. Elles devraient être cédées immédiatement, comme l’ont déjà fait de nombreux investisseurs.
  • Il est positif de voir que Aviva Investors est prêt à faire pression sur 30 entreprises pour qu’elles adoptent des objectifs fondés sur la science (“science based targets”). Le fait d’obliger les entreprises à se fixer de tels objectifs pourrait faire partie de la solution concernant la transition énergétique. Cependant, l’effet de ces plans et de la fixation d’objectifs ne se matérialisera pas avant plusieurs années, alors que les scientifiques du climat appellent à une baisse globale de la production d’énergies fossiles dès aujourd’hui. Un engagement sincère d’Aviva consisterait à suspendre immédiatement ses investissements dans les retardataires climatiques décrits ci-dessus, jusqu’à ce que ces retardataires aient mis fin à leurs plans d’expansion liés au charbon ou aux pétroles et au gaz non conventionnels, tout en les incitant à adopter des objectifs fondés sur la science (“science based targets”). Enfin, il convient de noter que les objectifs fondés sur la science (“science based targets”), même s’ils sont validés par l’initiative SBTi, ne sont pas à l’abri d’incohérences – comme les objectifs adoptés par RWE, le plus grand exploitant de centrales à charbon et émetteur de CO2 d’Europe, qui prévoit pourtant d’exploiter ses plus grandes centrales à charbon jusqu’en 2038.

En outre, il est important de rappeler que « l’intégration des risques climatiques » dans la stratégie d’une entreprise, comme l’exige Aviva, ne conduit pas automatiquement à l’atténuation des impacts climatiques causés par l’entreprise. Par exemple, une entreprise du secteur des énergies fossiles pourrait limiter l’impact du changement climatique sur ses résultats financiers en se diversifiant et en augmentant la part de ses activités dans les secteurs à faible ou à zéro émission de CO2, tout en poursuivant ses activités liées aux énergies fossiles.

Un déni sur les entreprises développant de nouveaux projets d’énergies fossiles

Comme nous l’avons souligné dans notre analyse des récentes annonces de BlackRock, demander aux entreprises de mettre en place des plans « net zero » est en train de devenir pour les gestionnaires d’actifs une nouvelle façon de se décharger de leurs responsabilités climatiques. La science climatique nous dit depuis 2015 qu’afin de rester sur une trajectoire de réchauffement limitée à 1,5°C, il faut mettre fin au développement de nouveaux projets d’énergies fossiles et diminuer de 6% par an la production de ces énergies jusqu’en 2030. Bien qu’Aviva Investors s’engage à sortir progressivement du charbon d’ici 2030, le gestionnaire d’actifs est toujours investi dans des développeurs de projets liés au charbon, tels que BHP Group et Glencore, une position incompatible avec son engagement.

Un secret embarrassant en Pologne

En outre, même si Aviva a engagé des dialogues avec certaines entreprises du charbon, sa politique de désinvestissement au niveau du groupe ne s’étend pas aux actifs gérés pour compte de tiers. Cela se reflète dans le fait qu’Aviva continue, par exemple, à investir massivement dans des entreprises en Pologne qui développent activement leurs activités dans le domaine du charbon, ce qui révèle les limites de sa politique d’exclusion.

Par le biais du fonds de pension polonais qu’Aviva gère, le groupe a plus de 250 millions d’euros investis dans des entreprises du secteur du charbon (1). Pire encore, en 2020, ce fonds de pension a même augmenté ses participations dans les grandes entreprises européennes du secteur du charbon, telles que Enea, PGE, avec 12 millions d’actions achetées au cours de l’année, et CEZ, avec 600 000 actions achetées. Le soutien à PGE est particulièrement inquiétant par rapport aux engagements climatiques d’Aviva, car l’entreprise est impliquée dans la mine controversée de Turów, et n’a pas annoncé de date de fermeture pour ses centrales à charbon.

En ce qui concerne le pétrole et le gaz, l’histoire est similaire. Tout au long de 2020, Aviva a acheté des actions de toutes les entreprises du secteur du pétrole et gaz côtées à la bourse polonaise, comme l’entreprise publique PGNiG.

S’il est positif de voir un grand gestionnaire d’actifs reconnaître la nécessité de faire pression sur le secteur du pétrole, du gaz et des mines, la première étape pour que les institutions financières soient prises au sérieux est de désinvestir immédiatement des entreprises qui prévoient encore de nouveaux projets à fortes émissions de carbone, qui sont incompatibles avec les objectifs de l’Accord de Paris. Par rapport au secteur du charbon, cela signifie que Aviva doit publier une politique d’exclusion solide qui couvre l’ensemble de ses actifs.

Notes

  1.  Données basées sur des recherches effectuées par l’organisation Foundation Development YES – Open-Pit Mines NO.