Aviva, le géant britannique de l’assurance, a publié de nouveaux engagements en matière climatique. Aviva a notamment adopté un objectif net-zéro à l’horizon 2040 et révisé à la hausse ceux sur le charbon, le pétrole et le gaz. Reclaim Finance salue l’adoption d’un seuil d’exclusion aussi strict pour le charbon et les énergies fossiles non conventionnelles.

Mais la politique ouvre une échappatoire de taille, liée au SBTi et qui affecte considérablement son impact immédiat. Aviva doit immédiatement désinvestir de tous les développeurs de nouveaux projets d’énergies fossiles s’il entend être un véritable leader sur le climat.

1. Ce qui est nouveau

Aviva a présenté des nouvelles mesures climatiques sur ses activités d’assurances et sur ses propres investissements :

  • Sur le charbon
    • Sur l’assurance :
      • Fin immédiate des couvertures à de nouvelles mines de charbon
      • Exclusion immédiate des entreprises qui tirent plus de 20% de leurs revenus ou de leur production d’électricité du charbon thermique.
      • Exclusion à partir de 2022 des entreprises qui tirent plus de 5% de leurs revenus ou de leur production d’électricité du charbon thermique
  • Sur ses propres investissements
    • Désinvestissement à partir de 2023 des actions d’entreprises dont plus de 5 % des revenus ou de la production d’électricité proviennent du charbon thermique, à l’exception des sociétés signataires de l’initiative « Science Based Target » (SBTi). Les obligations sont gardées jusqu’à leur maturité.
  • Sur le pétrole et le gaz
    • Sur l’assurance
      • Exclusion immédiate des entreprises dont plus de 20 % des réserves sont constituées de combustibles fossiles non conventionnels
      • Exclusion en 2022 des entreprises ayant plus de 5% de leurs réserves en combustibles fossiles non conventionnels

2. Notre analyse

  1. Sur le charbon

Au niveau des soutiens directs à des nouveaux projets, Aviva étend son engagement préalable de ne pas assurer de nouvelles centrales à charbon aux mines de charbon, mais ne va pas jusqu’à exclure les infrastructures comme les voies ferrées ou terminaux portuaires, comme l’a fait AXA. Toutefois, l’exposition réelle d’Aviva aux énergies fossiles via ses activités d’assurance reste incertaine, et l’impact réel de ces mesures reste difficile à évaluer. Aviva devrait clarifier sans ambiguïté s’il assure ou non le secteur du charbon, sur toute la chaîne de valeur.

Au niveau des soutiens aux entreprises, les seuils d’exclusion de 5 % d’Aviva, tant du côté des assurances que pour ses propres investissements, auraient été considérés comme très stricts et comme une amélioration significative s’il n’y avait pas eu une faille très importante : le géant financier britannique prévoit de continuer à assurer et à investir dans les entreprises qui ont signé l’initiative Science Based Target (SBTi). Il s’agit d’une lacune majeure après un très mauvais précédent avec l’entreprise allemande RWE qui a vu son objectif climatique validé par le SBTi en décembre dernier malgré le fait qu’elle continue de brûler du charbon jusqu’en 2038, soit huit ans plus tard que l’échéance de 2030 requise par la science – une échéance également approuvée par la Powering Past Coal Alliance (PPCA) et la Net Zero Asset Owner Alliance (NZAOA), deux initiatives dont Aviva est membre. RWE poursuit même le gouvernement néerlandais pour sa décision de sortir du charbon d’ici 2030, demandant 1,4 milliard d’euros de compensation sur la base du controversé traité sur la Charte de l’énergie.

Au lieu de s’appuyer sur le SBTi pour de telles exceptions, Aviva devrait exiger un plan détaillé de retrait progressif du charbon des entreprises restant dans son portefeuille, dans les délais indiqués ci-dessus, comme le font de nombreux investissemeurs tels qu’Ostrum AM. Ce serait la seule solution possible pour éviter la situation actuelle où, malgré ses engagements envers le PPCA et le NZAOA et leurs échéances mentionnées ci-dessus, Aviva continue d’investir dans des entreprises qui n’ont pas de plans de retrait du charbon.

Un autre défaut majeur de la nouvelle politique est le calendrier de sa mise en œuvre. Le seuil d’exclusion de 5 % ne sera appliqué de manière stricte qu’à partir de 2023, soit dans près de deux ans, ce qui est beaucoup trop tard compte tenu de l’urgence climatique à laquelle nous sommes confrontés. Dans le même temps, Aviva pourra toujours investir dans les 437 entreprises qui développent de nouveaux projets, comme le groupe Adani, dans lequel elle détenait récemment près de 11 millions de dollars de parts. Leur exclusion est pourtant une évidence tant l’incompatibilité de ces nouveaux projets avec les objectifs climatique est connue depuis des années. Par ailleurs, l’assureur britannique pourra également continuer à investir dans les plus gros acteurs du charbon, comme Duke Energy (93 millions de dollars), Glencore (60 millions de dollars) ou PGE (46 millions de dollars).

Une dernière faille majeure de la politique est que toutes les annonces faites ne couvrent pas les obligations existantes, qui ne seront pas cédées, contrairement aux actions ; ni les actifs gérés pour des tiers par Aviva Investors, qui représentent 20 % de ses actifs sous gestion.

Les scores d’Aviva dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente les scores de la politique charbon d’Aviva sur 5 critères du Coal Policy Tool

2. Sur le pétrole et le gaz

Aviva avait déjà fait quelques annonces sur le pétrole et le gaz le mois dernier et les mesures d’aujourd’hui se concentrent sur les non conventionnels – qu’elle ne définit pas. Aviva n’explique pas non plus si la mesure couvre l’ensemble de la chaîne de valeur ou seulement le côté production, les mesures annoncées sur les secteurs du pétrole et du gaz ne s’appliquent qu’à son activité d’assurance. Comme mentionné ci-dessus pour le secteur du charbon, l’exposition réelle d’Aviva au pétrole et au gaz reste incertaine, de sorte que l’assureur devrait clarifier sans ambiguïté son exposition à toutes les énergies fossiles. En cas d’exposition, Aviva devrait s’engager à exclure toute couverture pour les nouveaux projets pétroliers et gaziers.

Aviva devrait appliquer les seuils d’exclusion sur le pétrole et le gaz à ses investissements sans offrir d’échappatoire aux entreprises signataires du SBTi. Elle devrait également demander à toutes les entreprises pétrolières et gazières de cesser de développer de nouveaux projets d’énergies fossiles et d’adopter des objectifs de réduction de la production, conformément aux exigences de la science climatique. Selon le rapport Production Gap, la production de pétrole et de gaz doit diminuer de 4 % et 3 % d’ici 2030 afin de s’aligner sur une trajectoire de 1,5 °C.

3. Notre Conclusion

Aviva a amélioré sa politique en matière de fossiles mais a raté une occasion pour montrer l’exemple à suivre aux autres assureurs mondiaux. Les seuils d’exclusion adoptés sont stricts, mais leur impact sera considérablement réduit par des exceptions potentiellement importantes, comme pour RWE. Aviva pourra ainsi continuer d’investir pendant deux années supplémentaires dans les 127 entreprises du GCEL actuellement présentes dans son portefeuille. Aviva doit de toute urgence supprimer ces exceptions et appliquer immédiatement un seuil d’exclusion de 5%. Pour vraiment répondre à l’urgence climatique, l’assureur britannique doit aussi immédiatement exclure tous les développeurs de nouveaux projets d’énergies fossiles.

Pour aller plus loin :