La Banque de Montréal (BMO) est une banque de taille moyenne (665 milliards de dollars d’actifs) basée au Canada. Elle a annoncé sa nouvelle politique du charbon le 10 mars 2021. Le résultat est très décevant, avec une politique globale qui n’aura pratiquement aucun impact sur les pratiques bancaires de BMO. La banque canadienne a copié la mauvaise politique charbon adoptée par RBC, avec toutes ses failles, au lieu de suivre l’exemple de Desjardins qui a adopté une politique robuste sur le charbon en décembre dernier.

1. Ce qui est nouveau

En mars 2021, BMO a adopté sa première politique sur le charbon pour ses activités bancaires, qui englobe les éléments suivants :

  • BMO cessera de financer, en tant que prêteur, les nouvelles mines de charbon thermique et les nouvelles usines de charbon ou l’expansion importante des projets existants ;
  • BMO appliquera un seuil maximal de 60 % des revenus du charbon ou de la part du charbon dans la production d’électricité pour les nouveaux clients, et cessera de financer les clients existants au-delà de ce seuil, sauf « si le client peut fournir des preuves satisfaisantes qu’il réduit ou a défini des plans pour réduire son utilisation de charbon thermique ».
2. Notre analyse: La politique de BMO en matière de charbon manque de mordan

BMO est actuellement très impliqué dans le financement du charbon avec 5.3 milliards de dollars d’actifs dans 25 entreprises actives dans le secteur du charbon. Cela signifie très concrètement qu’elle soutient des entreprises qui extraient collectivement 348 millions de tonnes de charbon par an et disposent d’une capacité combinée de production d’électricité à base de charbon de 85,7 GW. C’est l’équivalent des capacités de production d’électricité au charbon du Canada, du Royaume-Uni, du Brésil, du Mexique, de la Corée du Sud et de l’Australie réunis.

Compte tenu de cette implication, la politique de BMO sur le charbon est, malheureusement, très timide.

Tout d’abord, BMO ne met pas fin au financement direct de tous les nouveaux projets de charbon alors qu’il aurait été facile pour la banque de le faire, puisque les archives ne font état d’aucun financement de projet de ce type depuis 2002. Si cette politique semble couvrir à la fois les projets d’extraction de charbon et les projets de production d’électricité à partir du charbon, elle comporte néanmoins une faille importante : elle ne couvre entièrement que les projets sur des nouveaux sites (greenfield), ce qui est très problématique car les projets sur sites existants (brownfield) doivent également être arrêtés..

BMO doit donc cesser de financer tous les nouveaux projets d’extraction et de production d’électricité à partir du charbon, sans exception, et exclure toutes les entreprises impliquées dans le développement de nouveaux projets de charbon.

Quant à sa décision d’appliquer un seuil maximal de 60 % des revenus du charbon ou de la part du charbon dans la production d’électricité, elle est également très décevante pour deux raisons :

  • Ce seuil est beaucoup trop élevé et très rare dans le secteur, car on ne le voit presque jamais, la plupart des banques utilisant un seuil d’exclusion de 50 % ou 30 % – les meilleures pratiques préconisant 20 % ou moins ;
  • Pire encore, BMO n’appliquera ce seuil qu’aux nouveaux clients et prévoit d’autoriser des exceptions pour les nouveaux clients s’ils peuvent présenter des « preuves satisfaisantes » vaguement définies de leur volonté de réduire leur exposition au charbon.

En d’autres termes, pour ne pas avoir une politique vide de sens, BMO doit supprimer ces deux exceptions et aller bien au-delà en réduisant drastiquement ce seuil : s’il devait l’appliquer strictement à sa clientèle actuelle, cela ne signifierait que le désinvestissement de 6 % de son exposition actuelle au charbon (Center Point, Gulf Power, PPL, TransAlta & Peabody).

Enfin, et surtout, en ne s’engageant pas dans une stratégie contraignante d’élimination totale du charbon, BMO passe à côté d’un élément essentiel de toute politique adéquate en la matière. Nous appelons donc BMO à suivre l’exemple de Desjardins, le premier acteur financier canadien à avoir adopté une politique robuste en matière de charbon en décembre dernier.

Le score de la politique charbon de BMO dans le Coal Policy Tool Ce tableau présente le score de la politique charbon de BMO à travers les 5 crièteres du Coal Policy Tool

Conclusion

Avec la faiblesse de ses critères d’exclusion et toutes les failles identifiées, cette nouvelle politique sur le charbon ressemble à une non-politique et n’aura pratiquement aucun impact sur les activités de BMO. Il est extrêmement décevant de voir l’annonce de BMO se traduire par une politique aussi peu rigoureuse.

BMO doit de toute urgence se remettre au travail et produire une politique améliorée et significative sur le charbon et commencer à travailler sur tous les autres sous-secteurs fossiles pour couvrir également l’industrie pétrolière et gazière.

Pour aller plus loin :