Vous vous rappelez des grands discours sur le monde d’après ? Des appels à une relance d’une économie plus juste, solidaire et résiliente ? La crise de la covid-19 est toujours là mais nous pouvons déjà tirer un premier bilan de la manière dont les grandes banques internationales ont réagit. Dans un contexte d’urgence climatique, il est particulièrement intéressant de regarder l’évolution de leurs financements aux énergies fossiles. Nous publions avec nos 5 partenaires – Rainforest Action Network, BankTrack, Indigenous Environmental Network, Oil Change International, et Sierra Club – le rapport annuel Banking on Climate Chaos – la bible sur les financements des grandes banques internationales au charbon, gaz et pétrole. Et le bilan est alarmant, avec des financements en hausse de la part des banques françaises, et notamment de BNP Paribas, soi-disant en pointe sur le climat.

Au total, les 60 plus grandes banques du monde ont accordé $3 800 milliards aux entreprises actives dans les secteurs du pétrole, du gaz et du charbon depuis 2016, en pleine contradiction avec les exigences de l’Accord de Paris. Les banques françaises ont une large part de responsabilité avec $295 milliards de financements depuis l’adoption de l’Accord de Paris.

Mais la palme de l’hypocrisie climatique revient à BNP Paribas. Celle qui ne rate jamais une occasion pour mettre en avant ses engagements sur le climat est la 10ème banque au monde à avoir financé le plus les énergies fossiles sur ces 5 dernières années. Mais surtout, ses politiques sectorielles considérées comme étant plus ambitieuses que les autres, n’endiguent pas une augmentation majeure de ses financements aux énergies fossiles. Avec près de $41 milliards de financements aux énergies fossiles en 2020, BNP Paribas est même la banque à avoir augmenté le plus ses soutiens entre 2019 et 2020 au niveau international. C’est simple, en 2020, BNP Paribas est 4ème principal pourvoyeur de financements aux énergies fossiles.

Paris : Capitale de l’Hypocrisie Climatique

Alors que la récession suscitée par la pandémie a entrainé une baisse de près de 9% des financements aux énergies fossiles au niveau international, les banques françaises ont augmenté leurs financements en moyenne de 19% par an entre 2016 et 2020 et de 36% entre 2019 et 2020.

  • Les banques états-uniennes JPMorgan Chase, Citi, Wells Fargo, et Bank of America restent les plus grands financeurs des énergies fossiles entre 2016 et 2020. Mais la France atteint la 4 ème place du classement en 2020, avec des financements de ses grandes banques qui ont presque doublé entre 2016 et 2020 – passant de $45 milliards à $86 milliards (en 2ème place mondiale).
  • Alors que les appels en faveur de la relance verte se multipliaient l’année dernière, elles ont même dépassé leurs voisines britanniques, démontrant un écart croissant entre les promesses de finance verte de la Place de Paris et ses pratiques réelles sur le climat.
  • Et cela concerne tristement même les secteurs les plus risqués non seulement pour le climat mais aussi pour la biodiversité et les droits des populations. Les banques françaises ont ainsi augmenté leurs financements aux pétrole et gaz ‘non-conventionnels’ comme les gaz et pétrole de schiste.
  • Ainsi en 2020, les 3 plus grosses banques françaises, sont dans le top 15 des plus gros financeurs aux énergies fossiles – BNP Paribas 4, Société Générale 14, Crédit Agricole 13.

Voilà un bon « reality check » de la réalité de l’action climatique des banques françaises et du chemin qu’il leur reste à parcourir pour contribuer à limiter le réchauffement à 1,5°C. Si Paris aime à s’afficher comme la capitale de la finance verte, ces chiffres montrent qu’elle est en vérité la capitale de l’hypocrisie climatique.

Plus terre-à-terre, il faut donc se demander comment les banques françaises entendent répondre favorablement à l’appel lancé par Bruno Le Maire fin 2020 à ce que tous les acteurs financiers de la Place de Paris se dotent d’une stratégie de sortie des pétrole et gaz non-conventionnels. En sortir impliquerait d’arrêter de financer leur développement. Or, on en est loin, comme en témoignent leurs financements massifs aux majors pétrolières et gazières.

Les majors pétrolières dans l’angle mort des banques françaises

Les entreprises à l’avant-garde de l’expansion des énergies fossiles ne font pas exception à la tendance générale et ont bénéficié en 2020 plus de trois fois plus de financements qu’en 2016 de la part des banques françaises. Cette hausse est le résultat de plusieurs prêts aux majors pétrolières et gazières comme BP, Total, Shell mais aussi Exxon. Très diversifiées, ces entreprises passent à la trappe des politiques adoptées par les acteurs financiers, que ce soit sur l’Arctique, les sables bitumineux ou sur les gaz et pétrole de schiste.

  • C’est particulièrement flagrant dans le cas de BNP Paribas qui est la banque à avoir le plus augmenté ses financements aux pétrole et gaz de schiste entre 2019 et 2020 malgré l’adoption en 2017 d’une politique bien supérieure à celle de ses pairs.
  • BP et Chevron ont reçu de BNP Paribas $13 milliards de soutiens en 2020 bien qu’ils fassent partie des plus gros acteurs du secteur.
  • BNP Paribas n’est pas la seule banque dans ce cas, puisque Crédit Agricole a accordé aussi $3,7 milliards à Total et Société générale $1,9 milliards à Exxon en 2020.

En conclusion, alors qu’elles se joignaient aux appels publics en faveur d’une relance verte, les banques françaises signaient aussi, loin des projecteurs, des chèques de plusieurs milliards de dollars sans condition aux majors pétrolières et gazières. Leurs engagements climat ne vaudront pourtant rien si elles continuent d’ignorer ces poids lourds des énergies fossiles. BNP Paribas, Natixis, Crédit Agricole et Société Générale doivent joindre le geste à la parole et arrêter de financer les entreprises qui piétinent les objectifs de l’Accord de Paris en développant des projets pétroliers et gaziers. La prochaine saison des assemblées générales leur donneront l’opportunité de tracer des lignes rouges à l’égard de ces entreprises, notamment en votant contre les stratégies climat soumises au vote des actionnaires par les directions de Total et Shell.

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