Communiqué de presse
Paris, le 17 février 2022 – Alors qu’un nombre croissant d’investisseurs brandissent la nécessité d’accompagner la transition écologique des entreprises polluantes pour éviter de les exclure de leurs portefeuilles, une nouvelle étude de Reclaim Finance pointe la faiblesse des politiques d’engagement des 24 principaux investisseurs français. Faute de demandes claires, d’outils efficaces et de sanctions appropriées, le dialogue entre les investisseurs et les entreprises a peu de chance d’aboutir à des résultats à la hauteur de l’urgence climatique. Reclaim Finance appelle les investisseurs à renforcer significativement leurs méthodes d’engagement et leur politique de vote afin de peser lors de la prochaine saison des assemblées générales.
Reclaim Finance a analysé la façon dont 24 investisseurs français cherchent à influer sur la trajectoire de transition des sociétés dont ils sont actionnaires à travers leurs politiques d’engagement et de vote (1). L’analyse montre que ces acteurs financiers ne se sont pas encore dotés de stratégies d’engagement et de vote suffisamment précises et solides.
“La rhétorique pro-engagement et anti-exclusion est devenue le cache-sexe de l’inaction climatique (2). Tous les investisseurs vantent les mérites de l’engagement et la nécessité d’accompagner la transition des entreprises. Pourtant, l’analyse de leurs politiques en la matière montre qu’ils ne se donnent pas les moyens de le faire efficacement. S’ils sont vraiment soucieux d’accompagner les entreprises, les investisseurs doivent d’urgence clarifier leurs objectifs et améliorer leurs pratiques. Pour rappel, la majorité se sont engagés à baiser de 50% leurs émissions d’ici 2030 et ce défi ne sera pas tenu s’ils se contentent de “demander” sans prévoir une stratégie d’escalade pour sanctionner les entreprises qui ne répondraient pas à leurs demandes » déclare Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance.
- Les demandes adressées par les investisseurs aux entreprises sont imprécises ou inadéquates. Quasiment tous mettent en avant la lutte contre le changement climatique mais à peine un quart formule des demandes précises sur la sortie du charbon et deux acteurs seulement fixent comme objectif l’arrêt du développement de nouveaux projets pétroliers et gaziers.
- Moins de la moitié des investisseurs mettent en œuvre des sanctions en cas d’échec du dialogue. Aucun ne liste de critères ni d’échéances précises qui déclencheraient ces sanctions, ni a fortiori une décision de désinvestir.
- Moins de 25% des investisseurs envisagent de déposer eux-mêmes des résolutions lors des assemblées générales pour demander aux entreprises d’améliorer leurs ambitions climatiques.
- Enfin, les pratiques d’engagement et de votes restent très opaques : 23 investisseurs (sur 24 étudiés) ne rendent pas compte de manière adéquate de leurs votes aux assemblées générales et les deux tiers ne fournissent aucun chiffre sur les résultats concrets de leurs démarches d’engagement.
Ces résultats rejoignent le constat sévère dressé par l’AMF, l’ACPR et l’ADEME quant à la faible qualité et à la grande hétérogénéité des politiques d’engagement (3).
« Les assemblées générales de 2022 seront un test décisif pour vérifier la réalité et les résultats concrets du dialogue entre investisseurs et entreprises. Les acteurs qui déposeront des résolutions climatiques et voteront contre l’approbation des comptes ou le renouvellement des membres des directions des entreprises non alignées avec une trajectoire à 1,5°C gagneront en crédibilité. Y manquer serait faire le jeu de statu quo », ajoute Guillaume Pottier, auteur de l’étude et chargé de campagne au sein de Reclaim Finance.
Reclaim Finance appelle les investisseurs à sanctionner par leur vote les entreprises qui développent de nouveaux projets de production pétrolière et gazière, reconnus par l’AIE comme n’étant pas compatibles avec une trajectoire limitant le réchauffement climatique à 1,5°C. Alors que plusieurs entreprises, dont TotalEnergies (4), devraient consulter leurs actionnaires sur leur plan climat lors des prochaines assemblées générales, Reclaim Finance appelle les investisseurs à déposer leur propre résolution (5) – de manière à s’assurer la complétude de ces « Say on Climate » (6) – et à voter contre tout plan lacunaire ou défaillant.