One Forest Summit : les acteurs financiers doivent s’engager dans la lutte contre la déforestation

Copublié avec Canopée

Paris, 28 février 2023 – Alors que le One Forest Summit (1) s’ouvre ce mercredi 1er mars au Gabon sous l’égide de la France, Reclaim Finance et Canopée révèlent que les 4 plus grandes banques françaises ont collectivement participé à 13 transactions d’un montant de US$ 15,3 milliards (2) au bénéfice des deux plus importants négociants de soja Cargill et Bunge. Les données jettent un doute sur l’efficacité des politiques déforestation de BNP Paribas et Société Générale. Les ONG appellent donc les acteurs financiers à passer des paroles aux actes et à conditionner dès maintenant leurs services financiers aux négociants de soja à l’adoption de mesures permettant d’endiguer rapidement la déforestation au Brésil.

La production de soja, qui a plus que doublé ces 20 dernières années, est une des principales sources de déforestation au niveau mondial. Face à l’explosion de la demande en soja, générée par l’augmentation continue de la consommation de viande et de produits laitiers, la région brésilienne du Cerrado est aujourd’hui l’un des écosystèmes les plus menacés de la planète. 50 % de sa superficie initiale a déjà été détruite. Sa disparition serait un désastre pour le climat et la biodiversité alors qu’il stocke l’équivalent de 13,7 milliards de tonnes de dioxyde de carbone (CO2) et abrite 5% de la biodiversité mondiale.

Le One Forest Summit évite d’aborder le vrai sujet : les financements de la déforestation. Pour mettre fin à la destruction des forêts, nous avons déjà les solutions : les banques françaises doivent prendre leurs responsabilités et couper leurs liens avec les entreprises qui détruisent ces précieux écosystèmes.

Klervi Le Guenic, Chargée de campagne chez Canopée

Le soja représente 60% des importations de produits à risque en Europe (3) et la lutte contre la déforestation liée à sa production est un des axes de la Stratégie Nationale de lutte contre la Déforestation Importée (SNDI). Pourtant, malgré les prises de positions de plus en plus fréquentes du monde de la finance en faveur de la protection de la biodiversité et de la lutte contre la déforestation, les 4 plus grandes banques françaises continuent de financer les négociants de soja, exposés à des risques massifs de déforestation.  

BNP Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, BCPE/Natixis ont ainsi participé ensemble à 13 transactions d’un montant total de US$ 15,3 milliards depuis 2021 en direction de Bunge et Cargill, deux des principaux négociants de soja au niveau international. Sur la même période, c’est près de 2 millions d’hectares qui ont disparu dans la région du Cerrado au Brésil (4), soit l’équivalent sur la surface de l’Ile de France. En seulement 5 mois en 2022, 31 nouveaux cas de déforestation (5) liée au soja ont été détectés. Près de la moitié sont liés à Bunge, le négociant le plus à risque (6). 

Crédit Agricole et BPCE/Natixis n’ont aucune politique visant à lutter contre la déforestation (liée au soja) et les politiques de BNP Paribas (7) et Société Générale (8) sont très insuffisantes pour endiguer la déforestation du Cerrado. Ainsi, si BNP Paribas s’engage à ne plus être exposée au risque de déforestation liée au soja au-delà de 2025, sa politique indique la volonté de la banque d’encourager, sans sanction claire de prévue, ses clients Cargill et Bunge à ne pas acheter ou produire du soja provenant de terres déboisées après la date butoir du 1er janvier 2020. Depuis l’adoption de sa politique en février 2021, BNP Paribas a participé à 10 transactions d’un montant de US$ 13,6 milliards à l’attention de Cargill et Bunge.  

Les engagements de BNP Paribas et Société Générale à lutter contre la déforestation liée au soja sonnent creux au regard des millions encore accordés aux principaux maillons de ce fléau. La situation est tout aussi dramatique pour Crédit Agricole et Natixis qui brillent par leur absence de politique pour lutter contre la déforestation liée au soja alors que celle-ci menace à la fois le climat et la biodiversité. Il est grand temps que les institutions financières passent de la parole aux actes et conditionnent leurs financements à l’adoption de mesures efficaces par les négociants de soja.

Lucie Pinson, directrice chez Reclaim Finance

Reclaim Finance et Canopée demandent donc aux acteurs financiers qui n’en ont pas d’adopter des politiques sectorielles de toute urgence, et à tous les acteurs de conditionner leurs services financiers aux négociants en soja à l’adoption, entre autres, d’un engagement à ne plus acheter de soja produit sur des terres déboisées ou converties en écosystèmes naturels, légalement ou illégalement, directement ou indirectement, après la date butoir du 1er janvier 2020 (9). 

Contacts :

Notes :

  1. One Forest Summit, 1er-2 mars, Libreville, Gabon
  2. Toutes les données financières ont été compilées par Reclaim Finance à partir de Bloomberg Terminal, en février 2023 
  3. WWF, Avril 2021 Stepping up? The continuing impact of eu consumption on nature worldwide
  4. http://terrabrasilis.dpi.inpe.br/app/dashboard/deforestation/biomes/cerrado/increments 
  5. Publications de AidEnvironment
  6. Tableau de bord d’évaluation des risques de déforestation liés aux importations françaises de soja
  7. Politique de BNP Paribas, février 2021 
  8. Politique de Société Générale, février 2022
  9. La date butoir ne doit pas être postérieure au 1er janvier 2020, conformément à l’Accountability Framework initiative (AFi). Pour la région amazonienne, la date butoir est fixée à 2008. 

Lire aussi

2023-03-01T11:20:51+01:00