Les acteurs financiers continuent d’alimenter l’industrie du gaz, source d’émissions massives

Copublié avec Beyond Fossil Fuels, Urgewald & Recommon

Paris, le 05 avril 2023 – Alors que l’Europe doit décarboner sa production d’électricité d’ici 2035 pour limiter le réchauffement à 1,5°C, un nouveau rapport révèle que les banques et les investisseurs ont apporté des milliards de dollars à l’industrie du gaz depuis 2019 [1]. Les auteurs du rapport, dont Reclaim Finance, la coalition Beyond Fossil Fuels et l’ONG italienne ReCommon, appellent donc les institutions financières à restreindre drastiquement leur soutien aux entreprises produisant de l’électricité issue du gaz en Europe afin d’empêcher de futures émissions de carbone à grande échelle et d’éviter l’augmentation du nombre d’actifs gaziers échoués d’ici 2035.

Le rapport, qui se concentre sur les entreprises productrices d’électricité et les entreprises développant des nouvelles centrales à gaz en Europe, montre que les banques ont fourni plus de US$314 milliards au secteur du gaz entre 2019 et 2022. Au mois de novembre 2022, les investisseurs détenaient de leur côté US$200 milliards.

Or, si le gaz est souvent présenté par cette industrie comme une source d’énergie plus propre que le charbon, et qu’il a été intégré de manière controversée dans la taxonomie durable de l’Union européenne, il reste une source importante de dioxyde de carbone. En effet, les centrales électriques au gaz représentent la principale source d’émissions du secteur de l’électricité européen en 2020 [2]. En plus d’être responsable d’émissions massives de CO2, les centrales à gaz sont alimentées en gaz fossile, dont la chaîne d’approvisionnement libère énormément de méthane qui a des émissions 86 fois plus nocives que le CO2 sur une période de 20 ans.

Si les pays veulent décarboner leur secteur de l’électricité d’ici 2035 pour limiter le réchauffement à 1,5°C, il est essentiel de passer des centrales à gaz aux énergies renouvelables. Et pourtant, l’argent continue d’affluer dans le secteur européen de l’électricité issue du gaz, y compris pour développer de nouvelles centrales. Ce rapport envoie donc un avertissement clair aux institutions financières : il est temps de changer radicalement d’orientation. L’objectif « net zéro » signifie l’élimination progressive du gaz dans la production d’électricité, d’ici 2035, et l’absence totale de nouvelles centrales électriques au gaz. Les institutions financières doivent donc adapter leurs politiques en conséquence.

Claire Maraval, Chargée de campagne Transition européenne chez Reclaim Finance et auteure principale du rapport

Le scénario Net Zero de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoit une décarbonation rapide de l’électricité et souligne la nécessité d’investir 9 fois plus dans les « énergies propres » et leurs outils-clés (stockage, transport, mesures d’efficacité énergétique) que dans le pétrole et le gaz, pour limiter le réchauffement à 1,5°C [3].

Cependant, le rapport constate que la quasi-totalité des entreprises productrice d’électricité en Europe n’ont pas encore publié de plans visant à réduire progressivement leur dépendance au gaz. Pire, près de 80 entreprises prévoient de développer de nouvelles installations gazières, avec plus de 63 GW de centrales à gaz prévues, dont 18 % sont déjà en cours de construction. Étant donné que ces installations ont une durée de vie moyenne de 20 ans, il existe un risque sérieux qu’elles deviennent des actifs échoués.

Malgré ces risques, seules trois des 25 banques les plus impliquées appliquent une forme de restriction au secteur (HSBC, La Caixa et Société Générale) – même si ces restrictions sont trop faibles pour stopper l’expansion et mener à l’élimination progressive de l’électricité produite à partir du gaz. Les banques les plus exposées sont BNP Paribas, Mitsubishi UFJ Financial, Citigroup et BBVA. Par ailleurs, les entreprises les plus soutenues par les banques sont Enel (US$61 milliards), Vitol SA (US$42 milliards), Mitsubishi Corp (US$25 milliards), RWE AG (US$25 milliards) et Engie (US$21 milliards).

De leur côté, les principaux investisseurs (BlackRock, Government Pension Fund Global et Vanguard) n’ont pas non plus réussi à mettre en place des politiques pour mettre fin progressivement à leur soutien au gaz, seule La Caixa imposant quelques restrictions limitées [4]. Ces investissements ont notamment été dirigés vers Iberdrola (US$32 milliards), Enel (US$29 milliards) et Naturgy Energy Group SA (US$20 milliards).

Les banques et les investisseurs qui investissent des milliards d’euros dans la production d’électricité à partir de gaz fossile en Europe font peser sur les ménages et les entreprises une hausse des prix de l’énergie, affaiblissent notre sécurité énergétique et provoquent le dérèglement climatique. Chaque euro investi dans le gaz fossile devrait être investi dans les énergies renouvelables afin d’assurer la transition énergétique dont nous avons besoin pour protéger notre santé et les droits de nos enfants à un avenir sûr et prospère.

Brigitte Alarcon, Chargée de campagne à Beyond Fossil Fuels

Reclaim Finance et Beyond Fossil Fuels exhortent les institutions financières à arrêter de soutenir les nouvelles centrales à gaz développées par des entreprises qui n’ont pas de plan de sortie du gaz d’ici à 2035 et à user de leur influence pour pousser les entreprises productrices d’électricité à adopter des stratégies de transition solides qui conduisent à l’élimination progressive de tous leurs actifs gaziers en faveur des énergies renouvelables d’ici 2035 au plus tard [5]. 

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2023-04-05T11:32:19+02:00