Copublié avec ReCommon, Urgewald, The Sunrise Project & Sierra Club
Paris, le 28 juin 2023 – Les grands gestionnaires d’actifs n’ont pas de politiques suffisamment robustes pour pousser les entreprises de leurs portefeuilles à ne plus développer de nouveaux projets d’énergies fossiles. C’est ce que révèle l’édition 2023 de l’analyse de leur action en matière climatique publiée par 5 ONG dont Reclaim Finance (1). Les ONG démontrent à travers la publication de données inédites que les gestionnaires d’actifs continuent en vérité d’investir à rebours de leurs engagements en matière climatique, notamment à travers l’achat d’obligations récemment émises par les entreprises à l’avant-garde de l’expansion des énergies fossiles. Les ONG appellent les clients institutionnels de ces gestionnaires, dont les fonds de pension, à exiger un renforcement rapide de leurs politiques.
Pour la troisième année consécutive, ce rapport analyse l’action des 30 plus grands gestionnaires d’actifs européens et américains (2) pour lutter contre l’expansion fossile, une condition sine qua non pour atteindre les objectifs climatiques internationaux.
Cette année, les gestionnaires d’actifs ont été évalués sur trois indicateurs :
- L’arrêt de l’achat de nouvelles obligations émises par les entreprises qui développent le plus de nouveaux projets d’énergies fossiles ;
- La formulation d’une demande claire adressée aux entreprises dans lesquelles ces gestionnaires investissent de mettre fin à l’expansion fossile (3);
- Les sanctions mises en œuvre en cas de non-respect de cette demande.
Les gestionnaires d’actifs sont constamment en train de jeter de l’huile sur le feu à travers leurs achats d’obligations des pires pollueurs. Leurs politiques sont loin d’être à la hauteur de l’urgence climatique, alors qu’en écoutant la science, il est évident que des sanctions devraient être mises en place pour les entreprises qui refusent de mettre fin à leurs plans d’expansion fossile dévastateurs. Il est temps que les clients de ces gestionnaires d’actifs les interpellent à ce sujet et leur demandent de mettre en place des politiques solides pour mettre fin à ce fléau.
Lara Cuvelier, chargée de campagne investissements soutenables
Les groupes dont font partie les 30 gestionnaires d’actifs ont investi au moins US$3,5 milliards dans des obligations émises au cours des 18 derniers mois par une quarantaine d’entreprises activement impliquées dans l’expansion fossile (4). Au moins 21 des 30 gestionnaires d’actifs ont ainsi investi dans la dernière obligation émise par TotalEnergies pour lever des capitaux, alors que la major est le 7e développeur au monde de nouveaux projets de production de pétrole et de gaz et est derrière le projet EACOP (5).
Les chiffres des achats d’obligations par ces gestionnaires d’actifs sont largement sous-estimés en raison du caractère opaque du marché obligataire et de la réticence des investisseurs à communiquer sur ces opérations. Cette opacité apparait d’autant plus problématique car les entreprises du secteur fossile ont de plus en plus recours aux obligations pour se financer (6).
Ces investissements sont rendus possibles grâce aux politiques sectorielles lacunaires des gestionnaires d’actifs. Le rapport révèle que si 4 d’entre eux ont mis fin à tout nouvel achat d’obligations d’entreprises développant des projets de charbon (7), aucun n’y a mis fin pour les développeurs de nouveaux projets de production de pétrole et gaz. Aucun de ces gestionnaires d’actifs ne demande aux majors pétro-gazières de mettre fin à leurs plans d’expansion, à l’exception d’Ostrum AM (8). Aucune sanction systématique n’est par ailleurs mise en place pour inciter les développeurs de projets de pétrole et de gaz à changer, ni par les votes, ni par les restrictions d’investissement.
On ne parle pas assez du marché des obligations quand on se demande comment les entreprises telles que TotalEnergies lèvent des capitaux pour leurs projets climaticides. Les gestionnaires d’actifs ont un pouvoir énorme via leurs achats d’obligations et il est temps d’exiger d’eux un arrêt de ces flux d’argent vers les entreprises responsables de l’expansion fossile. Comme nous l’avons découvert en faisant nos recherches, ce marché est très opaque : mais il est crucial de mettre la lumière sur ces soutiens cachés.
Lara Cuvelier, chargée de campagne investissements soutenables
Si au niveau international, l’américain Vanguard tient la première place du classement des investissements dans ces nouvelles obligations liées à l’expansion fossile, le groupe français BPCE, maison-mère de Natixis IM, est le deuxième plus gros investisseur européen. Ses affiliés détiennent ainsi au moins US$ 122 millions dans des obligations émises récemment par 14 gros développeurs fossiles (9).
Reclaim Finance et ses partenaires appellent les gestionnaires d’actifs à acter dès à présent l’arrêt de l’achat d’obligations d’entreprises développant des nouveaux projets de charbon, de pétrole et de gaz et à s’engager à minima à voter contre le management de ces entreprises dès les prochaines assemblées générales. Ces conclusions devraient également être un signal d’alarme pour les clients de ces gestionnaires d’actifs. Les ONG appellent ces grands propriétaires d’actifs à exiger de telles mesures avant de leur confier leur argent.