Les assureurs et réassureurs se retrouvent pendant plusieurs jours pour l’un de leurs grands rendez-vous du secteur : les Rendez-Vous de Septembre (RVS), loin du chaos des incendies grecs et des inondations historiques à Pékin. C’est notamment à Monte-Carlo que les professionnels prennent le pouls du marché pour le renouvellement des traités de réassurance tout en discutant des grands défis de leur industrie. Les catastrophes naturelles ayant déjà coûté près de 50 milliards de dollars au premier semestre 2023 (1), le dérèglement climatique s’impose désormais comme le premier d’entre eux (2). Plutôt que de faire exploser le coût de leurs traités de réassurance face au défi climatique, Reclaim Finance appelle les grands réassureurs à adopter dans leurs traités les mesures de prévention requises pour éviter de soutenir le développement de nouveaux projets d’énergies fossiles.
Les RVS, coup d’envoi des négociations des traités
Renouvelés une fois par an entre assureurs (clients) et réassureurs (fournisseurs), les traités de réassurance sont au cœur de l’événement de Monte-Carlo dans un contexte d’intensification du dérèglement climatique. Et lors de cette longue phase de négociation qui démarre à Monte-Carlo, les réassureurs tirent les ficelles : les assureurs souscrivent à des traités de réassurance (3) pour réduire la volatilité de leurs résultats face aux phénomènes extrêmes, notamment ceux causés par le dérèglement climatique. Ils évitent ainsi d’assumer seul le remboursement de sinistres parfois très coûteux comme des ouragans, des inondations ou des incendies (4) qui peuvent toucher des portefeuilles d’assurance entier.
Du réassureur à l’assureur : un effet domino
Lorsque les réassureurs augmentent le prix, voire excluent certains risques des traités de réassurance, les assureurs doivent revoir leur exposition à ces risques (en réduisant ses garanties par exemple) et réviser la tarification de leurs contrats (en augmentant leur coût).
Les mêmes mécanismes peuvent s’appliquer pour la couverture du secteur des énergies fossiles : ajouter une exclusion des risques des développeurs charbon (5) ou pétrole et gaz (6) dans les conditions des traités de réassurance rend la couverture de ces entreprises plus risquée pour un assureur. En effet, si l’assureur souhaite couvrir ces entreprises, il assumera 100% des risques, donc des dommages potentiels, liés au contrat d’assurance, sans que le réassureur puisse jouer son rôle habituel de bouclier face à un dommage exceptionnel à travers le traité de réassurance.
Les traités de réassurance, grands oubliés des politiques sectorielles
Alors qu’ils représentent plus de 70% de leur chiffre d’affaires (7), les traités de réassurance sont hors périmètre des politiques adoptées par les réassureurs sur le secteur énergétique pour tenir leur engagement de neutralité carbone à 2050 et limiter le réchauffement à 1.5°C.
En effet, les quatre grands réassureurs européens Munich Re, Swiss Re, Hannover Re et SCOR se sont uniquement engagés à ne plus couvrir, à travers leurs activités de réassurance facultative et d’assurance directe, les nouveaux projets de charbon ou nouveaux champs pétroliers et gaziers. Résultat : les engagements pris ne concernent qu’une partie minime de leurs activités et l’expansion fossile est toujours rendue possible grâce aux traités de réassurance.
Augmentation des tarifs, un pansement sur une jambe de bois
Pour se protéger de l’intensification du dérèglement climatique et sauver leur rentabilité, les réassureurs procèdent tour à tour à une augmentation de leurs tarifs (8). Cette augmentation brutale des prix, ou “conditions de marché favorables” selon leurs termes, est intenable dans la durée: les assureurs ne pourront pas répercuter indéfiniment cette augmentation des prix de réassurance sur leurs contrats d’assurance. Cette situation s’observe déjà aux Etats-Unis où les contrats d’assurance habitation sont devenus inabordables dans plusieurs Etats (9). Certains assureurs vont même jusqu’à refuser de fournir des contrats d’assurance habitation à de nouveaux clients dans les zones à risques (10).
Plutôt que d’augmenter le prix de leurs traités de réassurance pour faire face au dérèglement climatique, les grands réassureurs doivent prendre la première mesure de prévention qui s’impose : exclure de leurs traités de réassurance les risques liés aux contrats d’assurance d’entreprises développant de nouveaux projets fossiles. Un engagement nécessaire pour protéger la société des impacts d’un réchauffement global à plus d’1,5°C et respecter leurs engagements de neutralité carbone d’ici 2050. Un engagement qu’aucun réassureur n’a été en mesure de prendre jusque-là (11).