BNP PARIBAS VA AU CHARBON

En mai 2020, après des années d’hésitation, BNP Paribas a précisé son exigence de retrait progressif pour le secteur du charbon.

Il est trop tôt pour se réjouir.

 

 

Le diable se cache dans les détails et limiter le réchauffement à 1,5°C nécessite l’adoption de dates de sortie du secteur, une tolérance zéro vis-à-vis de toute expansion dans le secteur et une réduction rapide et forte du financement du charbon.

 

 

Parmi les dispositions spécifiques de la politique actualisée figurent l’échéance de 2030 pour le retrait progressif du charbon dans les pays de l’UE et de l’OCDE et l’échéance de 2040 pour les autres pays, ainsi que l’exclusion des développeurs de nouvelles centrales au charbon. Toutefois, la banque ne prend aucune mesure visant à exclure et à sortir des autres pans de l’industrie du charbon, tels que l’extraction et le transport. De plus, manquent aussi aux nouveaux engagements des critères d’exclusion stricts des clients existants fortement exposés au charbon et l’obligation pour les clients restants d’adopter d’ici 2021 un plan détaillé de fermeture de leurs actifs dans le charbon.

BNP Paribas

Toujours à la Traîne

Malgré ses multiples déclarations en faveur du climat et une politique sur les pétrole et gaz non conventionnelle plus ambitieuse que celle des autres banques françaises, BNP Paribas à toujours été à la traîne sur le charbon: elle a été la dernière à adopter une politique sur tout le secteur en 2015, in extremis à quelques jours de l’ouverture de la COP21. Il est certain qu’elle n’aurait pu s’y présenter sans donner des gages de sa bonne volonté à agir sur le charbon, première source d’énergie émettrice de gaz à effet de serre.

Mais il est aussi certain que BNP Paribas le fait à reculons. Ce n’est de nouveau qu’en janvier 2017 que BNP Paribas a annoncé qu’elle ne financerait plus de nouveaux projets de centrales à charbon nulle part dans le monde, des mois après Crédit Agricole et Société Générale. Un peu tard pour la première banque de France qui se dit engagée dans la lutte contre les dérèglements climatiques. Les scientifiques, eux, martelaient déjà en 2013 que toute nouvelle centrale à charbon était incompatible avec l’objectif de 2°C.

C’est de nouveau bien après Crédit Agricole et Société Générale, ses deux principales concurrentes françaises, que BNP Paribas a annoncé en novembre 2019 des dates de sortie du secteur du charbon. 7 mois plus tard, BNP Paribas a pris de nouvelles mesure pour sortir du secteur de la production d’électricité à partir du charbon. Mais on est encore loin du compte et BNP Paribas ne répond toujours pas à l’engagement, pris en juillet 2019, par la place financières de Paris, concernant l’adoption d’ici mi-2020 par tous ses membres – banques, assureurs et investisseurs – d’une politique de sortie du secteur du charbon.

BNP Paribas continue de creuser

En novembre dernier, BNP Paribas annonçait son intention de réduire à zéro son exposition au charbon d’ici 2030 dans les pays de l’UE et d’ici 2040. Si les dates de sortie visées sont à première vue alignées avec la science du climat, il n’en est rien. D’après les recherches de Climate Analytics, fondées sur le dernier rapport du GIEC, les pays européens ne sont pas les seuls à devoir fermer toutes leurs centrales à charbon d’ici 2030. Les autres pays de l’OCDE, parmi lesquels se trouvent les Etats-Unis, l’Australie, le Japon, ou encore le Chili, le doivent également. Plus de 20% de la capacité existante de production d’électricité à partir du charbon s’y trouve. L’oubli de ces pays dans les engagements de BNP Paribas est donc loin d’être anodin pour le climat. BNP Paribas corrige donc le tir en étendant en mai 2020 son engagement de sortir du secteur de la production d’électricité à partir du charbon d’ici 2030 à tous les pays de l’OCDE. BNP Paribas a aussi confirmé l’exclusion de tous services financiers des entreprises qui prévoient de développer de nouvelles centrales à charbon.

Ne sont cependant pas incluses dans ses annonces de mai 2030 des mesures visant à exclure et à sortir des autres pans du secteur du charbon, tels que l’extraction et le transport. Selon BNP Paribas, la banque a effectivement donné la priorité au secteur de la production d’électricité sur le reste de la chaîne de valeur en raison de sa position dominante dans le bilan de la banque. Alors certes, BNP Paribas n’est peut-être pas exposée à de nombreuses sociétés d’extraction de charbon, mais on trouve des sociétés très controversées dans le portefeuille de la banque. Parmi elles, on trouve la société allemande RWE qui entend continuer à produire du lignite jusqu’en 2038, ou Glencore à laquelle la banque a apporté 1,8 milliard de dollars de financement depuis l’adoption de l’accord de Paris, dont 578 millions de dollars en 2019.

Glencore est l’un des plus grands producteurs de charbon au monde. En 2019, Glencore a été applaudi par des investisseurs pour avoir accepté de fixer un plafond de 150 millions de tonnes pour sa production annuelle de charbon. En fait, cela laisse encore beaucoup de place pour une augmentation de sa production, étant donné que celle-ci était en 2018 était de 129 millions de tonnes. Glencore est également impliqué dans de multiples scandales, allant du blanchiment d’argent et de la corruption présumés au Nigeria, au Venezuela et en République démocratique du Congo à des violations des droits de l’homme et du travail en Colombie, en passant par l’expansion d’une mine en Australie où Glencore a déjà accidentellement déversé 63 camions de déchets toxiques près d’une rivière. En 2019, BNP Paribas Asset Management s’est engagé à ne plus investir dans des sociétés produisant plus de 1 % de la production mondiale de charbon. Considérant que Glencore produit deux fois cette quantité, le gestionnaire d’actifs doit avoir exclu Glencore de son portefeuille d’investissement. Mais l’annonce faite par BNP Paribas en mai 2020 n’exclura pas Glencore du portfolio de financement de la banque.

BNP Paribas exclura-t-elle Uniper et Fortum ?

La très bonne nouvelle des dernières annonces de BNP Paribas est l’engagement d’exclure les entreprises qui développent de nouvelles centrales à charbon. L’enjeu est de taille:

– Avec près de 9 milliards de dollars de financements accordés à ces entreprises entre 2017 et septembre 2019,

– Mais BNP Paribas est le 5ème prêteur international à ces entreprises.

 

Parmi ses clients figurent le sud-coréen KEPCO ou les japonais Sumitomo et Marubeni.

Cependant, toutes les doutes sont permis sur une possible exclusion d’Uniper et de sa maison-mère Fortum, à qui la banque a respectivement fournit 214 millions de dollars et 2,9 milliards de dollars de financements entre janvier 2017 et septembre 2019. Uniper qui vient juste de mettre en service une nouvelle centrale à charbon en Allemagne, Datteln IV, et menace de traîner le gouvernement néerlandais devant un Mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États (ISDS) pour contrer la décision nationale de sortir du charbon d’ici 2030.

Le comportement de Uniper menace les objectifs climatiques européens et internationaux et mine la construction d’une Europe solidaire et unie. Mais Fortum qui détient 73,5% des parts de l’entreprise a publiquement soutenu sa nouvelle filiale.

Est-ce que BNP Paribas va simplement attendre que la nouvelle centrale d’Uniper entre en opération pour soutenir que l’entreprise n’est plus un développeur de nouvelle centrale ? Ou est-ce que la banque va faire le bon choix, ne pas tolérer les agissements d’Uniper et Fortum et suspendre tous services financiers en leur direction tant qu’elles n’adoptent pas un plan de fermeture de l’ensemble de leurs actifs charbon aligné avec les dates de 2030 et 2040 ?

BNP Paribas doit sans plus attendre
adopter des critères stricts d’exclusion

Toutefois, c’est sur les financements aux entreprises, qui représentent la majeure partie des services financiers au secteur du charbon que BNP Paribas est encore moins au niveau. Alors que certains acteurs financiers adoptent autant de filtres que nécessaires pour couvrir tous les profils d’entreprises actives dans le secteur du charbon, BNP Paribas n’a même pas adopté le plus commun de tous ces critères, aujourd’hui retenu par plus d’une centaine d’acteurs financiers au niveau international, dont 20 français: l’exclusion des entreprises avec une partie significative de leurs activités dans le charbon.

Par exemple, Natixis exclut de tous services les entreprises qui ont plus de 25% de leurs activités dans le charbon. Crédit Agricole à un critère identique, bien que la banque autorise toujours des soutiens pour les projets verts de ces entreprises. A contrario, BNP Paribas exclut uniquement les nouveaux clients qui tirent plus de 25% de leurs revenus du charbon.

BNP Paribas affirme que la mise en œuvre de cette politique » conduira rapidement à une réduction de moitié environ du nombre d’entreprises produisant de l’électricité à partir de charbon clientes de BNP Paribas », mais rien ne permet d’identifier les entreprises qui seront exclues de celles qui ne le seront pas. Plus particulièrement, l’exclusion des entreprises tirant plus de 25% de leurs revenus du charbon ne s’appliquant qu’aux nouveaux clients, il n’est pas garanti que des clients importants de la banque, comme l’entreprise énergétique allemande RWE, seront exclus malgré leur très forte activité dans le charbon et leur absence d’engagement à en sortir dans les temps impartis pour limiter le réchauffement à 1,5°C. Ces entreprises ne seront pas exclues si « le Groupe [les] estime susceptibles de s’aligner [sur une trajectoire de sortie du charbon compatible avec les objectifs de l’Accord de Paris,]dans les années qui viennent ».

L’heure n’est pas à la devinette. Sortir du charbon dans les temps impartis nécessite de pousser les entreprises à adopter un plan détaillé de sortie du charbon prévoyant la fermeture progressive de leurs infrastructures charbon d’ici 2030 dans les pays européens et de l’OCDE et d’ici 2040 ailleurs

En plus d’exclure immédiatement ses clients qui sont fortement exposés au charbon, BNP Paribas doit clairement et immédiatement appeler les entreprises à publier un plan de sortie détaillé du secteur du charbon, comme l’ont fait AXA, La Banque Postale Asset Management et AG2R La Mondiale. De plus, BNP Paribas doit s’engager à conditionner, à partir de 2021, le renouvellement des services financiers à l’adoption d’un tel plan, couvrant l’intégralité des actifs charbon au niveau international, fondé sur la fermeture et non sur la vente ou reconversion au gaz ou à la biomasse des actis, et aligné avec les dates de sortie de 2030 et 2040. Cela concerne notamment Engie, qui détient toujours 10 centrales à charbon dans le monde entier, dont 4 au Chili.