Ce samedi 30 mai 2020, Uniper a mis en service une nouvelle centrale à charbon, celle de Datteln 4 en Allemagne. Alors que l’Europe doit entièrement sortir du charbon dès 2030 pour avoir une chance de limiter le réchauffement climatique, que plusieurs centrales voient leurs fermetures anticipées pour des raisons économiques comme sanitaires et écologiques, l’installation flambant neuve fait figure d’ovni. La mobilisation citoyenne n’y aura rien fait. Soutenue par sa société mère finlandaise Fortum, qui se présente pourtant comme pionnier des énergies propres, Uniper a prolongé à nouveau la vie de l’énergie fossile la plus polluante et creusé un peu plus le retard allemand. Dans l’ombre, partenaires discrets de cette épopée, se cachent BNP Paribas et… la Banque Centrale Européenne.

De 2017 à 2019, BNP Paribas aurait accordé 215 millions de financement à Uniper et 2.9 Mds à Fortum, de quoi se placer 2ème financeur de l’entreprise finlandaise. Construire une nouvelle centrale à charbon au plein cœur de l’Union européenne ne posait pas de problème à BNP Paribas qui a maintenu ses financements et investissements à l’entreprise sans pour autant l’appeler publiquement via des initiatives collectives d’engagement à adopter un plan de sortie du charbon. Ainsi, BNP Paribas AM ne s’est pas joint à la lettre adressée en mars 2020 à Fortum par 8 investisseurs appelant l’entreprise à renoncer à Datteln IV et à adopter un plan de sortie du charbon d’ici 2030.

Aujourd’hui, la banque déclare ne plus vouloir financer les entreprises qui prévoient de nouvelles centrales à charbon mais aussi ne garder en portefeuille que des entreprises en voie de sortir du charbon d’ici 2030 dans les pays de l’UE/OCDE et d’ici 2040 ailleurs. Uniper qui bloque la sortie du charbon en Europe d’ici ces dates et n’a pris aucun engagement concernant ses centrales en Russie devrait donc en toute logique être exclue.

Plus surprenant au premier abord, la BCE soutient elle aussi financièrement Fortum au travers de son programme de rachats d’actifs ou « quantitative easing ». En effet, la BCE n’intègre pas de critère climatique ni éthique à ses programmes. Elle finance ainsi de nombreuses entreprises des énergies fossiles et est bien loin d’une sortie du charbon. Le fait même qu’Uniper poursuive en justice les Pays Bas pour empêcher une sortie en 2030 n’y fera rien, en l’état la BCE continuera à acheter les titres de sa société mère Fortum.

L’ouverture d’une nouvelle centrale à charbon est une triste nouvelle pour l’Europe. Chacun doit prendre sa part de responsabilité. Pour BNP, enfin satisfaire ses engagements, sortir réellement du charbon et aligner ses opérations sur une trajectoire de réchauffement à 1.5°C, en planifiant la sortie des énergies fossiles. Pour la BCE, rompre avec une pseudo « neutralité » qui conduit à l’incohérence climatique et contribue au financement des plus grands pollueurs.

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