Jeudi 2 juillet 2020, à Paris – Il y a tout juste un an, les fédérations de la Place financière de Paris, en dialogue avec Bruno Le Maire, s’engageaient à ce que leurs membres se dotent d’ici mi 2020 d’une stratégie de sortie du charbon. Meeschaert, Société Générale, BNP Paribas et CNP Assurances ont choisi cet anniversaire pour annoncer de nouvelles mesures encadrant leurs soutiens financiers au secteur. Mais si une dizaine d’acteurs financiers ont tenu leurs promesses, la Place de Paris dans son ensemble échoue, à l’image de Société Générale. Oxfam France, les Amis de la Terre France et Reclaim Finance appellent le gouvernement à sanctionner les acteurs financiers qui ne tiendraient pas leurs engagements volontaires, et surtout à les contraindre à aligner toutes leurs activités avec les objectifs de l’Accord de Paris.

Aujourd’hui marque l’échéance fixée par les fédérations professionnelles des banques, assureurs et gestionnaires d’actifs français pour rendre publique une stratégie de sortie du charbon. Les derniers engagements pris en ce sens sont ceux de BNP Paribas et de CNP Assurances, qui viennent de mettre à jour leurs politiques charbon, après Société Générale hier, et une première politique adoptée par Meeschaert mardi. Les ONG constatent que seule une dizaine d’acteurs financiers ont tenu leurs promesses de se doter d’une stratégie de sortie du charbon alignée avec l’Accord de Paris.

Lucie Pinson, fondatrice et directrice de Reclaim Finance, analyse : « Il faut s’armer de patience et d’une bonne loupe pour séparer le bon grain de l’ivraie dans les politiques adoptées par les acteurs financiers français sur le charbon [1]. Les fédérations professionnelles voudront faire croire qu’il suffit d’avoir une politique charbon ou de fixer des dates de sortie pour tenir les promesses faites l’année dernière, mais le diable est dans les détails. On ne peut que saluer l’énorme progrès fait par BNP Paribas aujourd’hui, mais nous resterons très vigilants dans l’application qui sera faite de la nouvelle politique de la banque, qui nous a trop habitués aux effets d’annonces. Quant à Société Générale, pas besoin d’être Sherlock Holmes : sans aucune demande aux entreprises exposées à moins de 25% au charbon, notamment concernant l’adoption d’un plan de sortie du charbon, la banque reste un des plus mauvais élèves de la Place [2]. »

Pour Lorette Philippot, chargée de campagne finance privée aux Amis de la Terre France : « Comme l’a rappelé Bruno Le Maire à la tribune du Climate Finance Day en novembre dernier, l’alignement des portefeuilles des acteurs financiers avec l’Accord de Paris nécessite des efforts ambitieux de diminution de leurs soutiens aux énergies fossiles [3]. Le gouvernement n’a pourtant à ce stade fixé aucun cap pour garantir un tel retrait, n’a construit aucune digue face à l’afflux constant et même croissant de capitaux privés français vers le pétrole et le gaz. C’est le cas même pour les industries les plus toxiques et à risques comme les hydrocarbures de schiste, auxquels les banques et investisseurs français sont surexposés [4]. Le climat ne peut pas se payer le luxe d’une nouvelle décennie de tergiversation, de lentes progressions et de manque d’ambition de la finance, comme cela a été le cas sur le charbon. »

« S’il y a des avancées du côté des acteurs financiers, cela reste des petits pas face à l’ampleur de l’empreinte carbone des banques [5]. L’autorégulation des acteurs privés n’est pas suffisante pour basculer dans le monde d’après, nous ne pouvons plus nous contenter de vœux pieux. Le Plan de Relance attendu en septembre offre une opportunité unique pour accélérer la transition de nos banques vers un modèle plus durable : des objectifs précis et contraignants de réduction des émissions de gaz à effet de serre, cohérents avec l’Accord de Paris, doivent être fixés dans la loi pour tous les grands acteurs financiers », conclut Alexandre Poidatz, chargé de plaidoyer “finance et transition énergétique” chez Oxfam France.