Aujourd’hui, Reclaim Finance publie le Scan de la Finance Fossile, un nouvel outil qui sert à analyser les politiques pétrole et gaz des acteurs financiers. Le constat est sans appel: une majorité d’acteurs financiers français n’a toujours pas adopté de politiques visant à réduire leur exposition aux secteurs d’activité pétro-gaziers les plus risqués. Il s’agit alors d’un rejet flagrant de l’appel de Bruno Le Maire, lancé en octobre 2020 à la place financière de Paris, à sortir des pétrole et gaz non conventionnels comme les gaz de schiste et les forages en Arctique. Une fois n’est pas coutume, et sans manquer de rappeler au Ministre que l’urgence climatique requiert de réguler et non plus de demander poliment aux banques d’agir, nous lui emboitons le pas et appelons les acteurs financiers à cesser immédiatement leurs soutiens aux entreprises qui développent de nouveaux projets dans les secteurs les plus risqués.

La place de Paris, prête à prendre beaucoup de risques pour prolonger son addiction aux hydrocarbures

Bruno Le Maire, Ministre de l’Economie et des Finances, rêve de faire de Paris la capitale de la finance verte. En octobre 2020, il a appelé les acteurs financiers français à adopter des stratégies de sortie des pétrole et gaz non conventionnels. Or, il règne un silence assourdissant sur la place financière de Paris. Hormis quelques acteurs un brin plus audacieux – spéciale dédicace à OFI AM, CNP Assurances ou Sycomore – les banques, assureurs et investisseurs de la Place sont bien enlisés dans ces secteurs.

Publié avec le soutien des Amis de la Terre France, d’Oxfam France et de 350.org, le Scan de la finance fossile passe au crible les politiques adoptées par 56 banques, assureurs et investisseurs français dans 5 secteurs qui concentrent le plus de risques pour le climat, les populations et la biodiversité et aussi pour les acteurs financiers eux-mêmes : sables bitumineux, gaz de schiste et liquéfié, forages en Arctique et eaux très profondes.

Le bilan est loin d’être fameux: seulement 22 des 56 acteurs financiers français ont adopté une politique visant à restreindre leurs soutiens au secteur des sables bitumineux, un des plus polluants. Seulement 16 acteurs ont une politique sur les hydrocarbures de schistes et 6 sur le Gaz Naturel Liquéfié, deux bombes climatiques en plein boom. 13 seulement ont une politique sur l’Arctique et ils sont seulement 4 à restreindre leurs soutiens aux forages très profonds. Honteusement, parmi les acteurs qui n’ont aucune politique figurent des géants financiers comme Amundi et Lyxor, filiale du groupe Société Générale. Et d’autres poids lourds comme AXA n’ont aucune politique sur les gaz et pétrole de schiste, secteur où se concentre la majorité de la hausse de la production d’hydrocarbures à venir dans les prochaines années.

Tous les acteurs peuvent encore soutenir l’expansion du pétrole et du gaz

Alors que les acteurs français sont nombreux à prendre des engagements en faveur de la neutralité carbone, d’un alignement de leurs portefeuilles avec les objectifs de l’Accord de Paris, tous peuvent encore soutenir les entreprises à l’avant-garde de l’expansion pétrolière et gazière dans les 5 secteurs les plus risqués. Alors que les signaux climatiques sont au rouge, les 3 plus grosses banques françaises ont des politiques en gruyère qui laissent passer assez de transactions au secteur pétro-gazier pour faire du secteur bancaire français le 4ème à financer le plus les énergies fossiles en 2020.

En effet, lorsque les politiques existent, elles sont malheureusement trop lacunaires pour permettre de réellement réduire les soutiens des acteurs financiers au pétrole et au gaz non conventionnels. La raison ? Elles font toutes l’impasse sur les majors pétrolières et gazières. C’est comme ça que le Crédit Agricole, malgré sa politique d’exclusion sur l’Arctique, compte parmi les 10 premiers financeurs de projets en Arctique, puisqu’il est aussi premier financeur de Total. C’est aussi pour ça que BNP Paribas a pu massivement augmenter ses soutiens aux pétrole et gaz de schiste malgré l’adoption d’une politique sur le secteur en 2017. Ironie du sort: la banque est celle qui est allée le plus loin sur les secteurs les plus risqués ; mais selon le rapport Banking on Climate Chaos 2021, c’est même la banque au monde qui a le plus augmenté ses soutiens aux gaz de schiste en 2020 et BNP est ainsi devenu le 1er financeur européen de l’expansion des énergies fossiles dans le monde.

D’ici la COP 26, les acteurs financiers français doivent revoir leur copie

Dans quelques mois se tiendra à Glasgow la conférence internationale la plus importante sur le climat depuis la COP21. A l’occasion de la publication du Scan de la Finance Fossile, Reclaim Finance a adressé un courrier pour lancer l’alerte auprès des acteurs financiers français et leur demander d’annoncer d’ici la COP 26 la fin immédiate de tous soutiens à des entreprises qui développent de nouveaux projets dans les sables bitumineux, les gaz de schiste et liquéfiés, forages en Arctique et en eaux profondes. Alors que la crise climatique s’aggrave sans cesse, il est temps que la finance mette un terme à sa relation toxique avec les énergies fossiles.