Société Générale vient de s’engager à ne plus soutenir directement les projets de production et d’exportation de GNL en Amérique du Nord, ainsi qu’une partie des entreprises actives dans l’extraction des gaz de schiste. Bienvenue, cette annonce reste toutefois très insuffisante et en décalage avec les messages du scénario net zero publié aujourd’hui par l’AIE. Alors que la banque s’est engagée à atteindre la neutralité carbone, Société Générale ne se désengage toujours pas des deux bombes climatiques que sont les terminaux de Rio Grande LNG et Driftwood LNG. Quant à son engagement sur les entreprises, il est certain que les entreprises principalement actives dans le développement des pipelines et des terminaux de GNL en Amérique du Nord ne seront pas exclues et l’absence de précisions de la banque laisse entrevoir un maintien des soutiens aux principaux développeurs du secteur.

Société Générale reconnaît son addiction au gaz de schiste

Dans ses réponses aux questions écrites des Amis de la Terre et Reclaim Finance, Société Générale annonce enfin qu’elle ne “fournira plus de produits ou services financiers à toute entreprise tirant plus d’un seuil de ses revenus d’activités d’extraction de gaz et pétrole de schiste. Après finalisation des projets pour lesquels Société Générale est actuellement mandatée, le Groupe va cesser de fournir des produits et services dédiés aux nouveaux projets (greenfield) de production ou d’exportation de LNG (gaz naturel liquéfié) en Amérique du Nord”.

Il faut saluer dans les annonces d’aujourd’hui la reconnaissance par Société Générale de son addiction au gaz de schiste, condition ultime à un éventuel traitement du problème. Le problème est sérieux : Société Générale est la 7ème banque au monde la plus impliquée dans les gaz de schiste et le GNL.

  • Entre 2016 et 2020, elle a soutenu à hauteur de 12 milliards de dollars les 30 entreprises qui prévoient d’exploiter le plus le gaz de schiste et le GNL d’ici à 2050.
  • La banque est un soutien clé pour les nouveaux projets d’infrastructures liées à l’expansion des hydrocarbures de schiste : oléoducs, gazoducs, terminaux méthaniers qui visent à permettre la croissance de la production en amont et son acheminement aux quatre coins du monde.

Tous ces projets participent à l’expansion d’un secteur qui représente une bombe climatique. D’ici 2025, l’Amérique du Nord, essentiellement les Etats-Unis en raison de leurs réserves de schiste, accueillera 85% de la croissance de la production mondiale. Si la tendance se prolonge jusqu’en 2050, elle consommerait 27 à 31% du budget carbone qu’il nous reste pour limiter le réchauffement planétaire à 1.5°C.pour produire de l’électricité.

Mais attaque à peine sa cure

Société Générale rejoint les autres banques françaises qui ont également renoncé à accorder de nouveaux produits ou services financiers dédiés à l’extraction de pétrole et gaz de schiste. Elle annonce également exclure les entreprises tirant plus d’un seuil donné de ses revenus d’activités d’extraction de gaz et pétrole de schistes terrestres. Seulement, il manque un mot clé dans cette phrase: à partir de quel seuil de revenus liés au gaz de schiste les entreprises ne seront plus financées ou soutenues? Nous encourageons Société Générale à exclure de tous services financiers les entreprises qui détiennent plus de 15 % de leurs réserves dans les pétrole et gaz non-conventionnels, ou qui tirent plus de 10 % de leurs revenus de ces secteurs.

Mais il faudra également compléter son approche, étendre cet engagement à toutes les entreprises qui transforment, transportent ou exportent ces hydrocarbures et surtout mettre au ban celles qui continuent d’investir dans le secteur, quel que soit leur seuil d’exposition. Shell, qui est un des plus gros développeurs dans le secteur, pourra passer à la trappe avec une exclusion fondée sur un seul seuil d’exposition. Tant qu’elle n’exclut pas explicitement les soutiens aux entreprises développant de nouveaux projets, Société Générale ne freine pas l’essor des gaz de schiste.

Et ne renonce pas à son shoot de GNL

 

Société Générale annonce enfin renoncer à financer de nouveaux terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié aux Etats-Unis. A priori, Société Générale fait avec cette annonce mieux que Crédit Agricole et Natixis mais moins bien que BNP Paribas et Crédit Mutuel. En effet, la banque ne renonce pas à financer Rio Grande LNG et Driftwood LNG, deux projets dans lesquels elle est impliquée via un mandat de conseil. Société Générale ne répond donc pas à l’urgence climatique qui ordonne impérieusement l’arrêt dans le développement de ces projets.

Par ailleurs, loin de s’aligner sur BNP Paribas qui a renoncé à tout soutien direct à des projets nouveaux ou existants de terminaux de GNL et aux entreprises significativement actives dans ce secteur, Société Générale se garde la possibilité de soutenir les projets existants et les entreprises actives dans l’opération et le développement de tels projets.

Etant donné le contexte énergétique actuel et les récentes annonces de Biden, l’expansion du secteur pourrait désormais venir non plus de la construction de nouveaux terminaux d’exportation de gaz naturel liquéfié mais uniquement de l’extension des terminaux existants, dont le financement n’est pas couvert par les annonces de Société Générale.

En conclusion, le caractère timoré des annonces de Société Générale tranche avec le mot d’ordre limpide lancé par l’AIE dans son scénario net zero publié aujourd’hui. Les conclusions de l’AIE soulignent sans détours que Société Générale ne pourra respecter son engagement d’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050 sans arrêter ses soutiens au développement de nouveaux projets de production pétrolière et gazière. Il est urgent que la banque revoit sa feuille de route pour ne pas décrédibiliser une nouvelle fois ses engagements climatiques.

Pour aller plus loin :