Les vilains secrets de Natixis IM, deuxième gestionnaire d’actifs français

Natixis IM, pôle d’investissement du groupe Natixis et filiale du groupe BPCE (1), est un mastodonte de la finance française. Avec plus de 1000 milliards d’euros d’actifs sous gestion (2), c’est-à-dire géré pour ses clients, Natixis IM indique sur son site internet se consacrer “au développement de la finance durable”. Mais il y a un hic : son modèle, composé d’une vingtaine d’affiliés, n’a pas d’approche cohérente en matière d’action climatique. Si certains de ses affiliés sont de plutôt bons élèves (comme Ostrum ou Mirova), d’autres investissent encore inconditionnellement dans le charbon (comme Loomis Sayles). Reclaim Finance appelle Natixis IM à prendre ses responsabilités, notamment en respectant enfin l’engagement pris en 2019 par la place financière de Paris de sortir du charbon.

Natixis IM est la holding d’investissement de 19 affiliés, des gestionnaires d’actifs présents dans différentes régions du monde. Ses affiliés les plus gros sont le français Ostrum AM, qui représente environ 35% des actifs sous gestion de Natixis IM, et l’américain Loomis Sayles, avec environ 30% des actifs.

Natixis IM est le deuxième plus gros gestionnaire d’actifs français :

Natixis IM est un des plus gros investisseurs européens dans l’expansion fossile

Les recherches de Reclaim Finance montrent que Natixis IM (NIM) détenait en janvier 2023 7,3 milliards de dollars, en actions et obligations, dans les principaux développeurs d’énergies fossiles (3) y compris dans des entreprises développant encore de nouveaux projets liés au charbon. La place financière de Paris s’est pourtant engagée en 2019 à sortir du secteur, suite à la demande expresse de Bruno Le Maire (4).

Ces investissements ne proviennent pas à part égales de tous les affiliés de NIM. Certains, comme Ostrum AM ou Mirova ont des pratiques qui les classent parmi les bons élèves en matière climatique, mais tous les affiliés de NIM n’ont pas adopté de politiques sécurisant l’arrêt des investissements dans l’expansion des énergies fossiles. C’est notamment le cas de Loomis Sayles ou de Ossiam qui n’ont toujours pas adopté la moindre politique dans l’industrie fossile, ne serait-ce que pour restreindre leurs soutiens au secteur du charbon. Cette absence de mesures se reflète dans leurs investissements.

Loomis Sayles représente ainsi à lui seul 93% des investissements en obligations de NIM dans les principaux développeurs d’énergies fossiles. C’est à travers ce type d’investissements que les entreprises trouvent une source d’argent frais, nécessaire au développement de leurs activités. Les entreprises peuvent en effet lever de l’argent soit auprès des banques directement ou soit auprès des investisseurs en émettant des obligations. Le gestionnaire américain détient notamment des montants importants dans les obligations de Glencore et Adani côté charbon, et Continental Resources, EQT Corporation et Occidental Petroleum Corporation côté pétrole et gaz.

Loomis Sayles : le vilain petit canard ?

Dans une vidéo marketing publiée par NIM en juin 2023 (5), Loomis Sayles dépeint sa vision de l’ESG et explique mettre l’accent sur l’engagement, soit le dialogue avec les entreprises, selon les objectifs de ses clients. Selon notre analyse récente, leurs politiques ne montrent aucun signe d’une politique d’engagement sérieuse pour l’un des secteurs les plus prioritaires dans la lutte contre le changement climatique, les énergies fossiles. Par ailleurs, Loomis Sayles ne met toujours aucune condition à ses nouveaux investissements dans les entreprises responsables de l’expansion fossile et n’a pas de politique de sortie du charbon. Il reste ainsi l’un des principaux investisseurs dans les obligations du conglomérat Adani, au cœur d’un scandale de fraude et l’un des plus gros développeurs de nouvelles mines et centrales à charbon.

Interrogé sur ces investissements sans conditions effectués dans les énergies fossiles, Natixis IM indique que ses affiliés font des choix de gestion indépendants et ont donc chacun leurs propres politiques.

Natixis IM doit prendre ses responsabilités

Natixis IM ne souhaitant pas adopter de politiques climatiques s’appliquant à l’ensemble de ses affiliés, chacune des 19 boutiques peut ainsi décider, ou non, d’agir pour le climat.

Cette absence d’uniformisation des politiques sectorielles explique la mauvaise note donnée à NIM et son affilié Loomis Sayles dans le classement 2023 des gestionnaires d’actifs de Reclaim Finance (6). L’approche défendue par NIM, de la totale indépendance de ses affiliés, est ambiguë. Si NIM indique n’être qu’une simple holding, de nombreux contenus marketing et initiatives commerciales mettent en avant NIM et ses affiliés comme un collectif travaillant ensemble, notamment sur des enjeux de durabilité (7). Le site de BPCE (8) indique ainsi “en tant que gestionnaires d’actifs, Natixis Investment Managers et ses affiliés font entendre leur voix à travers un engagement individuel et collectif, l’adoption de politiques actives de vote et la participation à des initiatives sectorielles clés pour faire progresser l’investissement responsable.” Il est également mis en avant que 37% des actifs sous gestion de NIM sont investis dans des “stratégies de développement durable”, laissant entendre qu’une stratégie commune a bien été définie en ce qui concerne la durabilité des investissements.

CHARBON : Notre analyse des mesures prises par NIM et ses principaux affiliés dans le Coal Policy Tool.

PETROLE ET GAZ : Notre analyse des mesures prises par NIM et ses principaux affiliés dans l’Oil & Gas Policy Tracker

D’un côté, Ostrum AM a une politique robuste sur le charbon et une politique moyenne sur le pétrole et le gaz (9). De l’autre côté, Loomis Sayles n’a toujours pas de mesures en place pour restreindre ses soutiens au secteur fossile. 

Nous appelons Natixis IM et son groupe BPCE à reconnaître leur responsabilité vis-à -vis de leurs affiliés. En priorité, il leur faudra s’assurer que leur affilié Loomis Sayles adopte une politique de sortie du charbon et qu’une feuille de route commune assure plus de cohérence en matière d’action climatique parmi les 19 affiliés.

Notes :

  1. Voir le schéma p.4 et la note 8 du rapport annuel de Natixis.
  2. 1 079 milliards d’euros sous gestion au 31 décembre 2022 (source).
  3. Dans notre rapport intitulé “Who’s managing your future? An assessment of asset managers’ climate action”, les principaux développeurs d’énergies fossiles sont définis comme suit : 590 entreprises étant soit des développeurs de charbon, soit dans le top 100 des développeurs upstream de pétrole et de gaz, d’après la Global Coal Exit List (GCEL) et de la Global Oil and Gas Exit List (GOGEL).
  4. Voir notre bilan des engagements des acteurs de la place de Paris sur le charbon.
  5. Cette vidéo est à retrouver ici.
  6. Voir notre rapport intitulé “Who’s managing your future? An assessment of asset managers’ climate action”.
  7. Par exemple en sponsorisant des contenus auprès du média Responsible Investor, comme ici.
  8. https://groupebpce.com/en/our-firms/natixis-investment-managers
  9. Voir notre analyse complète des politiques d’Ostrum AM sur le Coal Policy Tool et l’Oil and Gas Policy Tracker. A noter : Ostrum AM a récemment racheté Seeyond et devra clarifier comment ses politiques s’appliqueront à Seeyond.

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2023-09-29T10:34:39+02:00