Alors qu’ArcelorMittal soigne sa communication autour de la fabrication de la flamme olympique en acier bas carbone, la réalité est tout autre : l’entreprise continue de développer de nouveaux hauts fourneaux, qui consomment du charbon métallurgique, en misant sur des technologies non viables. Les banques qui soutiennent l’entreprise ne peuvent plus faire l’autruche face au greenwashing d’ArcelorMittal. Elles doivent adopter des politiques sectorielles robustes pour accompagner la décarbonation du secteur de l’acier.
BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, et BPCE ont apporté près de
milliards à ArcelorMittal.
Entièrement faite en acier recyclé, comme le rappelle son fabriquant ArcelorMittal, le deuxième plus grand aciériste mondial, la flamme olympique arrive en France demain, ce mercredi 8 mai, pour débuter son parcours final avant le coup d’envoi des Jeux olympiques et paralympiques (1). L’entreprise partenaire des Jeux de Paris 2024 profite de cette opportunité médiatique pour déployer une opération de communication d’envergure, n’hésitant pas à mettre en avant son savoir– faire et son exemplarité environnementale (2).
Pourtant, ArcelorMittal est bien éloignée de l’image d’entreprise exemplaire qu’elle dépeint. L’aciériste est en effet associé à un historique de violation des droits humains, de pollution de l’air et de non-respect des normes environnementales (3), d’accidents mortels (4), le tout accompagné d’un plan climat incomplet et insuffisant. Malgré cela, l’entreprise bénéficie d’un soutien massif des grandes banques françaises, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, et BPCE, qui lui ont apporté près de 13 milliards US$ (soit près de 12 milliards d’euros) entre 2016 et juin 2023 (5).
De l’acier recyclé pour la flamme olympique, du charbon pour le reste
Bien que la flamme olympique soit fabriquée en France en acier recyclé (7), et donc relativement bas carbone (8), cela constitue plutôt une exception par rapport à l’ensemble de la production d’ArcelorMittal. L’aciériste a notamment une intensité carbone plus élevée que la moyenne de l’industrie (9), et utilise du charbon pour 71% de sa production.
A l’échelle mondiale, la stratégie climatique d’ArcelorMittal diffère considérablement de la ligne de communication de leur campagne pour les Jeux de Paris 2024 (10). L’entreprise adopte une décarbonation à deux vitesses, privilégiant l’hydrogène vert en Europe tout en continuant de construire des hauts fourneaux au charbon ailleurs (11). Pour ce faire, l’aciériste compte extensivement sur la capture, l’utilisation et la séquestration du carbone (CCUS), bien que cette technologie ait un long historique d’échec et que plusieurs études montrent qu’elle sera sûrement abandonnée pour la décarbonation de l’acier, comme elle l’a été dans le secteur de l’énergie (12). Les plans d’ArcelorMittal de recourir cette technologie pour continuer à utiliser du charbon ont déjà été questionnés par les investisseurs (13).
De plus, à rebours des demandes des investisseurs (14), l’entreprise vient de déclarer qu’elle n’adopterait pas de cibles de décarbonation basées sur la méthodologie de la Science Based Target Initiative (15). ArcelorMittal envoie ainsi le signal de ne pas vouloir faire certifier ses cibles de décarbonation par ce standard qu’il a aidé à élaborer (16).
Les banques françaises doivent agir maintenant pour décarboner l’acier
Les banques françaises, BNP Paribas, Crédit Agricole, Société Générale, et BPCE, sont des soutiens majeurs d’ArcelorMittal.
Financement des banques françaises à ArcelorMittal entre 2016 et juin 2023*
Banque | Montant, en millions de US$ |
---|---|
Crédit Agricole | 4 244 |
BNP Paribas | 3 818 |
Société générale | 3 672 |
BPCE | 1 021 |
* Données issues de la recherche financière réalisée dans le cadre du rapport : Reclaim Finance, Steeling our future: The banks propping up coal-based steel, Mars 2024
Alors que les acteurs financiers ont jusque-là concentré leurs efforts climatiques sur le secteur de l’énergie, il est maintenant urgent de s’attaquer simultanément au secteur de l’acier. En effet, grâce aux avancées technologiques, notamment en ce qui concerne l’hydrogène vert, le secteur peut être débarrassé du charbon dès le début des années 2040 (17). Pour y parvenir, les décisions prises dans les six prochaines années seront décisives (18).
A ce jour, mis à part des cibles de décarbonation, insuffisantes et inadaptées pour mettre fin à l’expansion des projets d’acier à base de charbon, aucune banque française n’a adopté d’engagements sur le secteur de l’acier. Il est urgent que les banques françaises adoptent des politiques sectorielles pour restreindre les financements directs et indirects aux nouveaux hauts fourneaux, à leur extension, et à la prolongation de leur durée de vie.
Décarboner le secteur l’acier implique également d’arrêter l’expansion du charbon métallurgique, dont les sources actuelles sont suffisantes pour satisfaire la demande jusqu’en 2050 d’après l’AIE (19). Alors que BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale ont toutes fait un pas dans cette direction, en étendant leur politique charbon thermique au charbon métallurgique au niveau des projets, le groupe BPCE, pourtant partenaire premium des Jeux de Paris 2024 (20), n’a toujours pas d’engagement concernant le charbon métallurgique.
Aucune de ces banques n’a d’ailleurs adopté d’engagements restreignant leurs financements aux entreprises qui développent de nouveau projets de charbon métallurgique. Ces dernières financent pourtant majoritairement leurs opérations à travers des financements au niveau de l’entreprise, et non pas à l’aide de financements fléchés. Par exemple, entre 2016 et 2023, BPCE a accordé 1,6 milliards US$ à Glencore, qui développe du charbon métallurgique, notamment à travers l’acquisition d’une partie des activités de Teck Resources (21). En ayant seulement des politiques au niveau des projets, et non des entreprises, BNP Paribas, Crédit Agricole et Société Générale peuvent ainsi continuer de financer des développeurs de charbon métallurgique comme Glencore, mais aussi BHP, qui pourrait prochainement continuer d’augmenter sa capacité de production de charbon métallurgique (22).
Face au greenwashing d’ArcelorMittal, Reclaim Finance appelle les banques françaises à adopter des engagements solides en faveur de la décarbonation de l’acier. Cela implique l’adoption de politiques sectorielles pour restreindre les financements aux nouveaux hauts fourneaux, à leur expansion, et à la prolongation de leur durée de vie. BNP Paribas, Crédit Agricole, et Société Générale doivent également se montrer plus ambitieuses sur le charbon métallurgique en restreignant les financements aux entreprises qui développent de nouveaux projets. Quant au partenaire premium des jeux, BPCE, il serait grand temps d’entrer dans la course.