Ostrum Asset Management, un des gestionnaires d’actifs du groupe Natixis, a récemment mis en ligne sa nouvelle politique charbon. Celle-ci s’appuie sur les recommandations des ONG ainsi que du rapport ACPR et AMF et s’aligne sur les meilleures pratiques de la place. Ostrum devient ainsi le 18ème acteur financier français à adopter une politique robuste de sortie du secteur. Reclaim Finance appelle les autres affiliés de Natixis Investment Manager, comme DNCA, Loomis et Ossiam, ainsi que la banque Natixis et Natixis Assurances à faire preuve de la même ambition.

1. Ce qui est nouveau

Ostrum va plus loin que la politique annoncée par le groupe Natixis en octobre 2020 et la prolonge en ajoutant les éléments suivants:

  1. une exclusion des entreprises qui prévoient le développement de nouvelles infrastructures de charbon ;
  2. un désinvestissement des entreprises qui développent de nouveaux projets charbon et qui tirent plus de 25% de leurs revenus du charbon dès cette année et non en 2022 ;
  3. un désinvestissement des entreprises qui produisent plus de 20MT de charbon par an ou opèrent plus de 10GW de capacité de production d’électricité à partir du charbon ;
  4. un engagement à ne plus investir au 1er janvier 2022 dans les entreprises qui n’auront pas d’ici là adopter de plan crédible de sortie du charbon, aligné avec les objectifs finaux de sortie totale du secteur d’ici 2030 dans les pays de l’OCDE et d’ici 2040 ailleurs.
  5. concernant l’application, Ostrum s’engage à appliquer la politique aux fonds ouverts et à travailler à une application progressive de la politique aux fonds dédiés ou sous mandat.

En plus de ces exclusions immédiates, Ostrum AM s’engage à réduire ces seuils dans le temps pour tendre vers une exposition nulle des portefeuilles d’investissement au charbon thermique au plus tard d’ici 2030 dans les pays de l’Union européenne et de l’OCDE et d’ici 2040 dans le reste du monde.

2. Notre analyse

Ostrum complète les mesures annoncées en octobre 2020 d’éléments essentiels à une bonne politique de sortie du secteur du charbon. Tout d’abord, l’exclusion immédiate et non repoussée de toutes les entreprises qui prévoient de nouveaux projets dans le charbon est une mesure indispensable à tout acteur financier désireux d’aligner ses pratiques avec la science climatique.

Ostrum agit donc en reconnaissance de l’incompatibilité de tout nouveau projet charbon avec le budget carbone disponible et annonce aussi son engagement à réduire à nulle son exposition au charbon d’ici des dates alignées avec l’objectif de 1,5°C.

De plus, Ostrum prend note des recommandations de l’ACPR et de l’AMF en précisant la base de données qu’il utilisera pour guider l’application des mesures prises, à savoir la Global Coal Exit List – un gage de qualité – et adopte des critères d’exclusion fondés sur l’exposition absolue des entreprises au charbon. Ainsi, le seuil d’exclusion de 25% est complété d’une exclusion des plus gros producteurs de charbon ou d’électricité à partir de charbon.

Les entreprises au-dessus de 20MT et 10GW seront désinvesties dans les 6 mois.

A noter que si Ostrum annonce qu’il révisera ces seuils fin 2021, ceux appliqués pour l’instantsont supérieurs à ceux retenus par la GCEL 2020.

La métrique utilisée pour l’exclusion des entreprises tirant plus de 25% de leurs revenus de la production d’électricité à partir de charbon reste toutefois problématique et moins pertinente que la part de la production d’électricité à partir de charbon, plus révélatrice de l’impact climatique réel de l’entreprise.

Autre point très positif, Ostrum s’engage à pousser les entreprises actives dans le secteur du charbon et restantes en portefeuille à se mettre en action dès maintenant pour prévoir et anticiper les besoins relatifs à leur sortie du secteur. Si les mesures à trouver dans les plans de sortie gagneraient à être précisées, Ostrum déclare vouloir s’assurer de leur crédibilité et alignement avec les objectifs climatiques et fixe une deadline claire: fin 2021. Les entreprises qui manqueront de produire ces plans de sortie ne pourront plus bénéficier de nouveaux investissements au-delà du 1er janvier 2022.

Enfin, si cette nouvelle politique s’appliquera rapidement à l’ensemble des fonds ouverts gérés par Ostrum, et sera appliquée par défaut aux nouveaux fonds dédiés et mandats, l’enjeu réside surtout dans l’application aux fonds dédiés et aux mandats existants. Ces derniers représentent environ 85% des actifs sous gestion. Ostrum s’engage à approcher progressivement ses clients afin de leur proposer la politique mais ne précise ni le calendrier ni si les contrats avec des clients réfractaires à toute exclusion charbon seront renouvelés. La politique ne s’applique pas à la gestion indicielle, mais les actifs gérés ainsi ne représentent qu’une très faible part du total des actifs.

Scores d’Ostrum AM dans le Coal Policy Tool

Ce tableau présente les scores de la politique charbon d’Ostrum AM sur 5 critères du Coal Policy Tool

3. Notre Conclusion

Ostrum adopte la politique attendue en octobre de Natixis, à savoir une politique en cohérence avec l’urgence climatique et avec le leadership dont avait fait preuve Natixis en 2015 sur le charbon avant d’être dépassé par ses pairs. Reclaim Finance appelle les autres affiliés de Natixis Investment Manager, comme DNCA, Loomis et Ossiam, ainsi que la banque Natixis et Natixis Assurances à faire preuve de la même ambition.

La liste des acteurs financiers français avec une politique charbon très lacunaire s’amenuise, et les yeux se tournent vers Covéa ou ODDO BHF qui restent à la traîne dans le domaine. Il est enfin important de rappeler que le charbon n’est que la première étape d’une stratégie climatique réussie, et que Ostrum AM doit s’atteler dès maintenant à l’élaboration d’une bonne politique sectorielle sur le pétrole et le gaz.

Pour aller plus loin :