Votre réaction à l’AG d’AXA.

AXA s’est engagé à plusieurs reprises à atteindre la neutralité carbone et aligner ses services financiers avec une trajectoire 1,5°C. Le géant français de l’assurance est connu pour ses annonces sur le climat. Celles-ci agacent ces compétiteurs qui y voient des simples coups de communication mais elles méritent aussi d’être reconnues pour leur ambition et parfois même, leur audace. Sauf que le leadership d’AXA semble être tombé en panne. Nous faisons le point sur le sujet alors que l’assureur tient son Assemblée générale ce jeudi 29 avril.

L’enjeu: sortir de TOUTES les énergies fossiles

AXA a su montrer l’exemple en adoptant une politique de sortie progressive mais totale du charbon à horizon 2030. Malheureusement, s’engager à sortir du charbon ne suffit pas à rester en deçà du seuil critique et à ne pas dépasser d’1,5°C. C’est sur toutes les énergies fossiles qu’il faut agir, pétrole et gaz compris. Il faut non seulement cesser toute velléité d’expansion mais également réduire la production : de -4% par an pour le pétrole et de -3% par an pour le gaz entre 2020 et 2030 selon le UNEP Production Gap report.

Or, actuellement, la politique d’AXA pour réduire son exposition au pétrole et au gaz est plus que minimaliste : elle ne couvre que les sous-secteurs non-conventionnels de l’Arctique et des sables bitumineux. AXA continue d’assurer et d’investir dans l’expansion des énergies fossiles et l’aggravation de la catastrophe climatique.

Une politique d’exclusion qui n’exclut pas grand-chose, même en Arctique

AXA fut un des premiers assureurs à s’engager à ne plus assurer de nouveaux projets de production et de transport des sables bitumineux et à ne plus soutenir les entreprises les plus exposées du secteur. Malheureusement, les seuils retenus restent bien trop hauts pour répondre aux urgences sociales, environnementales et climatiques liées au secteur et sont très loin des meilleures pratiques comme Generali, par exemple, qui n’investit plus dans les entreprises avec plus 5% d’activités dans les sables bitumineux .

La situation est pire sur l’Arctique. La politique se limite à ne plus fournir de couverture d’assurance aux projets d’exploration et d’extraction pétroliers et gaziers mais uniquement pour les entreprises qui concentrent plus de 30% de leurs activités dans les forages en Arctique. Cela exonère donc les majors pétrolières et gazières dont les projets dans la région, même nombreux, représentent une part relativement inférieure à 30% de leur activité globale. En prime, cela ne concerne que les couvertures d’assurance et a priori, ne s’applique pas aux investissements d’AXA. Cela veut dire que même s’il ne peut plus assurer certains projets, AXA peut quoiqu’il arrive continuer à investir dans les entreprises qui développent des projets en Arctique : Total par exemple, malgré ses 5 projets en développement mais pas seulement. Selon nos estimations, AXA est encore investi à hauteur de 313 millions de dollar dans les 30 entreprises les plus actives dans les forages en Arctique au monde.

En outre, la région Arctique concernée par la politique de restriction d’AXA ne recouvre qu’une partie des projets recensés dans la zone Arctique telle que définie par l’AMAP (l’Arctic Monitoring and Assessment Programme). Nous invitons AXA à adopter la définition de l’AMAP car elle couvre un périmètre plus large, dont la zone de glaces marginales qui abrite des écosystèmes précieux et très fragiles. Cela serait un signe de cohérence avec ces ambitions en tant que défenseur du climat, de la biodiversité et de l’Arctique.

Le pétrole et le gaz de schiste : le péché mignon d’AXA ?

Enfin, cette politique d’exclusion ne concerne pas tous les secteurs non-conventionnels desquels Bruno Le Maire a appelé la place financière de Paris à sortir au plus vite. AXA reste, par exemple, très investi sur les pétroles et gaz de schiste. En 2020, notre enquête révélait que AXA fait partie du top 10 des investisseurs européens dans ce secteur. Dans son portefeuille d’investissement figuraient les entreprises prévoyant la plus forte production de gaz et de pétrole de schiste d’ici 2050 à partir de puits aujourd’hui non ouverts. Au total, en 2020, selon nos calculs, AXA comptabilisait encore 2,3 milliards de dollars d’investissements et d’obligations dans les 100 entreprises les plus exposées au pétrole et gaz de schiste dans le monde. AXA devrait suivre l’exemple de BNP Paribas et à ne plus accorder de couvertures d’assurances à de nouveaux projets dans le secteur du pétrole et du gaz de schiste et sur toute la chaîne de valeur (intégrant donc les terminaux d’exportation nord-américains qui permettent d’acheminer les gaz de schiste).

La priorité d’ici la COP26 : « no new (unconventional) oil and gas »

Si AXA veut renouer avec son leadership passé et montrer l’exemple à la COP 26, le groupe doit adopter une politique détaillée pour progressivement sortir le pétrole et le gaz et de sa politique d’assureur et de ses portefeuilles d’investissement d’ici 2040 dans l’OCDE et 2050 dans le reste du monde. Il est évident que la sortie ne se fera pas du jour au lendemain mais il faut la planifier dès cette année et l’assortir de premiers engagements applicables immédiatement pour cesser l’expansion dans ces secteurs : par exemple, cesser les soutiens à l’exploration et l’ouverture de nouvelles réserves d’énergies fossiles, en particulier pour les secteurs dits « non conventionnels ». AXA doit par ailleurs conditionner ses nouveaux investissements et couvertures d’assurance à l’arrêt par ses clients du développement de nouveaux projets, à commencer par les projets dans les secteurs du pétrole et gaz de schiste, des sables bitumineux, l’extraction en Arctique ou en eau très profonde, ou encore, dans le secteur du gaz naturel liquéfié (GNL).

En 2015 puis en 2017, AXA a su se saisir des opportunités politiques et annoncer à deux reprises des politiques qui ont fait référence, en amont de la COP21 puis lors du One Planet Summit. Alors que la COP 26 arrive, AXA doit se souvenir des mots de son ancien PDG Henri de Castries lors de la COP21 : « un monde à 4°C n’est pas assurable ». Il y a urgence. Les entreprises des énergies fossiles prévoient une hausse de leur production d’hydrocarbures, à l’instar de Total dont les prévisions indiquent une croissance de 50% entre 2015 et 2030, alors qu’il nous faudrait organiser la baisse et sortie progressive du pétrole et du gaz. En 2017, le PDG actuel Thomas Buberl affirmait « no new coal ».

D’ici la COP 26, il est temps de dire « no new unconventional oil and gas ». Et sans plus attendre, AXA doit s’engager à voter contre les stratégies climaticides des entreprises Shell et Total et contre le renouvellement des directions de toutes les majors pétrolières et gazières.