Journée noire pour la crise climatique et la finance verte. Ce matin, lors de l’assemblée générale de Total, une large majorité des actionnaires a voté pour la stratégie climaticide de la major pétrolière et gazière. Ce soutien massif en faveur d’un plan qui permet à Total d’accroître sa production d’hydrocarbures, à rebours des recommandations de la science et de l’AIE, est indéfendable. Surtout lorsque parmi les soutiens au plan climaticide de Total, on retrouve des investisseurs comme AXA, BNP Paribas, Amundi qui mettent (trop) souvent en avant leurs engagements pour le climat et la finance verte. Si plusieurs investisseurs ont eu le courage de tenir tête à Total, l’histoire se souviendra surtout des actionnaires qui continuent de faire l’autruche face à l’urgence climatique.

Une journée noire pour le climat

On s’y préparait. Les actionnaires sont encore trop peu nombreux à voter à l’aune de l’urgence climatique. La semaine dernière, les actionnaires de Shell votaient à plus de 88% en faveur du plan “climat” de la major malgré ses insuffisances criantes. Insuffisances reconnues par la justice puisque Shell a dans la foulée a été condamné par la justice à réduire ses émissions de 45% d’ici 2030.

Rebelote à l’Assemblée Générale de Total ce matin. Plus de 90% des actionnaires qui se sont exprimés ont voté en faveur du plan climat(icide) de Total. Un soutien massif qui montre qu’un changement de nom, une étiquette climat et un bon pot de peinture verte suffisent encore à faire adhérer les actionnaires.

TotalEnergies ou TotalEnergiesSales? 

Pourtant, le plan de Total est assez clair et pendant l’Assemblée Générale, Patrick Pouyanné n’a même pas cherché à convaincre ses actionnaires que son plan était compatible avec le tout dernier scénario de l’Agence Internationale de l’Energie qu’il a jugé, d’emblée, “radical”. L’AIE, c’est pourtant la référence n°1 du PDG de Total depuis des années. Mais là, l’AIE, qui a pour la première fois publié un scénario permettant de répondre aux objectifs climatiques internationaux, arrive à une conclusion qui qui déplait à Total: on n’atteindra pas la neutralité carbone d’ici 2050 si on n’arrête pas dès maintenant d’investir dans de nouveaux projets pétroliers et gaziers. Dommage, Total a prévu tout l’inverse:

  • En 2030, 80% des capex de la major seront encore investis dans les hydrocarbures.
  • Total compte accroître sa production de gaz fossile de 30% d’ici 2030 alors que le GNL dans lequel investit l’entreprise peut être même jusqu’à 16% plus émetteur que le charbon!
  • Total investit dans l’ouverture de nouveaux projets pétroliers et gaziers aux 4 coins du monde, jusqu’au fin fond de l’Arctique.
  • En 2030, les énergies renouvelables ne représenteront que 15% de l’énergie produite par Total.

L’ hypocrisie des investisseurs qui se disent engagés pour le climat

Parmi les actionnaires qui soutiennent le plan climaticide de Total, on retrouve de gros investisseurs comme Amundi, BNP Paribas ou AXA qui reconnaissaient pourtant les insuffisances de la stratégie de Total jeudi dernier. Ils prétendent se soucier du climat mais dans les faits continuent de donner carte blanche à Total pour investir massivement dans les hydrocarbures. Ils tournent en dérision leurs propres engagements pour le climat et font voler en éclat l’idée d’une finance verte.

Amundi, premier investisseur français de Total, a indiqué avoir voté en faveur du plan “climat” de la major en raison de sa décision de consulter ses actionnaires sur le climat et d’indexer la rémunération de ses dirigeantS sur la baisse des émissions de CO2 en valeur absolue »” En réalité, Total ne s’est pour l’instant pas engagé à réitérer l’exercice, contrairement à Shell, et les modifications apportées à la rémunération seront insuffisantes pour impulser un profond changement dans les objectifs du groupe.

Qui sont les actionnaires qui votent à l’aune de l’urgence climatique?

Heureusement, certains investisseurs ont eu le courage de voter à l’aune des impératifs climatiques et non du discours bien rôdé de Total. Parmi eux, La Banque Postale AM et CNP Assurances, La Française, Sycomore, PME et Actiam. Mais aussi Meeschaert et Ircantec, deux investisseurs importants du Climate Action 100+. Tous ces investisseurs invoquent la même raison: Total ne s’est pas engagé à mettre un terme à ses activités d’exploration et d’ouverture de nouvelles réserves pétro-gazières comme le recommande désormais l’AIE ; Total n’explique pas comment il entend atteindre ses objectifs climatiques et continue de consacrer 80% de ses dépenses d’investissement au pétrole et au gaz. Total est par ailleurs impliqué dans de nombreux projets controversés comme l’oléoduc EACOP en Afrique de l’Est ou en Birmanie.

Ce vendredi 28 mai restera gravé dans l’Histoire comme une journée noire pour le climat mais aussi pour la finance verte qui vient de perdre sérieusement en crédibilité. Le vote de ce matin vient confirmer l’urgence que les acteurs financiers se dotent de politiques bien plus ambitieuses pour arrêter de donner carte blanche à l’industrie du pétrole et du gaz et atteindre leurs objectifs climatiques.